Dans un discours, hier, Hassan Nasrallah a indiqué qu’il avait convaincu en personne Bachar el-Assad de permettre le transfert des jihadistes du Liban vers la Syrie. Photo AFP/HO/SANA
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a révélé hier s'être rendu récemment en personne à Damas pour demander au président syrien, Bachar el-Assad, d'accepter l'accord qui a permis l'évacuation des jihadistes du groupe État islamique en échange d'informations sur les militaires libanais qu'ils avaient pris en otages en août 2014 et dont il s'est avéré qu'ils étaient morts.
« Le transfert des jihadistes du Liban vers la Syrie était embarrassant pour Damas. Mais nous leur avons demandé de l'accepter, sachant qu'il s'agit d'une question humanitaire », a expliqué le leader chiite, lors d'un entretien télévisé, retransmis en direct, pour la célébration de la « deuxième libération » du Liban au terme de l'évacuation des derniers jihadistes de l'EI qui étaient encore présents sur le territoire libanais. « J'ai dit au président Assad que si la bataille des jurds (hauteurs) du Qaa et de Ras Baalbeck se terminait sans avoir d'informations concernant le sort des militaires, cela serait problématique. Le président syrien m'a fait savoir que l'évacuation des jihadistes serait embarrassante pour lui, mais qu'il était prêt à l'accepter dans l'intérêt du Liban. C'est pour cela que nous remercions le président Assad et le peuple syrien pour leur contribution à cette libération », a-t-il raconté, s'adressant à des milliers de partisans rassemblés à Baalbeck, dans la Békaa.
Deux villages de la Békaa menacés par l'EI
Le chef du parti chiite a ensuite avancé une série d'arguments pour justifier la nécessité de la bataille. « Il était temps, en cet été 2017, de se débarrasser des groupes armés dans le jurd, a-t-il insisté. Les jihadistes projetaient d'envahir deux villages dans la Békaa et de prendre leurs habitants en otages pour négocier la libération de détenus jihadistes dans les prisons libanaises. Nous avons les preuves de cela dans un enregistrement vidéo sur lequel nous avons mis la main. Il est donc clair que la menace avait augmenté depuis le printemps dernier. Tout le monde était au courant de cela, et nous avions prévenu les autorités libanaises. » Et de poursuivre : « Nous n'avions aucune objection à ce que ce soit l'État qui libère le jurd de Ersal. L'armée libanaise était prête, mais celle-ci a finalement hésité, en raison de considérations d'ordre politique. C'est pour cela que nous avons lancé la bataille, et nous avons libéré le jurd de Ersal en l'espace de quelques jours. Mais, au lieu de célébrer la victoire, les Libanais ont préféré polémiquer, en s'interrogeant s'il s'agit vraiment d'une victoire. »
Le leader chiite a assuré avoir demandé aux autorités libanaises que ce soit l'armée qui scelle la phase finale de la libération. « Le lundi 28 août 2017, tous les objectifs ont été remplis : le territoire libanais a été libéré et sécurisé, l'émirat daechien a échoué et les groupes terroristes ont été expulsés », s'est félicité le chef du Hezbollah. « Sur 764 km2 de territoire libanais, 624 km2 ont d'abord été libérés, avant que les 140 km2 restants ne le soient aussi. La décision politique souveraine est caractéristique du mandat du président Michel Aoun. C'est un homme courageux et indépendant, qui ne suit aucun pays et qui ne se soumet pas à la pression », a-t-il martelé.
« Les États-Unis ne voulaient pas que Daech soit expulsé »
Hassan Nasrallah s'en est ensuite violemment pris aux États-Unis. « Lorsque la libération du jurd de Ersal a eu lieu en juillet, les responsables américains ont exprimé leur colère aux autorités libanaises, leur faisant savoir qu'il ne fallait pas que ce soit le Hezbollah qui libère ce territoire. Par la suite, les autorités américaines ont fait pression sur le Liban pour le dissuader de lancer l'opération militaire pour libérer le reste du territoire. Les Libanais ont le droit de savoir. Les États-Unis ne voulaient pas que Daech soit expulsé de vos terres. Lorsqu'ils n'ont pas réussi à convaincre les autorités libanaises, ils ont demandé à ce que l'opération soit retardée d'un an. Que se serait-il passé dans ce cas ? Et ils menacent de couper l'aide militaire à l'armée libanaise. Si l'État libanais avait accepté de retarder l'opération, il n'y aurait plus rien de cet État aujourd'hui », a-t-il noté.
Le chef du Hezbollah s'est, dans ce contexte, dit en faveur d'un renforcement des capacités de l'armée libanaise. « Soutenir l'armée ne porte pas atteinte au triptyque d'or (armée-peuple-résistance), mais au contraire, il le renforce. Il n'est pas vrai que nous voulons l'affaiblissement de l'armée », a-t-il dit. Il a dans ce cadre une nouvelle fois assuré que « la sécurisation des frontières du pays relève de l'armée libanaise. Cela est indiscutable, et nous n'avions jamais prétendu que cette question relève de nous ».
« Ne soyons pas à la traîne »
Sur le plan diplomatique, Hassan Nasrallah a une nouvelle fois appelé le Liban à coopérer avec la Syrie, alors que cette question divise la classe politique. « Nous ne voulons imposer à personne la coopération avec les autorités syriennes. Et nous voulons que le gouvernement libanais se maintienne en place. La France, le Royaume-Uni et même certains États du Golfe ont ouvert des canaux (diplomatiques) avec Damas. Je vous dis donc, calmement : Ne soyons pas à la traîne, et asseyons-nous à la même table que la Syrie, loin des ingérences des ambassades occidentales et européennes », a-t-il mentionné.
Hassan Nasrallah s'est en outre félicité du vote au Conseil de sécurité de l'ONU, mercredi, qui a permis de renouveler d'un an le mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) sur fond de divisions américano-européennes, estimant que les États-Unis et Israël, qui réclamaient un renforcement du mandat des Casques bleus contre le Hezbollah, ont échoué.
Hassan Nasrallah a conclu en mettant en garde contre ce qu'il estime être des pressions internationales sur le Hezbollah. « Le Liban victorieux fera probablement l'objet de pressions. La résistance elle-même est sous pression. On vous dira que c'est le Hezbollah qui pose problème, et que ce problème doit être réglé, évidemment dans l'intérêt d'Israël, car le parti chiite ne pose aucun danger pour le Liban. Mais c'est l'administration du président américain Donald Trump qui constitue un danger actuellement », a-t-il insisté.
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“Les hommes à barbe doivent-ils ou non porter une cravate, puisqu’on ne la voit pas ?” de Pierre Dac Extrait de L’os à moelle - Mai 1938
FAKHOURI
08 h 18, le 03 septembre 2017