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Moyen Orient et Monde - Entretien

« Le congrès va montrer quel est le vrai niveau de pouvoir de Xi Jinping »

Le 19e congrès du Parti communiste chinois s'est ouvert hier à Pékin. François Bougon, journaliste au « Monde », spécialiste de l'Asie et auteur de l'ouvrage intitulé « Dans la tête de Xi »(Actes Sud, 2017), analyse pour « L'Orient-Le Jour » les enjeux de cet événement qui pourrait consolider le pouvoir du président Xi Jinping.

Le président chinois Xi Jinping prononçant son discours lors de l’ouverture du congrès du PCC, hier. Wang Zhao/AFP

Pour paraphraser le titre de votre dernier ouvrage, qu'y a-t-il selon vous aujourd'hui dans la tête de Xi Jinping, alors que s'est ouvert hier le 19e congrès du Parti communiste ?
C'est très dur de se mettre dans la tête de Xi Jinping et de savoir ce qu'il veut précisément. Ce qu'il attend de ce congrès, de façon évidente, c'est une reconduction de cinq ans de son mandat à la tête du Parti communiste et à la tête du pays. Après, il y a un certain nombre de questions et d'incertitudes sur ce qu'il veut réellement. Va-t-il par exemple désigner ses deux successeurs potentiels de 2022 (date à laquelle Xi Jinping termine son deuxième mandat, NDLR) ? Est-ce que ces personnages, dits de la 6e génération (Xi Jinping est de la 5e génération après Mao Zedong), vont rentrer au bureau politique ? C'est un enjeu important. Si jamais ses successeurs ne sont pas désignés, s'ils ne rentrent pas dans le bureau politique, cela voudra dire éventuellement que Xi Jinping veut remettre en question la règle qui le limite à deux mandats. Là ce serait vraiment une transgression par rapport à ce qui a été établi par Deng Xiaoping (secrétaire général du PCC de 1956 à 1967 et plus tard le numéro un de la République populaire de Chine de 1978 à 1992).

 

Comment pourrait-il se maintenir au pouvoir après 2022 ?
Plusieurs options sont possibles. On peut envisager un troisième mandat ou une modification de la Constitution. On peut aussi imaginer une modification de la charte du parti afin de réhabiliter un poste qui a été supprimé et qui est celui de président du parti. Va-t-il bouleverser les normes qui ont été mises en place à la fin des années 1970 ? C'est la grande question. À travers ce congrès, on va voir quel est son niveau de pouvoir. Il y a beaucoup de propagande autour de lui pour le présenter comme l'égal de Mao et de Deng Xiaoping. Le 19e congrès permettra de savoir ce qu'il en est réellement. Au début de leur deuxième mandat, les secrétaires généraux du parti placent dans la charte du parti leur concept théorique, c'est-à-dire ce qu'ils apportent au socialisme chinois. Il y a déjà « la pensée Mao Zedong » et la « Théorie Deng Xiaoping ». Jiang Zemin et Hu Jintao n'avaient pas eu cet honneur-là. Si Xi Jinping arrive à mettre en place son concept, qui pourrait être par exemple « le concept de gouvernance » ou « la pensée Xi Jinping », cela signifierait qu'il est très fort.

 

Xi Jinping est-il omnipotent au sein du système politique chinois ?
Non, je ne crois pas qu'il gouverne seul. Il a une conception très personnalisée du pouvoir mais il ne gouverne pas seul. Il a des gens autour de lui et il a mis en place de petits groupes pour contrecarrer les résistances qui ont pu apparaître dans l'appareil d'État. Il a mis en place des groupes pour gérer la politique extérieure, l'informatisation, la sécurité nationale... Ce n'est pas un nouveau Mao. En revanche, il gouverne le Parti communiste et par rapport à Hu Jintao (son prédécesseur), il est beaucoup plus fort et charismatique. Il dégage une grande personnalité.

 

Xi Jinping a souvent mis en avant la notion assez flou de « rêve chinois ». Quelle est son ambition pour la Chine de demain ?
Depuis 2008-2009 et avec Xi Jinping, en 2012, une nouvelle phase commence. Le Parti communiste doit trouver un nouveau modèle économique avec une montée en gamme dans des secteurs comme la haute technologie. Il doit aussi trouver une nouvelle légitimité idéologique, donc il fait du neuf avec du vieux. Il fait appel à un grand récit national qui réconcilie le communisme et la grande civilisation chinoise. Il y a un mélange : le nationalisme et puis la volonté d'aboutir à ce qu'ils appellent une « société de petite prospérité (accès à la classe moyenne) ». Côté politique, Xi Jinping a remis le parti et l'idéologie au centre du jeu avec une résurgence du maoïsme des années 1940-1950. On revient sur les gloires du communisme d'avant la révolution culturelle. Il y a une mise en avant de la pureté et de la vertu des communistes des premiers temps. Ceux qui vivaient à côté du peuple et ceux qui n'étaient pas corrompus. On cherche à se pencher sur les intérêts du peuple, à se frotter à lui, à le côtoyer mais en même temps, on cherche à le guider. Tout ça avec un grand traumatisme en toile de fond : il ne faut pas répéter les erreurs faites en Union soviétique à la fin des années 1980. Les dirigeants ont retenu la leçon. Il ne faut pas, par exemple, laisser les ONG proliférer. Celles-ci sont accusées d'être manipulées par les « forces extérieures hostiles », c'est-à-dire les Occidentaux. De plus, il ne faut pas laisser tous ceux qui prônent des réformes politiques ou constitutionnelles avoir voix au chapitre.

 

Xi Jinping a-t-il mis un coup d'arrêt aux ouvertures démocratiques de la fin des années 2000 ?
Entre 2006 et 2009, il y a eu une période de relative liberté. On a pu voir apparaître plusieurs mouvements sociaux emmenés par des avocats. La presse avait commencé à prendre ses aises en testant les limites du pouvoir par le biais de sujets considérés comme sensibles. Maintenant, il y a un tour de vis assez important. Les avocats et d'autres ont souffert de la grande vague d'arrestation de juillet 2015 et la presse a été mise au pas au profit des médias officiels à qui on demande de relayer les idées du parti. Les intellectuels libéraux n'osent plus parler et les historiens ne remettent plus en cause l'histoire officielle. Il s'agit de montrer que, hors du parti, il n'y a pas de possibilité de s'exprimer.

 

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