La Cour de justice, présidée par Jean Fahd, doit prononcer vendredi son verdict dans l'affaire de l'attentat qui a coûté la vie, le 14 septembre 1982, à l'ancien président de la République élu Bachir Gemayel, et à 32 autres personnes.
« Trente-cinq ans après l'attentat à l'explosif contre la permanence Kataëb, à Achrafieh (...), il est attendu que la Cour de justice émette un jugement définitif dans cette affaire. La décision sera ainsi rendue après plusieurs audiences qui ont été marquées par les plaidoyers des avocats des martyrs du 14 septembre 1982 contre les coupables en fuite, Habib Chartouni et Nabil Alam, et contre tous ceux qui ont participé à cet attentat dans lequel des dizaines de Libanais ont péri », a déclaré hier le fils du disparu, le député Nadim Gemayel, dans un communiqué publié par son bureau de presse.
Nadim Gemayel, ainsi que les compagnons de Bachir Gemayel au sein des Kataëb, et les Forces libanaises, ont par ailleurs appelé à célébrer « le retour de la justice », à la place Sassine (Achrafieh), vendredi, à 18h30, après la séance judiciaire. Au programme de la soirée, « un festival populaire au cours duquel les participants exprimeront leur espoir de voir s'instaurer un État de droit, après une attente de 35 ans », souligne le communiqué, indiquant en outre que des allocutions seront prononcées à cette occasion.
La Cour de justice, juridiction d'exception dont les jugements sur les crimes portant atteinte à la sécurité intérieure de l'État sont sans appel, et devant laquelle les affaires déférées sont imprescriptibles, avait ouvert le procès il y a moins d'un an, le 25 novembre 2016, à la suite d'une demande présentée en ce sens par Nadim Gemayel, en 2012.
(Repère : Il y a 35 ans, Bachir Gemayel était assassiné : retour sur sa vie, son parcours, son héritage)
Verdict historique
Le principal accusé, Habib Chartouni, militant du Parti syrien national social, qui avait été arrêté quelque temps après avoir commis son crime, s'était évadé de la prison de Roumieh en 1990. Il fait l'objet d'un acte d'accusation depuis 1996. Le deuxième coupable présumé, Nabil Alam, cadre du même parti, est également en cavale, ou probablement mort. Au cours de la première audience, la Cour de justice a ordonné des recherches pour vérifier la véracité de rumeurs sur le décès de M. Alam à l'étranger, en même temps qu'elle a demandé la notification de M. Chartouni pour qu'il se présente à la barre lors de la deuxième séance fixée au 3 mars 2017. À l'échéance de cette date, la haute juridiction a décidé de le juger par défaut, le prévenu n'ayant pas comparu. Le 28 avril, cette même décision a été émise à l'encontre du deuxième accusé. Le 7 juillet, lors de l'audience consacrée à l'audition des plaidoyers des avocats de l'accusation, le juge Fahd a annoncé que le verdict sera rendu le 20 octobre.
À chacune de ces séances tenues dans l'enceinte du Palais de justice de Beyrouth, des partisans du PSNS se rassemblaient devant le portail du bâtiment. En brandissant des drapeaux de leur parti, ils scandaient des slogans en signe de soutien à leurs camarades inculpés et réclamaient la condamnation des « traîtres sionistes ».
Des sources proches du dossier ont confié à L'Orient-Le Jour qu'elles s'attendent à la condamnation des principaux accusés, Habib Chartouni et Nabil Alam. Selon elles, il s'agit d'un verdict historique qui aura le mérite de rendre la dignité aux Libanais, en montrant que l'impunité n'est plus de mise. À ce propos, l'ancienne députée Solange Gemayel, veuve du président disparu, exprime à L'OLJ son espoir de voir « la justice enfin rendue », souhaitant que « les autorités judiciaires remplissent avec conscience leur devoir de juger, pour donner ses droits à chaque victime ou famille de victime, que celle-ci soit une personnalité politique ou un simple citoyen ».
Mais dans l'affaire de l'assassinat de Bachir Gemayel, comment les sanctions seront-elles appliquées, sachant que les coupables présumés se sont dérobés à la justice ? Une source judiciaire indique à L'OLJ qu'après la publication du jugement de condamnation, Interpol sera chargé de lancer un mandat d'arrêt international contre les criminels.
« Acte valeureux et héroïque »...
Dans les milieux proches de la famille Gemayel, on se pose la question de savoir si la Cour de justice se limitera à condamner seulement Habib Chartouni et Nabil Alam, ou si son jugement visera également les commanditaires du crime. Pour eux, le PSNS est en cause, sachant que ses partisans se sont toujours enorgueillis de cet assassinat. Ils affirment à cet égard que Habib Chartouni a été promu au sein de son parti en signe de reconnaissance pour « son acte valeureux et héroïque ». Une autre preuve de l'implication du parti prosyrien est, indiquent-ils, que ses militants affichent leur appui aux inculpés sur de nombreux réseaux sociaux.
Les partisans de Habib Chartouni ont d'ailleurs appelé hier à un nouveau sit-in pour chahuter vendredi la séance finale de la Cour de justice. En outre, pas plus tard qu'hier, un inconnu a placé un écriteau au bas du portrait de Bachir Gemayel, à la la place Sassine, à Achrafieh, sur laquelle on pouvait lire : « Si vous nous condamnez, nous vous condamnerons, si vous nous acquittez nous vous acquitterons. » La pancarte, signée « Il y a un Habib pour chaque traître », a été placée vers 6h30 et ôtée deux ou trois heures plus tard. Elle fait l'objet d'investigations du service de renseignements de la police.
Pour les proches du président disparu, le PSNS devrait être condamné, d'autant qu'« il sévit depuis des décennies ». « Il est responsable de l'assassinat du premier chef de gouvernement, Riad el-Solh, commis en 1951, ainsi que du coup d'État manqué de 1961 », affirment-ils, soulignant que « tout au long de la guerre de 1975, ce parti s'est tenu aux côtés du (régime) syrien ».
Lire aussi
« Trente-cinq ans après l'attentat à l'explosif contre la permanence Kataëb, à Achrafieh (...), il est attendu que la Cour de justice émette un...
commentaires (12)
aura t on jamais reponse a la question demandant a savoir POURQUOI cet assassin ne fut pas juge par les tribunaux depuis 1982 ? clairement jamais car il y a non pas anguille ss roche mais baleine !
Gaby SIOUFI
17 h 57, le 19 octobre 2017