Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Tunisie : les raisons d’une nouvelle colère

Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations contre la hausse des impôts et des prix ; le mouvement devrait se poursuivre malgré les appels au calme.

Dans le quartier de Djebel Lahmer, à Tunis, des contestataires se sont heurtés aux forces policières hier à l’aube. Sofiene Hamdaoui/AFP

Émeutes, manifestations et mouvements citoyens : la Tunisie entre dans une nouvelle phase de grogne sociale qui, après plusieurs jours de contestation, ne semble pas devoir se calmer. Après l'adoption, la semaine dernière, d'un budget 2018 jugé particulièrement ambitieux, suivi de mesures d'austérité, l'annonce d'une augmentation des impôts et des prix a été l'élément catalyseur d'une énième fronde sociale. Cette colère survient sept ans après le début du soulèvement populaire de 2011, souvent défini comme le premier des printemps arabes. Dans la nuit de mardi à mercredi, plus de 200 personnes ont été arrêtées, une cinquantaine de policiers ont été blessés, surtout à Tunis et à Tebourba, à l'ouest de la capitale. Aucun bilan du côté des manifestants n'a pu être obtenu et vérifié. Des dizaines de voitures de police ont été incendiées, plusieurs bâtiments comme des centres de sécurité ont été endommagés, pillés, ajoutant au climat de peur ambiant. C'est le cas par exemple d'un supermarché Carrefour, pillé mardi soir de sa marchandise comme de sa caisse. Les vols ont abouti au déploiement de l'armée aux environs de symboles gouvernementaux, comme les banques.

Les émeutes touchent une vingtaine de villes dans plusieurs régions du pays, notamment Tunis, Tebourba, Kasserine, Gafsa, Jedeida, Gabès, Nabeul et Sidi Bouzid, d'où est parti le soulèvement de 2011. Routes coupées, gaz lacrymogènes et jets de pierre caractérisent les rassemblements devenus violents depuis lundi, suite à la mort d'un manifestant. Des cocktails Molotov ont également visé une école juive sur l'île de Djerba – où se trouve la plus ancienne synagogue d'Afrique – mais sans faire de victimes.

 

(Lire aussi : Troubles sociaux en Tunisie : nouveaux heurts après la mort d'un homme)

 

Sans être le plus large depuis 2011, le mouvement de contestation actuel n'en reste pas moins le plus rapide en termes de propagation, explique à L'Orient-Le Jour Youssef Cherif, un analyste politique basé à Tunis. « Il y a une colère latente qui semble exploser aujourd'hui, et cela peut devenir une autre vague similaire à 2011 », estime l'analyste, pour qui « un certain nombre de partis politiques exploitent la situation » pour régler leurs comptes. Preuve en est les échanges, mardi soir, devant l'Assemblée, entre l'un des principaux partis au pouvoir et ceux de l'opposition. Adnane Hajji, un député de l'opposition, a ainsi justifié les violences en affirmant que « si le gouverneur vole, évidemment que le peuple va voler ». Le parti Ennahda (islamiste), membre de la coalition au pouvoir, a réagi en mettant en garde ceux qui « fournissent une couverture politique justifiant les actes de violence et de vandalisme », tandis que l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), le puissant syndicat, a appelé à « protester de manière pacifique ».
Le Premier ministre tunisien Youssef Chahed a condamné hier les violences qui, selon lui, « servent les intérêts des réseaux de corruption pour affaiblir l'État », tout en pointant du doigt le Front populaire, un parti de gauche opposé au budget. Plusieurs partis progouvernementaux ont d'ailleurs accusé certains opposants au nouveau budget d'avoir payé les casseurs.

 

Fossé entre riches et pauvres
Étant donné la stagnation économique dans laquelle baigne le pays, un retour rapide à la normale est difficilement envisageable. Après une journée plutôt calme, hier, des protestataires se sont retrouvés dans les rues de certaines localités comme Tebourba hier en soirée. De nouvelles manifestations massives sont d'ailleurs prévues demain, vendredi, à l'appel notamment des militants de la nouvelle campagne « Fech nestannew » (Qu'est-ce qu'on attend). Communément considéré – à tort ? – comme le seul pays arabe à la transition réussie depuis les soulèvements de 2011, la Tunisie a un taux de chômage de 15 %, une inflation de plus de 6 %, une situation sécuritaire fragilisée par plusieurs attentats ces dernières années, et a connu plusieurs gouvernements successifs qui ont tous échoué à répondre aux aspirations du peuple.

Beaucoup estiment que les différents plans budgétaires des dernières années n'ont fait que contribuer à creuser le fossé entre riches et pauvres, et les manifestants demandent aujourd'hui davantage d'aides aux familles dans le besoin, durement touchées par l'augmentation des taxes et des prix. De nouvelles mesures ont déjà été annoncées, comme la hausse du salaire minimum dans le secteur public, suite à une pression des syndicats, mais cela pourrait ne pas suffire. « Le gouvernement actuel peut calmer les manifestants en modifiant le budget et en annonçant des mesures temporaires ou prometteuses, mais il n'est pas certain que ceux qui sont dans la rue accepteront », estime Youssef Cherif.

 

 

Pour mémoire
En Tunisie, des "enfants de la révolution" contre la discrimination au lycée

Émeutes, manifestations et mouvements citoyens : la Tunisie entre dans une nouvelle phase de grogne sociale qui, après plusieurs jours de contestation, ne semble pas devoir se calmer. Après l'adoption, la semaine dernière, d'un budget 2018 jugé particulièrement ambitieux, suivi de mesures d'austérité, l'annonce d'une augmentation des impôts et des prix a été l'élément catalyseur...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut