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Culture - Musique

Nolwenn Leroy, retour de (en) flamme

La chanteuse sort de son silence qui aura duré cinq ans et propose « Gemme », un disque luxuriant et orchestral, peuplé de fables enchantées, parfois ingénues, mais où sa voix de feu follet l'emporte sur tout.

Nolwenn Leroy serait-elle la chanteuse préférée des Français ? Crédit photo : Mercury Music Group

Elle a beau jouer les grandes absentes, ses détracteurs, les chevaliers vaillants d'une pseudo contre culture ne l'ont jamais (re)lâchée. Certes, Nolwenn Leroy ne sort pas de la camionnette d'un festival de rock halluciné, mais de la rigueur du conservatoire, du sillage des divas. Ce qui ne fait en aucun cas d'elle un produit fabriqué dans les laboratoires de TF1 en accord avec Universal. Au contraire, la Bretonne opaque a chevillé sa trempe de créature brumeuse, indocile, de celles qui tracent leur chemin, foncent et laissent aux autres le soin de cultiver fables et légendes à leur place. Elle a fait de ses éloignements discrets, de ses vastes silences, de son statut de figure énigmatique du showbiz, l'une des composantes de son aura d'artiste élégamment anachronique, dont le succès est monté crescendo au cours des sept dernières années, la hissant au rang de chanteuse préférée des Français.

Une quête du Graal
Et là voilà rompant ce mutisme béant pour présenter son sixième album studio pour lequel elle s'est retirée dans un studio londonien en compagnie du producteur Jamie Ellis (qui a également collaboré avec Adèle ou Florence & The Machine). Tissant à son rythme ses sons veloutés de petite cousine des sœurs Brontë, Nolwenn Leroy a donné naissance à Gemme, opus majeur de sa carrière, car « c'est la quintessence de ce que j'ai pu proposer en quinze ans », dit-elle, ayant pour sujet la célébration de la Terre, le retour au socle et sur soi-même, la quête de lumière et d'espoir, comme autant de Graal à glaner au cœur d'une époque qui se régale de sang et de noirceur. On n'ira tout de même pas jusqu'à dire que le disque est hanté par l'œuvre de ses idoles, Kate Bush ou Tori Amos, comme le souhaiterait la chanteuse. Car sa faiblesse réside dans son opiniâtreté à vouloir tout faire, c'est-à-dire même intervenir dans l'écriture, une entreprise hasardeuse qu'elle aurait mieux fait de confier aux Voulzy, Miossec, Murat et consorts, qui se sont penchés sur son berceau depuis ses débuts et lui ont offert ses plus belles pépites. Puérils et trop lustrés par moments, les textes tournent souvent en toupie et labourent le même champ lexical qui remâche à outrance ciel, terre, amour, haine et mort. Survolant la thématique pourtant profonde, il y est question du mythe de l'Ankou sur la chanson qui porte le même titre (personnification de la mort dans la culture celte), de poèmes d'Edgar Allan Poe sur The Lake et A Dream, de la vague de terrorisme sur Combat pour la paix ou du postulat de Stephen Hawking stipulant que l'humanité devra quitter la Terre d'ici à 100 ans sur Stephen, l'écriture ingénue finit parfois par placer l'album sous une dialectique bien/mal un rien galvaudée.

La voix comme instrument
Cela dit, imposant par son orchestration chatoyante où clochettes, ukulélé, piano et harpe se mêlent aux acrobaties vocales de Nolwenn qu'empoigne par moments un vent celte, constellé d'une candeur et d'une fragilité qui font du bien dans des circonstances où la musique s'intellectualise un peu trop, Gemme est probablement l'un des albums les plus médusants et ambitieux qu'on ait réalisés cette année dans le paysage de la pop française. Et sans doute le plus précieux de la carrière de Nolwenn Leroy. Périple vers les méandres du mal de notre époque que la chanteuse propose d'embarquer à bord de sa charrette rutilante qui fonce vers la lumière, ce projet s'écoute comme on vit un voyage en terres inconnues, en s'installant dans ses étendues de piano (notamment sur la remarquable Ce que je suis) et dans ses climats électrisants (spécialement sur le tonique et féerique Run It Down), marbrés de silences magnifiquement habités par les vocalises de la chanteuse. Si les morceaux dressent un patchwork de tessitures à l'image des collaborateurs variés (de Broken Back à Charlie Winston), c'est surtout la voix hors normes de Nolwenn qui définit Gemme. En funambule folle et érudite, elle ose toutes les voltiges, la fait muter d'émeraude à saphir, l'arrondit ou la dépouille, chante comme dans un conte où elle incarnerait tous les personnages, manipule ses cordes vocales avec une liberté si illimitée qu'on en arrive presque à douter que ce timbre puisse être réel. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le sixième album de Nolwenn Leroy qui porte le nom d'une pierre précieuse enclavée dans sa gangue est en parfaite adéquation avec son titre.

Elle a beau jouer les grandes absentes, ses détracteurs, les chevaliers vaillants d'une pseudo contre culture ne l'ont jamais (re)lâchée. Certes, Nolwenn Leroy ne sort pas de la camionnette d'un festival de rock halluciné, mais de la rigueur du conservatoire, du sillage des divas. Ce qui ne fait en aucun cas d'elle un produit fabriqué dans les laboratoires de TF1 en accord avec Universal. Au...

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