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Scatopolitik

On n'est pas pour rien chef de la première puissance mondiale. La moindre de vos initiatives est scrutée par la planète, les valeurs boursières fluctuent au gré de vos ukases, l'humanité entière est suspendue à vos lèvres avec le sentiment confus qu'elle sera affectée, de près ou de loin, par chacun de vos mots. Cette écrasante responsabilité, Donald Trump ne peut qu'en être conscient, le contraire serait proprement inconcevable. Le problème est que, de ses provocants écarts de langage, sa narcissique personne ne semble retirer que maladive jubilation.

Hier, on comptait les heures dans l'attente de la décision du président américain concernant l'accord sur le nucléaire iranien conclu par son prédécesseur Barack Obama. Se fondant sur ses promesses électorales, on lui prêtait l'intention de supprimer le gel (périodiquement renouvelable) des sanctions économiques contre Téhéran, ce qui eût entraîné un torpillage en règle de l'accord. Apparemment sensible aux adjurations d'une Europe affolée par une telle perspective, le président a accepté de temporiser, mais en faisant savoir que c'était la toute dernière fois. Les trois prochains mois seront donc décisifs pour la recherche d'un remaniement, dans un sens plus contraignant, de la convention honnie, éventualité à laquelle se refuse farouchement Téhéran.

En dépit de la gravité de ce dossier – et par la grâce, encore lui, de Mister Trump–, c'est une autre affaire qui promet cependant d'accaparer, dans l'immédiat, l'actualité internationale. Ce n'est guère nouveau, l'homme est un indécrottable raciste. Ses innombrables impairs, soigneusement répertoriés par les médias, n'ont guère épargné grand monde; tour à tour, il s'en est pris aux Afro-Américains, aux Hispaniques, aux Asiatiques, aux musulmans, et même parfois aux juifs. Mais jamais ses outrances verbales n'avaient été plus scandaleuses, plus ordurières que celles proférées jeudi dans son bureau. Au cours d'une réunion consacrée à la question de l'immigration, il a qualifié de pays de m...e plusieurs États africains ainsi que cet infortuné Haïti qui, il y a quelques mois seulement, avait déjà eu droit à un premier accès de hargne présidentielle. Confirmés par plus d'un sénateur présent et largement diffusés par la grande presse, ces propos furieusement scatologiques ont néanmoins fait l'objet d'un démenti twitté par Trump mais si vague, si emberlificoté que ce n'en était pas véritablement un...

C'est une fois de plus la diplomatie US qui va s'activer à jouer les pompiers, à calmer la légitime colère des gouvernements d'Afrique et de Haïti, en les assurant du grand respect de Washington : respect des différences qui était précisément le thème central du discours sur les valeurs américaines que prononçait hier même le pompier en chef, Rex Tillerson... La diplomatie, ce n'est pas tout, cependant. Un Congrès indigné – et avec lui une large portion de la population –, un Parti républicain désemparé, un hallali médiatique enfonçant parfois les frontières du mauvais goût, comme cette caricature du Daily News représentant le président sous la forme d'un étron ; plus grave que tout cela est l'injure faite, à partir du sommet de la hiérarchie politique, à un tissu démographique américain en pleine mutation, et même en voie de diversification accélérée. Selon les derniers recensements, la population afro-américaine frôle les 13 %, chiffre déjà dépassé par les Hispaniques. En base d'une comparaison statistique des natalités, on prévoit qu'en l'an 2040, l'Amérique blanche aura perdu la majorité.

Mais l'odieux milliardaire Donald Trump se soucie-t-il d'autres chiffres que des indices du Dow Jones ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

On n'est pas pour rien chef de la première puissance mondiale. La moindre de vos initiatives est scrutée par la planète, les valeurs boursières fluctuent au gré de vos ukases, l'humanité entière est suspendue à vos lèvres avec le sentiment confus qu'elle sera affectée, de près ou de loin, par chacun de vos mots. Cette écrasante responsabilité, Donald Trump ne peut qu'en...