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Recyclages

À l'heure des échanges de vœux rituels pour l'année nouvelle, ce n'est pas, en réalité, aux seuls êtres chers, aux proches et amis que l'on souhaitera santé, bonheur et sérénité. Car pour être en mesure de jouir effectivement de toutes ces mannes du Ciel, encore faut-il que le pays où l'on vit se porte bien, lui aussi. Et que ceux qui en ont la charge veuillent bien se décarcasser pour donner ne serait-ce qu'un coup de pouce à une Providence passablement excédée par le cas libanais.

Il ressort d'un tout récent sondage que, dans une mince majorité, nos concitoyens sont plutôt optimistes pour 2018. C'est bien beau la foi, mais que de montagnes va-t-il lui falloir déplacer ! Naguère, ce simple mot de montagne évoquait irrésistiblement (et exclusivement!) les hauteurs enneigées du Liban ; ce qui, aujourd'hui, vient en premier à l'esprit, ce sont les énormes amoncellements d'ordures qui, après avoir longtemps encombré les rues des villes et villages, ont échoué dans des décharges criminellement aménagées en bord de Méditerranée. C'est là qu'elles passent, les scélérates, une polluante retraite les pieds dans l'eau...

Au pays du five o'clock tea, on en est aujourd'hui à faire rouler certains des pittoresques bus londoniens avec une huile tirée du marc de café collecté dans les pubs et restaurants, et mélangée ensuite au diesel ; comme quoi ce sombre dépôt laissé dans nos tasses peut servir à autre chose qu'à se faire dire la bonne aventure par la commère du coin. En Gironde on fait encore mieux, avec un bus expérimental consommant exclusivement un carburant bio-organique tiré du marc de raisin.

On n'en demande pas tant aux lumières qui nous gouvernent. Mais s'il est une exhortation, une seule, qu'ils méritent en guise de vœux, c'est bien au recyclage qu'elle a trait ; et il ne s'agit pas seulement, là, des sacs poubelles, comme on l'aura deviné. C'est par la classe politique et les services publics, frappés d'une même médiocrité, minés par une même corruption, que doit commencer en effet l'impératif de transformation et de remise à niveau.

Oui, recyclage tous azimuts pour que l'eau se remette à couler des robinets et que le courant électrique veuille bien consentir à courir. Pour que la justice cesse de harceler une catégorie précise de journalistes et sévisse contre les criminels avérés. Pour que des ministères-clés ne soient plus la chasse jalousement gardée de communautés bien précises, comme l'illustre l'actuelle épreuve de force entre la présidence de la République et celle de l'Assemblée. Pour qu'en revanche, les prétendus soucis d'équilibre communautaire cessent d'être prétexte au pillage concerté des ressources étatiques. Pour que les prochaines élections législatives ne se réduisent pas à un partage, tout aussi goupillé à l'avance, des sièges du Parlement. Pour qu'un Liban florissant suscite à nouveau l'admiration, plutôt que la commisération du monde. Pour qu'au milieu des bouleversements que connaît la région, la diplomatie libanaise, peu compétente et inconsidérément bavarde, ait quelque chance de retrouver ses lettres de noblesse.

Pour qu'à défaut d'être franchement bonne, l'année nouvelle soit porteuse, autrement qu'en creux slogans, d'un minimum de réforme et de changement.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

À l'heure des échanges de vœux rituels pour l'année nouvelle, ce n'est pas, en réalité, aux seuls êtres chers, aux proches et amis que l'on souhaitera santé, bonheur et sérénité. Car pour être en mesure de jouir effectivement de toutes ces mannes du Ciel, encore faut-il que le pays où l'on vit se porte bien, lui aussi. Et que ceux qui en ont la charge veuillent bien se décarcasser...