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Moyen Orient et Monde - Éclairage

En Ukraine, cette guerre qui n’en finit pas...

Alors que l'UE a haussé le ton contre Moscou la semaine dernière, rappelant qu'elle ne « reconnaîtra jamais l'annexion illégale de la Crimée par la Russie », Kiev essaie de sortir de l'impasse dans le sud-est du pays.

Bâtiment à Kiev sur la place Maïdan où il est inscrit « La liberté est notre religion ». Photo Caroline Hayek

C'est une guerre dont l'intensité varie mais qui continue d'ébranler l'Ukraine depuis près de 4 ans. Dans les rues de la capitale, Kiev, il n'en paraît pourtant rien. Ou presque. Les autorités gouvernementales tentent autant que faire se peut de garder la face, devant ce qu'ils nomment tous « l'agresseur russe ».

La guerre indirecte que livre depuis plusieurs années Moscou contre le pouvoir central, démarrée lors du déclenchement du conflit par les séparatistes prorusses en Ukraine, a fait plus de 10 000 morts depuis 2014, selon les Nations unies. Elle a notamment fait perdre 4 % du territoire au pays, et 20 % de son industrie lourde située dans la région occupée du Donbass, et en Crimée, péninsule annexée illégalement par Moscou en avril 2014. Les relations entre l'Union européenne et la Russie se sont notamment détériorées en raison de la crise ukrainienne. Jeudi dernier, le président du Conseil européen Donald Tusk a de nouveau durci le ton contre Moscou après la mort le jour-même de cinq soldats ukrainiens dans des affrontements avec les rebelles prorusses dans l'est de ce pays, qui « illustre une nouvelle fois les conséquences tragiques de l'agression russe en Ukraine ». Il a également rappelé que l'« UE ne reconnaîtra jamais l'annexion illégale de la Crimée par la Russie ».

Le conflit qui a suivi la révolution de Maïdan gangrène toujours le pays et ne semble avoir pour l'heure aucune issue. Tout comme les espérances ukrainiennes de faire partie de l'Union européenne. C'est lors d'un voyage organisé par l'ambassade d'Ukraine à Beyrouth que L'Orient-Le Jour a pu se rendre à Kiev, le 15 novembre, en compagnie de l'ambassadeur en poste au Liban, Ihor Ostash, ainsi que d'autres médias libanais, afin de (se) rendre compte des conséquences du conflit. La visite du principal hôpital militaire est une première confrontation brutale indirecte avec une certaine réalité du terrain. L'établissement, austère, où le temps semble s'être arrêté à la période soviétique, accueille les soldats blessés en provenance du Donbass. Quelque 28 000 militaires ont ainsi été traités au sein de l'enceinte médicale depuis le début des combats, et ils continuent d'affluer jusqu'à ce jour. Le directeur de l'hôpital, Hennadiy Berov, initie la visite dans les chambres de jeunes soldats blessés, dont certains amputés, mais aussi dans une autre aile de l'établissement transformée en musée de la guerre à la gloire de l'armée ukrainienne. Outre les photos de jeunes « martyrs », trônent également comme des trophées des armes de guerre, certaines datant de la Seconde Guerre mondiale, et d'autres plus récentes.

Aide américaine

Au sein des bureaux de l'état-major ukrainien, la tension est palpable. Sur un mur dépouillé est exposé un poster sous verre faisant la promotion d'un avion de chasse américain. Lorsqu'on demande à nos interlocuteurs si l'aide militaire américaine est importante, cela semble poser une certaine gêne. « Nous recevons une aide des États-Unis en effet, notamment l'envoi d'instructeurs pour former notre personnel militaire, ainsi que des appareils électroniques », répond le porte-parole de la salle des opérations conjointes dans la lutte antiterroriste, au sein de l'état-major. « Mais cette aide ne nous satisfait pas, car depuis trois ans il est question d'envoi d'armes lourdes, mais rien ne vient. Nous sommes livrés à nous-mêmes », déplore, quant à elle, une source officielle, qui a requis l'anonymat. En août 2017, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson s'était rendu auprès du président ukrainien Petro Porochenko, afin de réaffirmer le soutien américain et la volonté de « restaurer la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine ». Washington demande le retrait des troupes russes et des armes lourdes de l'est de l'Ukraine, la remise par Moscou de la Crimée et surtout le respect du cessez-le-feu imposé par les accords de Minsk de 2015.

Mais cette prise de position de la nouvelle administration américaine, qui veut reprendre la main sur le dossier après que Barack Obama eut préféré en laisser la gestion aux Européens, ne semble pas se traduire dans les faits. La situation dans l'Est, à l'heure où des dissensions éclatent pour la conquête du pouvoir entre les deux « républiques populaires » sécessionnistes qui forment le Donbass, Louhansk et Donetsk, est devenue de plus en plus inquiétante pour Kiev, même si le porte-parole de l'état-major affirme que la « situation, bien que difficile, est sous contrôle ». Selon les chiffres officiels ukrainiens, 1 360 soldats ont été tués cette année dans les combats et 485 civils ont péri lors de bombardements sur des quartiers résidentiels. Les chiffres de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) diffèrent. Selon elle, la guerre dans le Donbass a fait 327 blessés et 71 tués parmi la population non combattante sur les neuf premiers mois de l'année, donc 15 % de plus qu'en 2016.

Plus de 16 800 km carrés du territoire ukrainien sont aujourd'hui occupés. Kiev a perdu le contrôle d'une ligne de frontière de 400 km entre l'Ukraine et la Russie par laquelle entrent milices et armes des séparatistes prorusses. Kiev demande depuis deux ans la création d'une force de maintien de la paix, des Casques bleus, dans l'est du pays, mais s'est heurté à une fin de non-recevoir de la part du Kremlin jusqu'à la proposition de Vladimir Poutine d'une « mission de sécurisation », aux contours très flous. « La Russie voudrait que le périmètre d'intervention se situe sur la ligne de front », déplore le porte-parole au sein de l'état-major, ce qui viendrait à reconnaître implicitement les autorités séparatistes. Plus de 13 000 violations du cessez-le-feu – établi dans le cadre des accords de Minsk II signés par l'Ukraine, la Russie, la France et l'Allemagne en février 2015 – ont ainsi été enregistrées par l'armée ukrainienne au cours de l'année écoulée.

Accords en berne

Alors que les fragiles accords de Minsk II n'ont toujours pas permis de stabiliser la situation, et que le Format Normandie (configuration diplomatique adoptée pendant la guerre du Donbass réunissant la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine) paraît en « pause forcée », la vice-Première ministre pour l'Intégration européenne et euro-atlantique de l'Ukraine, Ivanna Klympush-Tsintsadze, rencontrée dans les locaux du cabinet des ministres de l'Ukraine, paraît confiante dans les évolutions du processus diplomatique. « La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron déploient tous leurs efforts aux côtés de notre président pour travailler davantage sur ce format. Je ne pense pas qu'il soit question aujourd'hui d'un nouveau », affirme Mme Klympush-Tsintsadze. « Nous sommes par ailleurs reconnaissants pour les sanctions économiques contre Moscou établies par l'Union européenne et par les États-Unis, qui permettent de maintenir la pression sur la Fédération de Russie », relève-t-elle. Moscou avait notamment répliqué par un embargo sur les importations de produits agroalimentaires en provenance de l'UE. « Malheureusement, rien ne bouge du côté des accords de Minsk, et la Russie ne se montre pas prête à bouger d'un iota, et ce même sur la question de la situation humanitaire, violant constamment les différents cessez-le-feu que nous avons signés durant l'année », ajoute la vice-Première ministre. « 5 % du PIB est dédié à la sécurité et à la défense de notre pays », relève de son coté Irina Herashchenko, vice-présidente de la Rada (Parlement ukrainien), qui estime qu'il est grand temps que ces guerres hybrides lancées par la Russie cessent et espère de bonnes relations entre la Russie et l'Ukraine, sur « la base du respect mutuel, et non sur le fait que l'Ukraine est une sorte de province russe », conclut-elle.

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