Salut vieux : tu vas embellir là-haut, encore plus !

Cher Raoul, ou cher Maître, comme t'appelaient tous ces disciples architectes que tu as formés durant tant d'années, je ne m'étendrai pas sur tes réalisations architecturales qui font l'unanimité quant à l'innovation, au caractère, à l'intégration et au futurisme qu'elles comportaient, mais sur l'aspect humain de ton personnage. J'étais, au début des années 80, fraîchement diplômé de l'Université de Paris, quand tu es venu te faire soigner chez moi. Étant jeune et intimidé à l'époque, je ne soumettais pas à mes patients de devis pour les soins à entreprendre, sauf quand on me le demandait. Ayant posé ton bridge en céramique à la dernière séance, on s'installa à mon bureau, et j'entrepris de t'expliquer le détail des travaux réalisés et leur coût. Je n'avais même pas eu le temps de finir que tu avais signé un chèque en blanc et étais parti vers l'ascenseur. Alors que j'essayais de te rattraper, tu m'avais lancé : « Remplissez le chèque Joy, remplissez ! »
Puis nous nous sommes revus au Faqra Club, dont tu as conçu l'église, et un soir où l'on avait organisé une fête « en blanc », avec feu Raymond Daoud, Nicolas Cattan et Gaby Daher, tu étais allé en boîte avec ta compagne de l'époque, simplement drapé d'un drap de lit blanc !
Tu étais curieux de tout, me soumettant parfois même des solutions mécaniques innovatrices pour la dentisterie.
Cher « Loulou », comme t'appelait tendrement Claude, ta gouaille à la Gabin et tes reparties dignes des dialogues d'Audiard étaient légendaires.
Tu as marqué de ton empreinte indélébile l'architecture moderne libanaise, et je suis sûr que tu as déjà commencé à vouloir embellir là-haut, encore plus !