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Liban - Déchets

À Tripoli, la situation s’envenime avec la fermeture de l’usine de traitement

Après quelques mois seulement de fonctionnement, le site de l'usine de traitement des déchets, à Tripoli, a été fermé par la municipalité « pour odeurs nauséabondes ». Mais n'est-ce pas l'arbre qui cache la forêt ?

L’usine de Tripoli lors de son inauguration en juin, en présence de nombreux officiels. L’aventure a tourné court après six mois.

L'usine de traitement des déchets de la fédération des municipalités de Tripoli, qui comporte une section pour le tri et une autre pour le compostage en plein air, a été inaugurée en grande pompe en juin dernier, par le ministère d'État du Développement administratif, l'Union européenne (UE) et la fédération. Cette usine, gérée par un consortium privé libano-français, AMB-Nicolin, avait été présentée comme une mesure positive pour réduire le volume des déchets parvenant à la décharge sauvage de la ville, à proximité de laquelle elle se trouve. Près de six mois plus tard, la fédération des municipalités décide de la fermer, après des directives données par le Premier ministre Saad Hariri lui-même, dès le début de la semaine prochaine. M. Hariri a même exigé « une enquête immédiate pour comprendre les raisons du dysfonctionnement ». L'ancien Premier ministre Nagib Mikati, député de Tripoli, a même « remercié la fédération pour sa prompte réaction à notre appel à fermer cette usine (...) en raison des odeurs nauséabondes qui s'en dégagent ».

Alors que s'est-il passé ? Selon Ahmad Qamareddine, président de la municipalité de Tripoli et de la fédération, « les odeurs émanant de l'usine sont devenues insupportables depuis à peu près un mois ». Interrogé par L'Orient-Le Jour sur la décharge sauvage à proximité, il insiste sur le fait que « le phénomène a surtout été constaté depuis la création de l'usine », ajoutant que « des experts consultés ont assuré qu'elle était la principale source de ces odeurs ». M. Qamareddine a cependant précisé que « la fermeture de l'usine est temporaire, nous avons demandé à la compagnie de régler les problèmes avant sa réouverture ».

À L'OLJ, Chadi Bou Mesleh, directeur d'AMB, se dit surpris par toute cette affaire. « Nous recevons régulièrement la visite d'experts, de journalistes... Personne n'a constaté qu'une odeur aussi forte émanait de l'usine, dit-il. Nous avons été les premiers surpris de cette campagne contre l'usine dans les médias. Pour nous, le problème essentiel reste la décharge. » Il rappelle que l'usine traite 450 tonnes par jour, qui sont les déchets de la fédération, et emploie une cinquantaine de personnes. Puisque la fermeture n'est que temporaire, que compte faire l'usine ? « Nous allons exécuter ce que demande la fédération, mais celle-ci ne nous a pas encore précisé les motifs de la fermeture », affirme M. Bou Mesleh.

En tant que présidente du Comité de suivi des projets de Tripoli – une ONG –, Narimane Chamaa suit de près le dossier des déchets de la ville. « Nous revendiquons depuis longtemps une usine qui offre un traitement plus complet pour les déchets, dit-elle. Or le compostage à l'air libre dégage des odeurs qui empestent les quartiers environnants, vu la présence de cette usine en pleine ville. De plus, les stocks de compost ne s'écoulent pas et s'empilent en tas géants à l'intérieur de l'usine. Au final, il n'y a plus d'autre solution que de les renvoyer à la décharge. »

Interrogé au sujet du compost, Chadi Bou Mesleh assure qu'il « est de bonne qualité, malgré l'absence de tri à la source », ajoutant qu' « il est distribué aux agriculteurs et que les stocks sont momentanément placés dans un terrain loué dans le Akkar ».
Également interrogée par L'OLJ sur le sujet, Mirvat el-Hoz, professeure à l'Université de Balamand et spécialiste en génie écologique, ne cache pas son opposition aux méthodes pratiquées dans cette usine. « J'avais prôné l'installation d'un bioréacteur pour la ville qui, contrairement au compostage actuellement effectué par retournement des déchets, est une opération mécanique en milieu fermé », dit-elle. Mais le projet n'avait pas été approuvé, poursuit-elle.

 

(Lire aussi : Recyclages, l'éditorial de Issa Goraieb) 

 

Le sable, trop lourd...
Quelle que soit la nuisance provenant de l'usine et que l'enquête officielle devra révéler (si tant est que ses conclusions seront connues), comment peut-on ignorer « l'éléphant » dans la pièce, en d'autres termes la décharge sauvage haute de 40 mètres, vieille de plus de 20 ans, qui menace régulièrement de s'effondrer sous le poids des déchets ? Le Premier ministre lui-même précise dans son communiqué avoir demandé au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) d'œuvrer à la fermeture de cette décharge.

Narimane Chamaa reconnaît qu'il est insensé de ne pas prendre ce facteur en considération. « La décharge, dont le volume dépasse de loin la limite de sécurité, ne supporte plus le poids du sable utilisé pour recouvrir les déchets, explique-t-elle. Conséquence : on utilise moins de sable et les déchets dégagent une odeur plus forte. Le problème est donc bien plus complexe que la seule fermeture du centre de tri. »

Les enjeux, toujours selon Narimane Chamaa, dépassent le simple domaine écologique. « Les contrats des sociétés de collecte et de transport, ainsi que la société qui gère la décharge publique, ont récemment été prolongés, dit-elle. Cela augure du fait que les intérêts privés continuent de primer sur l'intérêt général. Or cette décharge reste dépourvue de filtres pour traiter les gaz ou d'installations pour traiter les liquides qui s'en dégagent. » Elle se dit inquiète des projets de la municipalité, qui compte ouvrir une nouvelle décharge temporaire puis œuvrer à l'installation d'un incinérateur avec production d'énergie, « une solution chère et non adaptée aux besoins de la ville », selon la militante.

Ahmad Qamareddine ne nie pas ces faits. « Pour ce qui est de la solution temporaire, nous avons un terrain proche de l'actuelle décharge, que nous comptons équiper afin qu'il serve de décharge contrôlée durant deux ou trois ans, dit-il. Nous avons demandé au CDR de prendre cette affaire en charge. Comme solution à long terme, nous allons vers un incinérateur avec production d'énergie. » Qu'en est-il des critiques concernant l'inadaptabilité de cette technologie au contexte libanais ? « Dans beaucoup de villes que j'ai visitées, il y a des incinérateurs, pourquoi ne pas l'accepter chez nous alors que nous avons les mêmes problèmes de manque de terrains ? » répond-il.

 

 

Plans de la société civile
Pour Mirvat el-Hoz, il est insensé de considérer l'option de l'incinération dans un pays où plus de 50 % des déchets sont organiques. « Le problème, c'est que rien n'est jamais fait suivant les normes, dit-elle. De par mon expérience acquise pendant de très nombreuses années dans ce domaine, j'ai déjà préparé trois plans, poursuit l'experte. L'un pour la réhabilitation de la décharge, le deuxième pour l'amélioration du compostage et le troisième pour une usine de traitement complète. Mais les responsables sont-ils prêts à écouter ? »
Le Comité de suivi des projets de Tripoli a, pour sa part, échafaudé les grandes lignes d'un plan qu'il a soumis aux responsables de la ville. Parmi ses principales revendications, la construction d'une usine de traitement complète et opérationnelle, avec une préférence pour le compostage anaérobique (sans air, contrairement à ce qui se fait actuellement), située hors de la ville proprement dit, trop densément urbanisée.

 

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commentaires (3)

C'est triste « Trablos al-Fayha' » la parfumée vous accueille à bras ouverts : https://www.lorientlejour.com/article/1051348/tripoli-la-parfumee-lauthentique-vous-accueille-a-bras-ouverts.html Au lieu de fermer l'usine, on pourrait donner une amende, par exemple par jour que le problème persiste, l'usine pourrait prendre des mésures pour limiter la nuisance.

Stes David

18 h 59, le 30 décembre 2017

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Commentaires (3)

  • C'est triste « Trablos al-Fayha' » la parfumée vous accueille à bras ouverts : https://www.lorientlejour.com/article/1051348/tripoli-la-parfumee-lauthentique-vous-accueille-a-bras-ouverts.html Au lieu de fermer l'usine, on pourrait donner une amende, par exemple par jour que le problème persiste, l'usine pourrait prendre des mésures pour limiter la nuisance.

    Stes David

    18 h 59, le 30 décembre 2017

  • Un centre de traitement des dechets sans traitement des odeurs? C est comme prendre un bain sans savon ni eau! Bien sûr il faut demander aux experts qui savent mieux ou ... à celui qui a empocher le coût du système de contrôle des odeurs... mmm... bizarre

    Wlek Sanferlou

    15 h 44, le 30 décembre 2017

  • OUVREZ DE PLUS LARGES HORIZONS AVANT DE FERMER CEUX QUI SONT DISPONIBLES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 34, le 30 décembre 2017

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