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Idées - Crypto-monnaies

Bitcoin : vers une désillusion ?

Le cours du bitcoin face au dollar a augmenté de près de 800 % au cours des 12 derniers mois. Archives AFP

Le Bitcoin est-il actuellement la plus grosse bulle de crypto-monnaie du monde, ou bien un très bon pari d'investissement à l'avant-garde de la technologie financière « new-age » ? Mon intuition est qu'à long terme la technologie va se développer, mais que le prix du Bitcoin va s'effondrer.


Si vous n'avez pas suivi l'histoire du Bitcoin, son prix a augmenté de près de 800 % au cours des 12 derniers mois et de 2 100 % au cours des 24 derniers mois. À plus de 5 700 dollars (en date du 16 octobre), une seule unité de la monnaie virtuelle vaut actuellement plus de quatre fois le prix d'une once d'or. Certains évangélistes du Bitcoin le voient grimper beaucoup plus haut dans les années qui viennent.
Ce qui va se passer ensuite va dépendre en grande partie de la manière dont les gouvernements vont réagir. Vont-ils tolérer les systèmes de paiement anonymes qui facilitent l'évasion fiscale et le crime ? Vont-ils créer leurs propres devises numériques ? Une autre question clé est de savoir avec quel degré de réussite les nombreux concurrents « alt-coin » du Bitcoin peuvent pénétrer le marché.


En principe, il est extrêmement facile de cloner ou d'améliorer la technologie du Bitcoin. Ce qui n'est pas si facile est de dupliquer la place établie de leader du Bitcoin dans la crédibilité et dans le grand écosystème d'applications qui s'est construit autour de lui.


Foire d'empoigne
Pour l'instant, l'environnement réglementaire reste une foire d'empoigne. Le gouvernement chinois, préoccupé par l'utilisation du Bitcoin dans la fuite de capitaux et la fraude fiscale, a récemment interdit les échanges de Bitcoins. Le Japon, de son côté, a inscrit le Bitcoin comme monnaie légale, dans une apparente tentative de devenir le centre mondial de la technologie financière.


Les États-Unis ont pris des mesures timides pour suivre le Japon dans la réglementation de la technologie financière, bien que le dénouement soit loin d'être clair. Fait important, le Bitcoin n'a pas besoin de remporter toutes les batailles pour justifier son prix record. Le Japon, la troisième puissance économique du monde, a un très fort taux monnaie/revenus, (près de 20 %), de sorte que le Bitcoin y remporte un vrai triomphe.


Dans la Silicon Valley, les cadres à l'affût investissent à la fois dans le Bitcoin et injectent de l'argent dans ses concurrents. Après le Bitcoin, son concurrent le plus important est l'Ethereum. L'ambition de grande envergure d'Ethereum, comparable à celle d'Amazon, consiste à permettre à ses utilisateurs d'employer la même technologie générale pour négocier et conclure des « contrats intelligents » pour à peu près tout.

Au début du mois d'octobre, la capitalisation boursière d'Ethereum s'établissait à 28 milliards de dollars, contre 72 milliards de dollars pour le Bitcoin. Ripple, une plate-forme soutenue par le secteur bancaire afin de réduire les coûts de transaction pour les transferts interbancaires et d'outre-mer, se classe loin derrière à 9 milliards de dollars. Derrière les trois premiers se trouvent des douzaines de nouveaux concurrents.
La plupart des experts s'accordent à dire que l'ingénieuse technologie derrière les monnaies virtuelles peut avoir de vastes applications dans le domaine de la cybersécurité, qui pose l'un des plus grands défis actuels contre la stabilité du système financier mondial. Pour de nombreux développeurs, l'objectif d'obtenir un mécanisme de paiement meilleur marché et plus sécurisé a supplanté l'ambition du Bitcoin de remplacer les dollars.


Mais c'est de la folie de penser que le Bitcoin sera autorisé à supplanter une monnaie émise par une banque centrale. C'est une chose pour les gouvernements de permettre de petites transactions anonymes avec des monnaies virtuelles : en effet, cela semble souhaitable. Mais c'est une question tout à fait différente pour les gouvernements d'autoriser les paiements anonymes à grande échelle, ce qui pourrait rendre extrêmement difficile la perception des impôts ou le contrôle de l'activité criminelle. Bien sûr, comme je l'indique dans mon dernier livre sur les monnaies passées, présentes et futures, les gouvernements qui émettent des coupures à fortes dénomination risquent en outre de favoriser l'évasion fiscale et le crime. Mais la trésorerie en liquide a l'avantage du volume, contrairement à l'argent virtuel.


Paradis fiscaux
Il sera intéressant de voir comment l'expérience japonaise va évoluer. Le gouvernement a indiqué qu'il va surveiller les échanges en Bitcoins pour être à l'affût des activités criminelles et pour recueillir des informations sur les détenteurs de dépôts. Néanmoins nous pouvons être certains que l'évasion fiscale mondiale va chercher des manières d'acquérir des Bitcoins de manière anonyme à l'étranger puis de blanchir son argent par le biais de comptes japonais. Faire entrer et sortir du papier-monnaie d'un pays représente un coût important pour les fraudeurs et pour les criminels. En adoptant les monnaies virtuelles, le Japon risque de devenir un paradis fiscal comparable à la Suisse - avec des lois sur le secret bancaire inséparables de la technologie.


Si le Bitcoin est dépouillé de son quasi-anonymat, il risque d'être difficile de justifier son prix actuel. Peut-être que les spéculateurs en Bitcoin font le pari qu'il y aura toujours un consortium d'états voyous anonymes autorisant l'utilisation du Bitcoin, ou même des acteurs étatiques comme la Corée du Nord qui voudront l'exploiter.


Le prix du Bitcoin va-t-il tomber à zéro si les gouvernements deviennent capables de parfaitement observer les transactions ? Peut-être pas. Même si les transactions en Bitcoin nécessitent un montant exorbitant d'électricité, avec quelques améliorations, le Bitcoin pourrait encore battre les 2 % de frais des grandes banques sur les cartes de crédit et de débit.

Enfin il est difficile de voir ce qui peut empêcher les banques centrales de créer leurs propres devises numériques et d'utiliser la règlementation afin de faire pencher la balance en leur faveur jusqu'à ce qu'elles remportent la partie. La longue histoire des monnaies nous indique que ce que le secteur privé fait innover, l'État finit par le réglementer et par se l'approprier. Je n'ai aucune idée du prix que le Bitcoin va atteindre au cours des deux prochaines années, mais il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que l'argent virtuel évite un sort semblable.

© Project Syndicate, 2017.

Kenneth Rogoff est professeur d'économie et de politiques publiques à l'université de Harvard et ancien économiste en chef du FMI.

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