« Censure : une insulte à notre intelligence, une atteinte à notre liberté. » (« L'OLJ »).
C'est à propos d'un placard publicitaire qui promeut le tourisme en Israël dans le quotidien Le Monde. Le retrait de ce « placard » par les censeurs de notre République a suscité l'émoi d'une partie de la presse locale et des réseaux sociaux. Geste insultant, certes, préjudiciable à nos libertés, même si cette annonce ne nous concernait pas, en tant que Libanais, puisque le tourisme (même religieux) à cette destination nous est formellement interdit. État de guerre oblige.
Mais il est d'autres formes de censure auxquelles nous devrions être aussi sensibles, d'autres « placards », non publicitaires, hermétiquement fermés, qu'il faudrait ouvrir, voire défoncer.
Je pense aux placards où sont entassés les dossiers des martyrs de la révolution du Cèdre, les victimes d'attentats et de tentatives d'attentat, de 2005 à nos jours, pour s'en tenir aux placards installés depuis cette date, car on ne peut compter les placards qui précèdent. Qu'est-il advenu des résultats des enquêtes ? Aucun de ces dossiers, recouverts de poussière, soigneusement rangés depuis des années dans le placard de la justice, n'a pu être « élucidé » ? Tous les crimes étaient parfaits ? Si tel est le cas, qu'on nous le dise. N'est-il pas plus urgent de faire lever la « censure » touchant ces dossiers ? De réclamer l'ouverture de ces « placards » verrouillés ? Qu'on a censurés de la mémoire collective ? Où la vérité est-elle profondément (et sans doute à jamais) enterrée ? Le placard « sépulcral » censuré n'est-il pas bien plus important ? Ne mérite-t-il pas plus de réactions et de suivi de la part du quatrième pouvoir et du public ?
Cela sans compter les autres « placards » de droit commun : les meurtres, les exactions, les agressions, les viols, les enlèvements, etc. Notre « salle des pas-perdus » est tellement bondée de « placards » qu'on n'arrive pas à y faire un pas. Il y a une étiquette sur chaque placard. On y lit, à titre d'exemple, le nom de Joseph Sader, enlevé sur la route de l'aéroport, le 12 février 2009, le nom de Boutros Khawand, enlevé le 15 septembre 1992, les noms, par centaines, des détenus dans les geôles syriennes, les noms des victimes de « tirs de joie », des accidentés de la route, les noms des victimes des guerres claniques, des violences domestiques, des règlements de comptes mafieux, etc. Tiens, tiens, je vois un placard plus grand que les autres, là-bas, au fond de la salle, un placard défraîchi, vermoulu. Je tends un doigt fébrile pour enlever la poussière sur l'étiquette et je lis le nom d'un président de la République : René Moawad, assassiné le 22 novembre 1989. Il y a, bien entendu, le placard d'un autre illustre président dont l'assassin, bien connu, court toujours...
On ne compte pas les « placards » non publicitaires, oubliés de la publicité, fermés à la mémoire et ouverts sur l'injustice, dont la plupart sont des caveaux dans le grand cimetière de l'inconscience collective. Il y en a de toutes les tailles, même pour les tout-petits. Certaines victimes n'ont même pas eu droit à un placard, comme les militaires ex-otages de Daech, dont les assassins ont été exfiltrés en toute impunité, ou les militaires sommairement exécutés et enfouis dans une fosse commune, un certain 13 octobre 1990, ou... ou... ou... Je n'ai pas les archives d'un organe de presse pour les dénombrer.
Placard publicitaire censuré ? La belle affaire ! Lorsque notre mémoire, notre histoire, notre humanité, notre justice, notre dignité... sont mises au placard après être passées non pas aux ciseaux d'Anastasie, mais d'amnésie.
C'est à propos d'un placard publicitaire qui promeut le tourisme en Israël dans le quotidien Le Monde. Le retrait de ce « placard » par les censeurs de notre République a suscité l'émoi d'une partie de la presse locale et des réseaux sociaux. Geste insultant, certes, préjudiciable à...
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LA LIBRE EXPRESSION
16 h 25, le 16 octobre 2017