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Lifestyle - Focus

Mademoiselle Jeanne en six sens

Bien sûr, il y a « Ascenseur pour l’échafaud » et « Les amants » qui l’ont starisée et polarisée. Bien sûr, il y a ces treize à la douzaine d’autres rôles, parfois courts, toujours impressionnants. Mais si l’on devait ne retenir que six films où Jeanne Moreau implose,
ce serait ceux-ci – à voir et revoir sans faim/fin...

Jules et Jim / François Truffaut / 1962
C’est Bérénice de Racine, truffaldienne comme rarement, simplement tragique. Jeanne Moreau est bipolaire ; le spectateur est pris au collet. La mathématique est implacable : le triangle (amoureux, amical, sexuel), figure géométrique à la fois matrice de divines idylles et monstre sanguinaire, ne laisse personne intact. La danse de mort finit dans le ravin, chute et envol, Éros et Thanatos, toujours siamois… Thelma et Louise n’ont rien inventé : Catherine et Jim restent scotchés sur les rétines de tous les cinéphiles du monde.

La Baie des anges / Jacques Demy / 1963
C’est Dostoïevski sous cocaïne, mais cette fois, la rédemption est au bout du chemin. La reine (rouge, blanche, les deux ?) de cœur est Jeanne-Jackie-junkie aux jetons de casino, vénérée par Jean (Claude Mann, acteur beau comme un Demy-dieu et pour lequel l’œil du réalisateur était fou d’amour). C’est un film-choix : tout est choix dans la vie, chuter ou s’envoler, encore et encore, s’immoler dans son vice ou aimer, chercher, trouver et prendre la main de l’autre. Blonde platine, mademoiselle Jeanne a rarement été aussi sexy. Magnétique.

Le journal d’une femme de chambre / Luis Buñuel / 1964
S’il était vivant, Octave Mirbeau serait mort (de bonheur) d’infarctus. L’adaptation de ses mots par le maître incontesté du cinéma planétaire depuis les frères Lumière, le très perché don Luis, est un chef-d’œuvre immarcescible. Jeanne Moreau est fétichisée jusqu’à l’extrême, baby doll retorse, ingénue perverse, elle est ce que Buñuel a toujours rêvé être : un vecteur absolu de désirs polymorphes et incontrôlables. Aux antipodes du manichéisme et de tous les délits de faciès possibles, cette chronique sainte et putain est un Everest.

Falstaff / Orson Welles / 1965
L’éléphantesque maestro considérait Falstaff (et Le procès) comme son meilleur film. Sans doute y est-il, volontairement ou pas, le plus rimbaldien : il réinvente tout. Tout : Shakespeare, l’Angleterre, la virilité, le rapport père-fils, le concept du pouvoir, la métamorphose de chaque homme dans sa nuit, et l’amour. Parce qu’il faut dire que rarement, très rarement, actrice aura été filmée avec autant d’amour : Jeanne Moreau, alias Doll Tearsheet, rend fou Orson le réalisateur, Orson l’acteur (il joue le rôle principal) et, surtout, Orson l’homme.

Querelle / Rainer Werner Fassbinder / 1982
L’affolante trinité. Jean Genêt et Rainer Werner Fassbinder, homosexuels flamboyants et bruts, auraient donné un rein pour être, littéralement, Jeanne Moreau. Rôle secondaire, on ne voit qu’elle, malgré une direction artistique folle, malgré la myriade de symboles phalliques chers au romancier et au réalisateur, malgré la beauté méphistophélique de Brad Davis, captif amoureux de ce véritable Midnight Express, où mourir de désirs n’a jamais été aussi clair. Each man kills the thing he loves : les mots chantés par mademoiselle Jeanne doivent être écoutés et entendus par tous.

La vieille qui marchait dans la mer / Laurent Heynemann / 1991
Encore un triangle, twisté follement par Frédéric Dard. Le film est mineur, malgré Michel Serrault, impeccable comme toujours, malgré Luc Thuiller, alpha male blond comme le péché, malgré la Guadeloupe et la Côte d’Azur. Mais le film est un pur chocolat mou, parce que ce rôle de Lady M. aux 2017 amants passés, ce rôle de cougar ridée, ultramaquillée et bijoutée jusqu’à l’os, ce rôle de sublime salope, d’arnaqueuse invétérée et drôlissime, ce rôle entre duchesse salace et poissonnière bas-bleu, Jeanne Moreau le vampirise comme personne.


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