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Liban - Violence domestique

« Neuf victimes en six semaines, ça suffit ! »

L’ONG Kafa a appelé samedi à un sit-in pour dénoncer les crimes qui continuent à coûter la vie à des femmes.

Les manifestants rassemblés samedi à la place de l’Étoile. Photo Kafa

Trente mannequins en carton rouge sont disposés autour de la place centrale de la place de l’Étoile. Sur chacun d’eux est écrite l’histoire d’une femme qui a payé de sa vie la violence faite à son encontre. À ces récits, dont certains remontent au milieu des années quatre-vingt-dix, viennent s’ajouter les cas des neuf femmes tuées en l’espace de six semaines, à partir de la mi-décembre. Parce que ces femmes ne sont pas un chiffre et pour éviter que d’autres crimes ne soient encore perpétrés, l’ONG Kafa a organisé samedi un sit-in devant le Parlement, puisque « la Chambre est l’autorité qui doit développer des politiques et voter des lois susceptibles de protéger les femmes », affirme à L’Orient-Le Jour Zoya Rouhana, présidente de Kafa.
« La liste des femmes victimes de violence ne fait que s’allonger dans l’indifférence des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire », déplore-t-elle. Et d’affirmer : « Nous leur demanderons des comptes lors des prochaines législatives. » Kafa a été rejointe par dix-neuf organisations et groupes de la société civile.

Dès 11 heures, jeunes et moins jeunes commencent à affluer à la place de l’Étoile. Ils brandissent des slogans dénonçant le laxisme de la justice dans les dossiers de la violence domestique, ainsi que les mentalités communautaires et machistes dont sont victimes les femmes. Affirmant que « la tolérance a ses limites », ils ont appelé à l’amendement de l’article 252 du code pénal, conformément auquel le coupable peut bénéficier de « circonstances atténuantes » s’il a commis son crime « sous le coup d’une violente colère due à un acte injuste et dangereux de la victime ». Les manifestants réclamaient aussi que les amendements introduits à la loi 293 pour la lutte contre la violence domestique approuvés en Conseil des ministres soient transmis au Parlement pour qu’il les vote.

 « La loi actuelle est bonne », affirme le ministre d’État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian. « Il ne faut pas tout confondre. Le problème se pose au niveau de la justice et non de la loi. Celle-ci doit être plus ferme dans ses jugements. Or dans certains cas, le coupable est en train de bénéficier de circonstances atténuantes. » M. Oghassabian a en outre déclaré que son ministère est en train d’étudier, avec les autorités locales concernées et des organismes internationaux, un projet « pour faire introduire la culture de l’égalité des genres dans le cursus scolaire, parce qu’il faut éduquer les nouvelles générations à refuser ces crimes ».

Renforcer les sanctions
« Il n’y a pas de décision politique pour mettre un terme à la violence », s’insurge Marie-Rose Zalzal, avocate, qui appelle à « un plus fort engagement de la société civile et de l’État ». Pour Mohammad, la trentaine, il est nécessaire de « renforcer les lois qui protègent les femmes, notamment celles qui sont victimes de violence ». « L’État n’assume pas ses responsabilités à ce niveau », déplore-t-il. « Nous continuerons la campagne jusqu’à ce que la violence et les crimes contre les femmes s’arrêtent », dénonce, elle aussi, Iqbal Doughan, présidente du Conseil de la femme libanaise. « La société est violente envers les plus faibles, ajoute-t-elle. Si la femme continue à être victime de violence c’est parce qu’elle est souvent obligée de se taire et de supporter pour ses enfants. S’ils ne veulent pas de loi civile pour le statut personnel, qu’ils améliorent au moins les lois en vigueur ! Les temps ont changé. La femme ne peut plus continuer à accepter cette humiliation. » 

Danielle a 21 ans. Samedi, elle était descendue crier son indignation contre « les crimes qui continuent à être perpétrés contre la femme ». « C’est contre les droits de tout être humain et non seulement de la femme, avance-t-elle. Je suis ici pour moi, pour mes futurs enfants, mais aussi pour le Liban. » Aïda Sabra, actrice et metteur en scène, déplore quant à elle « l’augmentation sans précédent des crimes perpétrés contre la femme dans une courte période ». « Il faut que ce problème soit débattu de manière sérieuse, insiste-t-elle. Il est également important de renforcer les sanctions à l’encontre des criminels. » Même son de cloche chez Rita Chémali, professeure d’université, qui a aussi « tenu à saluer la mémoire de toutes ces femmes qui ont été victimes des crimes les plus horribles, parfois devant leurs enfants ».

Plus loin, un groupe de quatre jeunes âgés entre 16 et 17 ans brandissent des pancartes qu’ils ont eux-mêmes conçues. Ces jeunes appellent à « l’égalité pour tous » et incitent « les femmes à ne plus se taire ». « Les vrais hommes ne battent pas les femmes », lit-on aussi. « Je suis ici pour faire entendre le cri que personne n’a entendu lorsque ces femmes ont été battues », affirme Amjad.
« Ce n’est pas aux associations de protéger les femmes, mais à l’État de le faire », martèle pour sa part Leila Awada, avocate et membre de Kafa. « Combien de femmes doivent encore mourir pour que les responsables se penchent sérieusement sur la question ? Pourquoi les amendements introduits à la loi 293 n’ont-ils toujours pas été transmis au Parlement ? Pourquoi a-t-on peur d’accorder à la femme ses droits ? » Autant de questions que se posent Leila Awada et tous les manifestants qui étaient présents, dans l’attente d’une réponse qui risque de tarder à venir.


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DRESSEZ LES POTENCES !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 15, le 29 janvier 2018

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Commentaires (2)

  • DRESSEZ LES POTENCES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 15, le 29 janvier 2018

  • Une loi sévère et à la hauteur des enjeux, punissant les hommes qui se croient tout permis envers les femmes, (jusqu'à les tuer)... qui pourra venir à bout de telles abjections. L'ignorance, l’obscurantisme tuent le cerveau humain hélas ...

    Sarkis Serge Tateossian

    15 h 38, le 29 janvier 2018

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