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Liban - Rencontre

Nawaf Salam à « L’OLJ » : J’ai beaucoup appris, l’ONU est une école différente des autres

Nawaf Salam.

Les honneurs, les distinctions honorifiques, les réceptions, les témoignages d'amitié et la reconnaissance internationale se sont multipliés à l'approche du départ de New York du représentant permanent du Liban auprès des Nations unies, l'ambassadeur Nawaf Salam, et son épouse Sahar Baassiri.

Le couple va « vers un autre destin », laissant un grand vide derrière lui. Au terme de dix ans d'une remarquable carrière internationale, l'ambassadeur Salam entame un nouveau chapitre de sa vie professionnelle en assumant, à partir du 6 février prochain, à La Haye, ses nouvelles fonctions de « lordship » à la Cour internationale de justice (CIJ), pour un mandat de neuf ans. Quant à son épouse Sahar, fraîchement nommée ambassadrice du Liban auprès de l'Unesco, elle prendra en charge ses fonctions diplomatiques le 1er janvier à Paris.

La carrière diplomatique de ce juriste érudit, devenu diplomate chevronné, est jalonnée de succès. L'ambassadeur Salam a représenté le pays du Cèdre au Conseil de sécurité en 2010 et 2011 lorsque le Liban a été élu membre non permanent du Conseil pour un mandat de deux ans, assumant la présidence du Conseil en mai 2010 et septembre 2011. Il a été vice-président de la 67e session de l'Assemblée générale de l'ONU (2012-2013) et président par intérim de l'Assemblée générale de l'ONU (juillet 2013). Il a représenté le Liban au Conseil économique et social (Ecosoc) pour un mandat qui a débuté le 1er janvier 2016. L'ambassadeur Salam est officier de l'ordre de la Légion d'honneur et a été décoré en octobre dernier par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

Comment voit-il ses nouvelles fonctions à La Haye et le rôle joué durant cette décennie à l'ONU ? « Je vois cela comme le prolongement de ma carrière. C'est un nouveau chapitre dans une carrière internationale. J'en ressens une certaine humilité », confie-t-il, dans une interview accordée à L'Orient-Le Jour, dans sa résidence new-yorkaise au moment où les déménageurs rassemblaient dans les caisses sa grande bibliothèque. « Mon plus grand rôle a été de défendre les intérêts du Liban à l'ONU, de promouvoir sa cause, sinon ses causes. Et comme j'étais représentant du groupe arabe au Conseil de sécurité, j'ai défendu aussi les causes arabes », souligne-t-il.

 

Bilan d'une décennie onusienne
Quel bilan d'une décennie mouvementée pour la promotion du Liban au sein de la communauté internationale ? « Même à un moment où pour beaucoup le Liban représentait la guerre civile, et où l'on parlait à l'ONU de "libanisation", ce qui était l'équivalent de guerre civile et d'État en faillite, il était important de faire en sorte que le pays du Cèdre occupe un siège au Conseil de sécurité, et qu'il puisse participer à cette prise de décision (decision-making) internationale, de montrer que le Liban peut être un État responsable, un pays qui n'a pas que des problèmes mais qui pourrait même participer à la solution des problèmes des autres », relève l'ambassadeur Salam.

Au plan arabe, « le Liban était à l'avant-garde lors des discussions sur la question de la résolution en rapport avec la Cisjordanie ». « Il était vraiment la voix des Arabes pour la reconnaissance de la Palestine en tant qu'État, et aussi pour promouvoir la question de l'adhésion de la Palestine comme membre à part entière des Nations unies, ajoute M. Salam. Et il a joué un rôle également dans l'affaire libyenne. » En bref, la participation libanaise au Conseil de sécurité a été marquée par les évènements relatifs à la Syrie, la Palestine, l'affaire libyenne, la politique de dissociation (ou distanciation) et l'application de la 1701.

 

« Architecte » de la politique de distanciation
Véritable architecte de la politique de distanciation, ou dissociation, prônée aujourd'hui au Liban, l'ambassadeur Salam note à ce propos : « Nous avons inventé cette politique de distanciation du Liban par rapport aux crises régionales, notamment pour ce qui a trait à la question syrienne, afin de ne pas le fragiliser et préserver sa sécurité et son intégrité. C'était la déclaration présidentielle de l'été 2011, suivie du vote d'octobre 2011, quand le Liban avait voté par abstention. C'est là qu'est née la notion de la politique de distanciation ou dissociation, du temps du président Michel Sleiman. »

Sur sa lancée, Nawaf Salam s'explique : « J'avais menacé de démissionner à l'époque parce que je ne voyais aucun intérêt à voter pour ou contre les résolutions sur la Syrie. Le pays était déjà divisé sur la Syrie, donc prendre partie sur la question syrienne aurait divisé davantage le pays. Deuxièmement, le Liban, qui représentait le groupe arabe, ne pouvait pas aller avec la Syrie à contre-courant des Arabes, et certainement pas, comme le voulaient certains, s'associer à la Russie et à la Chine qui brandissaient veto après veto. Cette politique de dissociation (distanciation) est devenue la politique officielle du gouvernement. »

 

Diplomatie préventive
Par ailleurs, le Liban a été « pionnier » en diplomatie préventive. « Sous la présidence libanaise au Conseil de sécurité, dans cet effort de remettre le pays sur la scène internationale, le Liban a introduit, en septembre 2011, un thème de débat sur cette question, indique M. Salam. Le Liban a été élu au Conseil de sécurité, mais on a veillé à ce que le pays du Cèdre présente sa candidature et soit élu au Conseil économique et social (Ecosoc). En 2012, le Liban avait assumé les fonctions de vice-président de l'Assemblée générale de l'ONU et a été élu au Conseil économique et social, et aujourd'hui, le Liban sera présent à la Cour internationale de justice ! »

M. Salam est arrivé à New York sous le mandat du président Émile Lahoud, il est resté à son poste sous le mandat du président Michel Sleiman, puis il y a eu l'intérim de deux ans et demi sans président, et il a été reconduit dans ses fonctions par un décret du président Michel Aoun. « J'ai survécu à six gouvernements : les deux gouvernements Siniora, celui de Hariri, puis celui de Mikati, le gouvernement Tammam Salam et le gouvernement Hariri », précise-t-il.

 

Dommages causés par Israël
Le Liban a aussi été actif à l'Assemblée générale de l'ONU. Le pays du Cèdre a notamment pu obtenir dans ce cadre un vote en rapport avec les dommages provoqués par la marée noire causée par Israël en 2006. « Cette résolution a condamné l'attaque israélienne à l'environnement, à la faune et à la flore marine. En insistant année après année, après un travail avec le PNUD, la Banque mondiale et l'Agence de l'environnement des Nations unies, le Liban est parvenu à mettre un chiffre sur les compensations israéliennes d'un montant annuel de 856 millions de dollars. Ce qui est une réussite ! » ajoute-t-il avec satisfaction. Une autre résolution a été présentée à l'Assemblée générale demandant à Israël de compenser les Nations unies pour les dommages provoqués dans l'attaque de Cana qui avait visé les baraques de la Finul. Cette résolution a été introduite au nom du groupe arabe et du G77. « Ce sont des résolutions qui sont votées à une très grande majorité de l'Assemblée générale, avec toujours les pays non alignés et les Européens qui votent conjointement », explique-t-il.

 

Occasions manquées ?
A-t-il enregistré des échecs ? « Je ne suis pas un diplomate de carrière, précise-t-il. Je suis un ambassadeur hors cadre. Je ne me serais pas permis de rester un jour de plus en accusant un échec. Je ne serais pas resté dix ans à New York ! Mais il y a certainement des occasions manquées qui sont, quelque part, justifiées par le peu d'effectifs de la mission, parce que nous sommes une petite mission. J'aurais voulu que le Liban puisse être proactif dans les questions de l'agenda 2030 sur les questions du changement climatique ; j'aurais aimé pouvoir prendre le lead sur les questions des droits de l'homme. Mais là, j'ai fait en sorte qu'il devienne un des piliers du groupe d'États qui œuvrent pour la parité hommes-femmes aux Nations unies. Nous sommes dans le groupe fifty-fifty. J'aurais aimé pouvoir faire plus sur ces questions-là, mais il y a toujours des priorités qui priment », assure M. Salam.

Être ambassadeur auprès de l'ONU a-t-il changé l'homme ? « J'ai beaucoup appris, affirme-t-il. Les Nations unies, c'est une école qui se distingue des autres. C'est le seul endroit où l'on interagit avec le monde entier, y compris les petites îles et petits États que certains ne savent pas placer sur la carte du monde. »
Ayant côtoyé les plus hautes sphères, le succès ne lui est pas monté à la tête. Il est resté l'homme simple et humble qui a su attirer le respect de tous.

 

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Les honneurs, les distinctions honorifiques, les réceptions, les témoignages d'amitié et la reconnaissance internationale se sont multipliés à l'approche du départ de New York du représentant permanent du Liban auprès des Nations unies, l'ambassadeur Nawaf Salam, et son épouse Sahar Baassiri.
Le couple va « vers un autre destin », laissant un grand vide derrière lui. Au terme de...

commentaires (2)

C,EST UNE ECOLE OU LA DEMOCRATIE EST ABSENTE ! LES VETOS LA TUANT SANS CESSE...

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 50, le 21 décembre 2017

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Commentaires (2)

  • C,EST UNE ECOLE OU LA DEMOCRATIE EST ABSENTE ! LES VETOS LA TUANT SANS CESSE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 50, le 21 décembre 2017

  • le gouvernement a t il appris sa lecon lui ? Ya reit Mr N Salam pourrait ns le confirmer

    Gaby SIOUFI

    10 h 12, le 21 décembre 2017

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