La classe politique se consacrant actuellement aux prochaines élections législatives prévues le 6 mai, le dossier des déplacés syriens semble donc mis en veilleuse. Aucune des parties politiques n'a en effet intérêt à ce que ce dossier soit présent dans les campagnes électorales en raison de la délicatesse du sujet et de l'état d'esprit général des électeurs toutes tendances confondues au sujet de la présence de ces déplacés dans leurs localités.
Les incidents entre Libanais et déplacés syriens se multiplient un peu partout sur le territoire libanais et de nombreux Libanais voient la présence des Syriens, déplacés ou non, comme une concurrence économique illégale et une source de problèmes sociaux, voire même sécuritaires. En même temps, ce dossier est lié à la communauté internationale qui finance en grande partie la présence de ces déplacés au Liban dans un but précis, celui de les empêcher d'affluer vers les pays occidentaux. Il a aussi une dimension politique liée à l'approche du dossier syrien dans son ensemble et à l'attitude à adopter vis-à-vis du régime syrien et de son président Bachar el-
Assad. Ceux qui considèrent que le chemin obligé pour le règlement de ce dossier passe par un dialogue avec Damas ne peuvent pas utiliser leurs arguments pour ne pas mettre leurs alliés au pied du mur et ceux qui rejettent tout dialogue avec les autorités de Damas savent que leur position n'est pas populaire auprès de leurs électeurs et qu'elle est plus ou moins dépassée par les développements sur le terrain. Même les études publiées dans les médias sur l'opportunité que représente pour le Liban la présence des déplacés syriens ne convainquent pas la population qui reste assez hostile à l'égard des déplacés syriens indépendamment des considérations humanitaires. La violente polémique autour de la visite de certains ministres à Damas s'est donc soudainement calmée après le retour du Premier ministre Saad Hariri de son séjour controversé à Riyad et rien n'indique qu'elle sera rouverte au cours des prochains mois.
Pourtant, il ne faut pas croire que ce dossier ne connaît pas des développements importants qui se font toutefois dans la plus grande discrétion. L'initiative vient cette fois du régime syrien, avec une coordination discrète avec les autorités libanaises concernées, sachant que le directeur général de la Sûreté générale est officiellement chargé des contacts avec Damas. Au cours des dernières semaines, le ministre d'État syrien à la Réconciliation nationale, Ali Haïdar, a ainsi effectué plusieurs visites au Liban et en particulier dans les camps de déplacés dans le but de commencer à préparer le processus de leur retour. En décembre, M. Haïdar s'est donc rendu au camp de déplacés installé dans le village de Srifa au Liban-Sud et il s'est entretenu avec les Syriens qui y vivent, essayant de procéder à une sorte de recensement. Il a voulu ainsi savoir d'où ils viennent et si leurs localités d'origine font partie des zones sûres. Il les a aussi sondés sur leur volonté de retourner chez eux.
Selon des sources qui suivent le dossier, le ministre syrien se serait entretenu aussi bien avec les déplacés considérés comme proches du régime syrien qu'avec ceux qui sont proches de l'opposition, pour les inciter tous à revenir en Syrie en promettant de fournir les garanties nécessaires pour leur sécurité. Les mêmes sources précisent que les entrevues entre les déplacés et le ministre syrien auraient eu un impact positif et des listes de personnes souhaitant retourner en Syrie auraient commencé à être dressées. À tous les déplacés, Ali Haïdar serait en train de tenir le même discours, leur assurant qu'il vaut mieux pour eux rentrer en Syrie, s'ils sont originaires de localités situées dans des zones sûres, et ajoutant que les actions militaires seront bientôt terminées dans ce pays et qu'un accord de réconciliation est prévu, dont ils pourraient être les premiers bénéficiaires.
D'autres groupes de l'opposition dite « modérée » ou appelée encore « de l'intérieur », comme le « Mouvement du peuple », sont également en train d'envoyer des émissaires dans les camps de déplacés syriens au Liban pour les inciter à revenir dans le cadre d'un accord de réconciliation. Selon des sources proches de ces groupes, des centaines de familles syriennes installées au Liban auraient exprimé leur accord pour revenir en Syrie, dans le cadre d'un règlement du différend avec les autorités. Les mesures concrètes pour assurer ce retour sont, dans ce contexte, à l'étude et les sources précitées assurent que quelques milliers de déplacés pourraient ainsi retourner en Syrie au cours des deux prochains mois. Certes, on est encore loin du retour massif et déterminant, car quelques milliers ne changent rien au chiffre impressionnant des déplacés syriens recensés au Liban qui s'élèverait à plus d'un million et demi de personnes. Mais il s'agit de lancer le processus, à la fois pour les déplacés eux-mêmes en leur montrant qu'ils ont encore un avenir en Syrie, et pour les Libanais en leur donnant la preuve que la présence des déplacés n'est pas éternelle et qu'un jour ou l'autre, ils devront rentrer chez eux. Ce qui sera forcément perçu comme un indice encourageant.
Liban - Décryptage
Démarches discrètes pour entamer le processus de rapatriement des Syriens
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 15 janvier 2018 à 00h00
commentaires (8)
L'enfer est peuplé de bonnes intentions...aussi celles des Héros acclamés par les moutons-suiveurs-bêleurs... Irène Saïd
Irene Said
17 h 56, le 15 janvier 2018