La classe politique est désormais prise par une fièvre électorale sans précédent, en raison notamment du fait que la plupart des forces en présence ont encore du mal à comprendre toutes les subtilités de la nouvelle loi. Chaque circonscription a ainsi ses particularités et ses difficultés, mais une de celles qui intéressent le plus les médias est la troisième circonscription du Liban-Nord, qui regroupe les quatre cazas dont la majorité de l’électorat est chrétienne, Bécharré, Zghorta, Batroun et Koura. C’est en effet la première fois que ces quatre cazas se retrouvent dans une même circonscription électorale, seuls. Cette décision, il faut le rappeler, a été prise à la demande expresse du chef du CPL Gebran Bassil, qui voulait appliquer ainsi son idée de permettre aux électeurs chrétiens d’élire le plus grand nombre de députés chrétiens. Mais ce n’est pas là le seul intérêt de cette circonscription, puisqu’en principe trois candidats à l’élection présidentielle en 2022 devraient s’y présenter pour un siège de député. Il s’agit de Bassil lui-même, candidat au Batroun, Sleiman Frangié, candidat à Zghorta, et Boutros Harb candidat au Batroun. À ces trois, il faut ajouter Samir Geagea, qui n’est pas candidat en principe à Bécharré, mais qui reste dans la course pour la présidence, en tant que chef des FL.
Chacun de ces pôles estime que le score qu’il réalisera dans cette circonscription pourrait renforcer ou non ses chances pour la présidence. Mais, dans cette circonscription qui regroupe dix sièges chrétiens, le caza le moins connu est celui du Koura, qui pourtant joue un rôle primordial au Nord et en même temps introduit deux éléments influents dans la circonscription aux côtés des formations chrétiennes : le PSNS et les sunnites.
Selon des estimations basées sur les élections de 2009, au Koura, le PSNS a ainsi près de 7 600 voix et les électeurs sunnites près de 6 000 voix, alors que les partis du CPL et des FL ne disposent en principe que de 3 500 voix chacun. Il y a aussi les Marada qui disposent de 2 000 voix, les Kataëb de 1 500 voix et il y a encore 1 000 voix chiites et alaouites. C’est dire que ce caza est le plus varié sur le plan de l’électorat et le plus complexe de la circonscription. C’est aussi là que se détermineront les alliances qui auront un impact sur l’ensemble de la circonscription.
Dans la campagne électorale qui commence et qui s’annonce très violente, certains travaillent en grande pompe et d’autres dans la plus grande discrétion. André Aour, une des figures économiques du Liban et actuel membre du Conseil économique et social, fait partie des seconds. Dimanche, il a donné dans sa villa au bord de la mer, à Enfé, un brunch en l’honneur du chef du CPL et ministre des AE Gebran Bassil. En plus du mohafez du Liban-Nord Ramzi Nohra, 27 chefs de municipalité de la région étaient présents. Mais la présence la plus remarquée était celle de Hassan Sakr, membre du PSNS et candidat probable aux élections pour un des sièges grecs-orthodoxes du Koura. Sa participation à ce brunch avait été préparée par une visite de Aour au chef du PSNS Assaad Hardane.
Aour précise avoir agi de sa propre initiative, soucieux de permettre au CPL et au PSNS d’entamer un dialogue fructueux dans cette circonscription et en particulier au Koura. Car, si l’actuel vice-président de la Chambre Farid Makari (qui n’a pas encore décidé si c’est lui qui sera candidat ou son fils) choisit de s’allier aux Forces libanaises, le CPL pourra être en difficulté dans ce caza. Il faudra ainsi voir où iront les voix sunnites. En principe, le courant du Futur est populaire dans cette région (dont est originaire l’ancienne ministre des Finances Raya el-Hassan), mais il n’est pas le seul. L’ancien ministre Fadl Chalak dispose d’un nombre non négligeable de voix. En attendant que se précise le vote sunnite, la possibilité de compensation, pour le CPL, réside dans une alliance électorale avec le PSNS, qui, de son côté, ne peut pas s’allier aux FL pour des raisons politiques évidentes, mais préfère plutôt une alliance avec les Marada de Frangié. Selon des personnalités présentes dans la villa Aour de Enfé, dimanche, la discussion entre Bassil et Sakr aurait été fructueuse et profonde, et elle pourrait constituer le point de départ d’une alliance entre les deux formations, qui ne resterait pas limitée au Koura ni même au Liban-Nord, mais atteindrait le Metn, autre fief du PSNS, où la bataille pour le CPL pourrait être serrée, face à une alliance probable entre les Forces libanaises et les Kataëb, et face à l’inconnue que représente l’ancien vice-Premier ministre Michel Murr et son alliance traditionnelle avec le parti arménien Tachnag. Les discussions de Enfé auraient ainsi permis d’entamer un dialogue entre les candidats du CPL au Metn et les dirigeants du PSNS. Mais les efforts d’André Aour ne s’arrêtent pas à ce stade. Selon lui, la seconde étape consistera à favoriser l’amorce d’un dialogue entre le CPL et son chef et le chef des Marada Sleiman Frangié, surtout après la déclaration de ce dernier, dans son interview à la LBCI, lorsqu’il a dit : « Je préfère que Gebran Bassil soit élu au Batroun pour que le siège ne revienne pas aux FL. » Comme Aour le dit avec humour, « il y aura donc un Enfé 2 après le Enfé 1 ». Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il sera lui-même candidat pour un des sièges du Koura. Selon lui, c’est encore trop tôt pour se prononcer sur cette question. Par contre, il a déjà lancé des projets de développement au Koura, notamment la création d’un port touristique à Enfé et la construction d’un barrage à Derb Echtar. Mais il précise que ces projets n’ont rien à voir avec les élections... qui restent pourtant prioritaires dans cette circonscription particulièrement symbolique. C’est donc au Koura, et en particulier à Enfé, que se jouera le sort des alliances entre le CPL, le PSNS et les Marada, qui pourraient changer l’issue des élections de mai 2018 dans au moins deux circonscriptions.
si je peux me permettre ... comme dit PROPAGANDE HYPER BIEN HUILER LOL
23 h 00, le 25 janvier 2018