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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Macron en opération séduction à Pékin

Le président français, en voyage diplomatique en Chine jusqu'à demain, souhaite renforcer le partenariat avec l'Empire du Milieu.

Le président français, Emmanuel Macron, et son homologue chinois, Xi Jinping, hier à Pékin. Pool/AFP

Emmanuel Macron veut faire revenir la France sur le devant de la scène asiatique en consolidant ses liens avec un partenaire de taille, la Chine. Le dirigeant français s'est rendu pour la première fois hier en sa qualité de président dans l'Empire du Milieu, à l'occasion d'un voyage diplomatique qui doit s'étendre jusqu'à demain. M. Macron, friand de symboles, a entamé sa tournée accompagné de son épouse Brigitte par une visite à Xian, la ville qui fut le point de départ de la route de la Soie (voir p. 5) que le président chinois, Xi Jinping, souhaite remettre au goût du jour.

Le couple présidentiel s'est ensuite rendu plus tard à Pékin où il a été reçu par M. Xi et son épouse. « La Chine et la France sont deux grands pays avec une histoire glorieuse », a déclaré le dirigeant chinois à l'arrivée de M. Macron. « Nous partageons le désir d'être deux dirigeants historiquement responsables et choisissons de continuer à promouvoir la relation entre nos deux pays », a-t-il poursuivi. « Nos destins sont liés », a souligné pour sa part M. Macron, précisant que « l'avenir a besoin de la France, de l'Europe et de la Chine ». « Nous sommes la mémoire du monde. Il nous appartient de décider d'en être l'avenir », a-t-il ajouté.

Le président français a par ailleurs offert un cheval de la garde républicaine, renouant avec une tradition vieille de plusieurs siècles, « désireux de tisser des liens d'amitié avec les chefs d'État étrangers. Plus qu'un cadeau, Emmanuel Macron a voulu faire un geste diplomatique », a souligné la présidence française à l'AFP. Il répond ainsi à la « diplomatie du panda » selon laquelle Pékin avait prêté un couple de pandas en 2012.

Les enjeux de cette rencontre sont de taille, alors que Pékin représente la deuxième puissance mondiale après Washington. De nombreux sujets sont sur l'agenda bien chargé des dirigeants français et chinois : échanges commerciaux, climat, sécurité, lutte contre le terrorisme ou encore droits de l'homme. Dans ce contexte, le président « jupitérien » veut mettre l'accent sur le multilatéralisme, cherchant à s'engager dans la brèche laissée par l'absence de leadership américain dans ce domaine depuis l'accession au pouvoir de Donald Trump. Mais sa venue en Chine est également l'occasion de se faire le porte-voix des intérêts de l'Union européenne, le premier partenaire commercial de Pékin, tandis que la Chine est le deuxième partenaire commercial de l'organisation européenne. Et pour cause, l'Allemagne tente de solutionner la crise politique qui secoue Berlin en interne et Londres a les mains déjà bien occupées par l'épineux dossier du Brexit.

 

« Rééquilibrer les relations »
« Ma volonté est que la France et l'Europe (...) soient au rendez-vous offert par la Chine », a lancé M. Macron lors de son discours d'un peu plus d'une heure à Xian. Se référant à l'ambitieux projet chinois de la reconstruction de la route de la Soie d'antan qui doit s'étendre au moins jusqu'à l'Europe, le président français a insisté sur le fait que « ces routes sont en partage et elles ne peuvent être univoques ». « Elles ne peuvent être les routes d'une nouvelle hégémonie qui viendrait mettre en état de vassalité les pays qu'elles traversent », a-t-il martelé. « Macron veut rétablir une relation de confiance avec les Chinois, ce qui est très important à leurs yeux », estime Pierre Picquart, docteur en géopolitique et spécialiste de la Chine, interrogé par L'Orient-Le Jour. Selon le chercheur, « il est considéré comme un personnage stable, vu comme un grand leader de l'Union européenne et bénéficie d'une grande popularité en Chine », notamment grâce à sa femme de 24 ans son aînée, qui a fasciné les Chinois. L'occasion pour le chef de l'État français de se différencier de ses prédécesseurs et de faire pencher la balance en sa faveur.

Emmanuel Macron s'est donné pour mission de « rééquilibrer les relations économiques et commerciales » entre Paris et Pékin. Car le déficit commercial avec la Chine est de 30 milliards d'euros, un montant colossal alors que Pékin est le deuxième fournisseur de la France. S'investir sur la scène chinoise représente donc un moyen pour la France – et les pays de l'Union européenne – de tenter de contrebalancer un projet considéré comme un outil de l'expansion chinoise alors que le projet de reconstruction de la route de la Soie lancé en 2013 dispose d'une enveloppe de 124 milliards de dollars.

Dans l'optique de relancer la machine des contrats franco-chinois, le chef de l'État français est venu en Chine accompagné d'une cinquantaine d'entrepreneurs et de chefs d'entreprise. M. Macron doit par ailleurs signer aujourd'hui plus de cinquante accords et contrats, notamment dans l'aéronautique et le nucléaire civil. Dans le cas très attendu d'un accord entre Airbus et Pékin pour une participation chinoise dans le programme A380 en échange de commandes, « ce n'est pas pour demain », a cependant précisé une source à Reuters.

 

« Coleadership »
Mais au-delà des relations économiques et commerciales, la venue du président français marque l'occasion de rapprocher la France et la Chine sur le dossier du réchauffement climatique alors que Washington s'est retiré de l'accord de Paris en juin dernier. « Au plan international, après la décision américaine, je considère que la lutte contre le changement climatique relève en grande partie d'une capacité de coleadership franco-chinois », a expliqué M. Macron dans un entretien exclusif accordé au site french.china.org.cn publié hier. « Nous allons renforcer notre concertation en vue de la COP24 de 2018 et de la Convention des Nations unies sur la biodiversité que la Chine accueillera en 2020 », a-t-il affirmé. « Je souhaite aussi que nous travaillions ensemble sur le pacte mondial pour l'environnement que la France porte aux Nations unies pour mettre le droit international en ligne avec les défis de notre temps », a souligné le chef de l'État français. Autant de questions qui doivent être abordées aujourd'hui lors du sommet entre les deux dirigeants.

La question des droits de l'homme doit également être soulevée par le président français. La Chine est décriée par de nombreuses organisations pour ses violations du droit international et des droits de l'homme, à l'encontre d'activistes, de journalistes ou encore des minorités religieuses. Les présidents français et chinois en discuteront cependant en privé, a précisé l'Élysée. Vu la sensibilité extrême du sujet, il reste difficile de savoir quels résultats peut obtenir M. Macron qui entretient un style de communication franc mais pragmatique avec ses pairs.

 

« Relation de confiance »
Le président français, qui souhaite renforcer le partenariat avec Pékin, s'est efforcé de rappeler le statut de « pionnière » de la France dans ses relations avec la Chine. Le général de Gaulle a été le premier dirigeant occidental à établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine en 1964 et la France a également été la première à instaurer un partenariat global avec Pékin en 1997.

Mais la difficulté pour M. Macron réside dans l'établissement d'une relation sur le long terme avec Pékin, en dépit de leurs différends sur de nombreux dossiers tels que la Syrie ou la Crimée. « Il faut faire attention aux réalités différentes derrière les mots », explique à L'OLJ Jean-Philippe Béja, sinologue et directeur de recherche émérite au CNRS CERI-Sciences-Po, prenant pour exemple le terrorisme dont la définition des acteurs est différente pour les Français et les Chinois. « Une ambiguïté persiste également : parle-t-on d'un partenariat euro-chinois ou franco-chinois ? » se questionne le chercheur. « La relation franco-chinoise est comparable à une collaboration entre le cheval et l'alouette », souligne-t-il pour rappeler que l'influence de la France et l'Union européenne reste limitée dans la région Asie-Pacifique.

 

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