Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Présidentielle russe : le Kremlin en guerre contre l’abstention

À moins de deux mois de l’élection, Moscou craint qu’un taux de participation trop faible ne porte atteinte à la légitimité du régime.

Vladimir Poutine, lors des élections législatives du 18 septembre 2016. Grigory Dukor/AFP

Face à un résultat connu d’avance, l'élection présidentielle russe du 18 mars prochain peinent à mobiliser. Le scrutin devrait en effet prendre la forme d’un plébiscite pour Vladimir Poutine, à la tête de la Russie depuis maintenant près de 20 ans. Selon un sondage réalisé en janvier par le Centre de recherches de l’opinion publique russe, Vladimir Poutine remporterait les élections dès le premier tour avec 81 % des voix.

Pour les autorités, le principal adversaire du président russe est sans aucun doute l’abstention. Selon les dernières estimations de la Fondation politique de Saint-Pétersbourg, seulement 52 % des Russes devraient se déplacer aux urnes. Un chiffre largement insuffisant pour le pouvoir fédéral, qui entend faire mieux que les élections de 2012 et se donne comme objectif une participation de 70 %. « Le Kremlin est attaché au taux de participation car il est essentiel que le soutien à Vladimir Poutine paraisse actif et non passif et par défaut », explique à L’Orient-Le Jour Myriam Desert, chercheuse à l’Université Paris Sorbonne.


(Lire aussi : « Un, deux, trois, Poutine, tu t’en vas »)


Boycott des urnes
La possibilité de bureaux de vote déserts le jour de l’élection est bien réelle. En septembre 2016, seuls 48 % des électeurs s’étaient déplacés pour élire leurs représentants à la Douma. En cause : une certaine lassitude électorale face à des élections gagnées d’avance par le parti du président, Russie Unie. « Il y a peu de doute sur la réélection de Vladimir Poutine, la question est dans quelles conditions il va être élu et notamment avec quelle participation. Est-ce que les électeurs russes vont vraiment se déplacer pour une élection sans enjeux ? » s’interroge Françoise Daucé, directrice d’études à l’EHESS, contactée par L’Orient-Le Jour.

Le risque d’une abstention record est d’autant plus élevé depuis que l’opposant libéral Alexeï Navalny n’a pas été autorisé à présenter sa candidature, en décembre dernier. Au lendemain de la décision de la commission électorale russe, il annonçait une « grève du vote » et appelait à « boycotter » les élections.

Ces provocations ont suscité une réponse menaçante de la part du Kremlin. Le porte-parole du gouvernement a rétorqué à la presse qu’il lui semblait nécessaire « d’étudier la légalité de cet appel au boycott ». Mais cela n’a pas empêché M. Navalny d’organiser dimanche une manifestation nationale, réunissant des milliers de personnes pour dénoncer la « supercherie » de l’élection présidentielle. Arrêté par les autorités dimanche, l’opposant numéro un a été libéré hier matin.


(Lire aussi : Poutine veut devenir « empereur à vie », affirme Navalny)


Concours de selfies électoraux
Face au risque réel d’abstention, les autorités mettent les bouchées doubles. L’administration russe a récemment invité les différentes provinces à faire du 18 mars prochain un jour férié et a même fait appel aux autorités religieuses. Contre toute attente, le patriarche Kirill, chef de l’Église orthodoxe russe, invitait au début du mois de janvier les citoyens à participer à l’élection présidentielle.

Vladimir Poutine, lui-même, a entamé sa campagne par une volonté de mobiliser les électeurs. Sa plate-forme, savamment mise en scène par les médias d’État, révèle un slogan simple : « Un président fort, une Russie forte. » Fort de ses 7 millions de dollars de budget de campagne, plus que les moyens de tous les autres candidats combinés, le président entend dynamiser l’élection et tirer les Russes de leur apathie électorale.

Afin d’inciter les électeurs à se déplacer le jour du scrutin, le Kremlin prévoit de lancer un concours des meilleurs selfies pris dans les bureaux de vote, selon des documents obtenus par le média russe RBC. Les vainqueurs se verraient remettre des iPhone et des iPad, payés par l’État. Des sportifs, des comédiens, des acteurs et des blogueurs triés sur le volet par le pouvoir central seraient invités à participer à l’initiative en postant leurs photos sur les réseaux sociaux.

Lors des élections législatives de 2016, le gouvernement avait invité Mamba, l’équivalent russe de Tinder, à adopter une interface spécifique. Au lieu des propositions de rencontres classiques, l’application proposait des messages inédits : « Irez-vous voter avec elle (ou lui) aux prochaines élections ? » ou encore « Il semble que vous vous plaisez mutuellement. Vous pouvez aller ensemble aux urnes. » Une initiative qui devrait de nouveau être mise en place dans certaines régions en mars prochain.

Dans les régions où l’abstention risque d’être particulièrement élevée, les autorités envisagent de mettre en place des activités familiales à proximité des bureaux de vote : des matches de football, des jeux ludiques et des référendums concernant la vie des écoliers. L’objectif ? Créer une « atmosphère de vacances », selon l’administration russe. Une organisation qui n’est pas sans rappeler les scrutins sous l’ère soviétique, où des concerts et buffets électoraux étaient mis en place dans les bureaux de vote.

Face à un résultat connu d’avance, l'élection présidentielle russe du 18 mars prochain peinent à mobiliser. Le scrutin devrait en effet prendre la forme d’un plébiscite pour Vladimir Poutine, à la tête de la Russie depuis maintenant près de 20 ans. Selon un sondage réalisé en janvier par le Centre de recherches de l’opinion publique russe, Vladimir Poutine remporterait les...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut