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Culture - Documentaire

« Le vénérable W », ou la question de l’éthique dans le documentaire

Le moine bouddhiste Wirathu. Capture d’écran/AFP

Le récent documentaire de Barbet Schroeder, Le Vénérable W, moine bouddhiste du Myanmar actuellement leader du parti racialiste Ma Ba Tha, a été présenté dans le cadre du Festival international du film de Beyrouth.
En mêlant des images d'archives, des interviews et ses propres prises de vue, Schroeder suit le parcours de ce moine bouddhiste devenu leader d'un parti politique extrêmement violent et qui appelle à l'élimination des Rohingyas, la minorité musulmane du pays, et cela malgré la dimension profondément pacifiste de sa doctrine spirituelle, le bouddhisme. Un documentaire plus actuel que jamais à la vue des événements récents dans la région, où les violences interethniques causent, en ce moment même, l'exode de près de 100 000 Rohingyas. Il ne s'agit pas de remettre en question la gravité des événements qui se déroulent au Myanmar, mais de comprendre la manière dont Barbet Schroeder s'approprie le personnage pour en faire le héros sordide de l'ultime volet de sa trilogie du mal.
Sur le fond, comme Schroeder le dit lui-même, le documentaire cherche à démontrer avec quelle facilité « un discours de haine peut se transformer en acte de violence ». Dans cette perspective, la douleur des Rohingyas devient un prétexte pour explorer les mécaniques qui construisent le phénomène politique dont Wirathu est le leader. Ce déplacement conceptuel permet au réalisateur de présenter cette catastrophe humanitaire d'une manière partielle, et donc partiale. En effet, hormis certaines séquences de lynchage absolument révoltantes, où sont les Rohingyas dans son film ? Pourquoi leur donne-t-on si peu la parole ? Aung San Suu Kyi, par exemple, n'a-t-elle pas sa place dans le documentaire ? Et le gouvernement du Myanmar, est-il si insignifiant pour n'avoir pas voix au chapitre ? Difficile donc de comprendre objectivement ce qui se joue vraiment dans le pays.
Sur le plan formel, les procédés utilisés par le réalisateur amplifient la dimension diabolique de son personnage principal. La lumière crépusculaire dans laquelle Wirathu est mis en scène ; le motif de la prison, du grillage et de l'enfermement ; la musique digne d'un mauvais film d'horreur à chacune de ses apparitions ; les ralentis, aussi, qui soulignent le tragique des actions qui se jouent sous les yeux du spectateur, voilà autant de mécanismes qui font du moine bouddhiste l'archange de la destruction. Est-il possible de prétendre à la « vérité » documentaire lorsque des événements sont présentés d'une manière aussi manichéenne ?
Le travail de Schroeder soulève donc deux questions fondamentales se rattachant au processus de création d'un tel projet. Tout d'abord, dans quelle mesure la mise en scène documentaire est-elle un travestissement de la réalité, et jusqu'où ce travestissement est-il acceptable ? Deuxièmement, peut-on accepter, sur le plan éthique, de mettre en scène la souffrance d'un pays entier pour servir ses propres intérêts de réalisateur en quête d'un sujet pour le dernier volet d'une trilogie sur le mal ? Cette trilogie qui comprenait Général Idi Amin Dada : Autoportrait et L'Avocat de la terreur, portrait de l'avocat maître Vergès ?

Le récent documentaire de Barbet Schroeder, Le Vénérable W, moine bouddhiste du Myanmar actuellement leader du parti racialiste Ma Ba Tha, a été présenté dans le cadre du Festival international du film de Beyrouth.En mêlant des images d'archives, des interviews et ses propres prises de vue, Schroeder suit le parcours de ce moine bouddhiste devenu leader d'un parti politique extrêmement...

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