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Nos Lecteurs ont la Parole - Rabih NASSAR

De la politique de distanciation et de neutralité

Tout le monde parle de neutralité. Depuis le 4 novembre, date à laquelle Saad Hariri a décidé de démissionner à partir de Riyad, on entend l'opinion publique mondiale tourner autour du concept de neutralité du Liban. De l'Iran à Israël, ils sont (bizarrement) tous d'accord pour dire que le Liban ne devrait prendre parti dans aucune des luttes environnantes, de près ou de loin.
Et c'est beau, la neutralité. On est tous pour. À part peut-être quand il s'agit de Mireille Mathieu, alors je suis contre. Mais pour le reste, ça me semble bien être une bonne idée. Sauf que voilà, pour être neutre, il faut avoir les moyens de sa politique. Or, aujourd'hui, avec l'État défaillant, on est tous, individus ou bien partis, dépendants de quelqu'un, de près ou de loin.
Je m'explique. Exemple numéro 1, le Hezbollah, qui se positionne en tant qu'administrateur de la banlieue sud de Beyrouth et du Sud-Liban. Il est riche, lui. Riche des quelque 200 à 300 millions de dollars qu'il reçoit annuellement de la République iranienne. Et vu qu'il les dépense mieux que notre gouvernement, il s'assure l'assise populaire chiite qui, faute de quoi, se retrouverait à faire la queue devant la CNSS ou autre organisme gouvernemental défaillant. Et ça, ce n'est pas une option. De son côté, l'armée libanaise, exemple numéro 2, elle, comptait sur les 3 milliards de dollars d'armement en pièces détachées – blague hilarante franco-saoudienne. Cependant, et pour recevoir les petits kits d'armement, il faut se mettre sur le dos le susmentionné Hezbollah et ses suiveurs. Enfin, nos deux exemples s'appliquent presque à tout : pour restaurer notre infrastructure, il faut un prêt du FMI et de la Banque mondiale qui, eux, sont principalement motivés par la politique bureaucratique américaine qui pense élever le monde à coups d'autocollants sans se soucier des spécificités locales. L'Union européenne est plus intéressée par la société civile, qui se dispute des miettes pour faire avancer les droits de la femme ou de l'enfant. Et j'en passe.
Enfin bref. Tout ça pour dire que la solution, même si de loin on pourrait penser qu'elle ressemble à quelque chose, ne ressemble à rien.
Pensons-y. Puisque tout le monde semble si attaché à l'autonomie et à la neutralité libanaises, et si on veut y arriver de manière soutenue dans la durée, le Liban devrait trouver une indépendance financière. Ce qui voudrait dire, aider l'État à se reconstruire. Et donc, l'argent qui vient – et pour lequel on est reconnaissant, si, si – ne devrait pas être dirigé vers une communauté, ou un zaïm, mais vers une cause, ou deux, plus précisément : la création d'institutions et la démolition du confessionnalisme. Ce qui veut dire faire fi du processus démocratique pendant un an ou un mandat, le temps de mettre au pouvoir quelques individus compétents, rémunérés en cas de succès, emprisonnés en cas d'échec (la prison, ça motive). Diriger le Liban comme une entreprise pendant un seul mandat. Avec pour but une remise à niveau. Un genre de soins intensifs. Ça pourrait commencer comme un coup d'État de palais (il paraît que c'est à la mode en ce moment) où on mettrait toute notre classe politique – ironie du sort – au Mövenpick par exemple, et on laisserait les grands travailler.
Sous-traiter toutes nos institutions aux pays qui ont réussi. Remplacer notre inutile et chère (dans le sens de coûteuse) Lebanese Petroleum Association (LPA) par une équipe norvégienne qui aurait pour but de maximiser les revenus et bienfaits de nos ressources pétrolières (fonds souverain et tout le bazar). Faire développer nos transports en commun par la mairie de Paris, notre code de la route par les Allemands. Déléguer la justice aux Anglais, l'éducation aux Finlandais, l'environnement et le traitement des déchets aux Suédois, la santé, la culture, les télécoms, enfin tout ça qu'on n'arrive pas à gérer sans les mortelles pertes de la corruption clientéliste. Et la liste est longue.
Maintenant, plus que jamais, puisque tout le monde semble s'entendre sur la nécessité de la neutralité, que toute la planète y mette du sien et arrête de jouer aux faux sauveurs : financer son pion, en comptant sur lui pour faire avancer son agenda, puis s'offusquer du « partisanisme » des autres pions, quand ils jouent mieux que le nôtre. Ça c'est du déjà-vu qui rend sourd.

 

Tout le monde parle de neutralité. Depuis le 4 novembre, date à laquelle Saad Hariri a décidé de démissionner à partir de Riyad, on entend l'opinion publique mondiale tourner autour du concept de neutralité du Liban. De l'Iran à Israël, ils sont (bizarrement) tous d'accord pour dire que le Liban ne devrait prendre parti dans aucune des luttes environnantes, de près ou de loin.Et c'est...

commentaires (3)

Cher Rabih. Ton article a super bien commencé, mais tu m'as perdu après le mot confessionnalisme. L'etablissement d'un etat preconise l'existence de citoyens, et les citoyens ne peuvent evoluer que dans un etat. L'etat ne peut etre gere comme une compagnie privee et se doit d'etre le miroir de la la societe qu'il defend et protege. L'etat doit etre le fruit de notre desir commun et ne peut-etre imposé. Ceci etant dit, vouloir construire un état au corps defendant de ceux qui portent la nationalite Libanaise equivaut soit à les dédouaner de leur responsabilités soit a declarer notre défaite en tant que société et notre incapacite a avoir impact sur notre réalité. Personellement, je crois qu'il y a suffisament de citoyens qui aspirent a un état veritable et qui ne cherchent pas a gérer notre faillite de façon à limiter la casse. Je fais partie d'un mouvement qui cherche à les organiser et dont le nom ne prête a aucune confusion: "Citoyens et Citoyennes dans un Etat".

Mounir Doumani

12 h 00, le 27 novembre 2017

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Commentaires (3)

  • Cher Rabih. Ton article a super bien commencé, mais tu m'as perdu après le mot confessionnalisme. L'etablissement d'un etat preconise l'existence de citoyens, et les citoyens ne peuvent evoluer que dans un etat. L'etat ne peut etre gere comme une compagnie privee et se doit d'etre le miroir de la la societe qu'il defend et protege. L'etat doit etre le fruit de notre desir commun et ne peut-etre imposé. Ceci etant dit, vouloir construire un état au corps defendant de ceux qui portent la nationalite Libanaise equivaut soit à les dédouaner de leur responsabilités soit a declarer notre défaite en tant que société et notre incapacite a avoir impact sur notre réalité. Personellement, je crois qu'il y a suffisament de citoyens qui aspirent a un état veritable et qui ne cherchent pas a gérer notre faillite de façon à limiter la casse. Je fais partie d'un mouvement qui cherche à les organiser et dont le nom ne prête a aucune confusion: "Citoyens et Citoyennes dans un Etat".

    Mounir Doumani

    12 h 00, le 27 novembre 2017

  • SANS LE DESARMEMENT DE LA MILICE DES PASDARANS IL N,Y AURA POINT DE DISTANCIATION QU,EN PAROLES VIDES ET LE PROBLEME RESTERA LE MEME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 53, le 25 novembre 2017

  • Mille merci, Monsieur Rabih Nassar, ça fait un bien fou de lire votre article, et de constater qu'il y a des Libanais qui réfléchissent pour le bien de leur patrie ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 15, le 25 novembre 2017

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