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Économie - Liban

Pourquoi les PPP ne font-ils pas l’unanimité ?

Si les rédacteurs de la loi sur les Partenariats Public-Privé assurent qu'elle permettra un renforcement de la transparence en matière d'octroi de marchés publics, certains estiment qu'elle aggravera le creusement de la dette publique.

Les partisans de la loi sur les PPP la jugent indispensable pour faciliter le financement de grands projets d’infrastructure par le secteur privé. Photo Michel Sayegh

Réclamée depuis une dizaine d'années par de nombreux acteurs du secteur privé, des organisations internationales et une partie de la classe politique, la loi sur les Partenariats Public-Privé (PPP) a été finalement votée le 16 août au Parlement. Ce dispositif permet aux autorités publiques de faire appel à des prestataires privés afin de financer, construire, rénover ou gérer des équipements assurant un service public. Les contrats PPP ne sont pas une nouveauté au Liban – Électricité du Liban confie depuis 2012 une partie de ses opérations sur le réseau de distribution à trois opérateurs privés. La nouvelle loi doit permettre de fixer « un cadre législatif plus clair et plus transparent, tout en accordant plus de garanties au secteur privé », confie à L'Orient-Le Jour le secrétaire général du Haut- Conseil pour la privatisation et les partenariats (HCPP), Ziad Hayek.

Montage financier
Les partisans de cette loi la jugent indispensable pour faciliter le financement de grands projets d'infrastructure par le secteur privé, au moment où l'État – surendetté – n'est pas en mesure d'investir dans des projets d'une telle envergure. Mais d'autres observateurs sont en revanche plus sceptiques quant à la nécessité d'adopter ce modèle de contrat pour l'octroi de marchés publics, de plus en plus décrié dans certains pays occidentaux. « La raison d'être des contrats PPP est en réalité le montage financier sur lequel ils reposent. La sollicitation du secteur privé pour des projets d'infrastructure n'a rien de nouveau. L'État ne produit pas lui-même les équipements qu'il désire. C'est nécessairement un fournisseur privé », déclare à L'OLJ l'ancien ministre Charbel Nahas. « Durant les années 1990, après la signature du traité de Maastricht qui exigeait que la dette publique ne dépasse pas 60 % du PIB et que le déficit public soit contenu à 3 % du PIB, les États européens ont créé l'astuce des contrats PPP pour dépenser tout en masquant leur endettement réel », poursuit-il.
Ce « montage financier » permet à l'État de ne pas assumer – immédiatement – les dépenses liées aux investissements de départ nécessaires à la construction d'un ouvrage public. Celles-ci sont entièrement réalisées par le prestataire privé. Entre-temps, un contrat de longue durée signé entre les deux parties, prévoit des modalités de paiement par l'État d'un montant annuel à la société privée. Ainsi, « l'État n'inscrit pas sur son budget le coût total du projet d'investissement qu'il s'engage à payer sur une période donnée, mais uniquement son coût annuel, comme s'il s'agissait d'un contrat de location », s'insurge M. Nahas qui dénonce « une dette cachée ». De son côté, M. Hayek ne dément pas l'utilisation de cette méthode d'inscription comptable, mais estime que « tout contrat PPP sera rendu public, et par conséquent son coût total également ». Interrogé sur l'absence d'une clause dans la loi PPP rendant obligatoire la publication des contrats, M. Hayek a répondu que cela « sera possible dans le cadre de la nouvelle loi sur l'accès à l'information », votée le 19 janvier au Parlement.

Coût de la dette
Charbel Nahas dénonce la propension de ce dispositif à gonfler la dette. « Dans le cadre d'un contrat de marchés publics classique, l'État peut par exemple s'endetter à 3 %, alors que dans le cadre d'un PPP, c'est la société privée qui s'endette au prix du marché et répercute le coût de son endettement sur le prix final dont devra s'acquitter l'État. Résultat, l'État s'endetterait à hauteur de 10 %. » Un constat confirmé par Ziad Hayek, qui considère toutefois qu'il se s'agit pas « du seul facteur déterminant, sinon aucun pays ne privilégierait l'option des contrats PPP, qui repose sur l'évaluation et le partage des risques ». « Les PPP permettent au ministère des Finances de masquer l'état réel de la dette publique et aux banques d'incorporer des taux d'intérêt nettement supérieurs à la dette de l'État, par l'intermédiaire des sociétés privées », persiste M. Nahas.
M. Hayek préfère de son côté mettre en avant les gages de transparence apportés par la loi sur les PPP, qui « réduisent le risque de connivence ». « Le contrat doit faire partie du cahier des charges. On n'attendra plus la fin d'un appel d'offres et la désignation du gagnant pour établir un contrat. Toutes les parties prenantes participeront à sa conception. Les prix seront fixés à l'avance et tout coût supplémentaire sera assumé par la société privée », explique-t-il. « Cela poussera les sociétés privées à surévaluer les coûts, d'autant plus que les cahiers des charges des PPP n'incluent pas tous les détails de la construction et d'exécution, rendant tout contrôle difficile. L'État ne définira en détail que le produit final souhaité », prévient M. Nahas. La loi permet au Premier ministre – qui préside le HCCP – au ministre concerné, au président d'une municipalité ou d'une fédération de municipalités de proposer un projet de PPP au HCPP. Un comité de pilotage du projet est ensuite créé, regroupant le secrétaire général du HCPP, le ministre concerné, un représentant du ministère des Finances et le président de l'autorité de régulation du secteur. Des cabinets de conseil juridique, financier et technique sollicités par le comité ainsi que d'autres experts venus de la fonction publique doivent composer le groupe de travail du projet. Un accord du Conseil des ministres est requis avant le lancement d'un appel public à manifestation d'intérêt à l'égard du secteur privé. « Au final, ce sont les mêmes qui prendront les décisions, puisque c'est le Conseil des ministres qui validera les projets. Les connivences vont donc être multipliées », avertit M. Nahas.

Réclamée depuis une dizaine d'années par de nombreux acteurs du secteur privé, des organisations internationales et une partie de la classe politique, la loi sur les Partenariats Public-Privé (PPP) a été finalement votée le 16 août au Parlement. Ce dispositif permet aux autorités publiques de faire appel à des prestataires privés afin de financer, construire, rénover ou gérer des...

commentaires (3)

Le problème du PPP n'est pas avec le mécanisme lui-même, mais la façon avec laquelle il est "vendu" au Libanais ainsi que le timing de la promulgation de la loi (la première mouture ayant datant de 2007). Nous semblons dire aux Libanais, vous n'avez pas d'électricité parce que nous n'avons pas de PPP. En réalité, nous n'avons pas d'électricité parce que ça a été la politique de l'état, tout simplement. Le secteur privé n'est pas l'alternative á un état défaillant. A l'approche des élections ce nouveau mécanisme de financement sera utilisé par le système pour lancer une pléthore de projets qui leur permettrons de conforter leurs assises populaires et de s'assurer les bienveillances ceux qui se font appeler instances économiques qui profiterons de cette manne. il est urgent de sortir des débats stériles pour ou contre les PPP, pour ou contre la privatisation, droite/gauche etc. et comprendre les véritables motifs des lois votées par les représentants d'un système qui nous mène droit vers une faillite généralisée.

Mounir Doumani

09 h 31, le 29 août 2017

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Commentaires (3)

  • Le problème du PPP n'est pas avec le mécanisme lui-même, mais la façon avec laquelle il est "vendu" au Libanais ainsi que le timing de la promulgation de la loi (la première mouture ayant datant de 2007). Nous semblons dire aux Libanais, vous n'avez pas d'électricité parce que nous n'avons pas de PPP. En réalité, nous n'avons pas d'électricité parce que ça a été la politique de l'état, tout simplement. Le secteur privé n'est pas l'alternative á un état défaillant. A l'approche des élections ce nouveau mécanisme de financement sera utilisé par le système pour lancer une pléthore de projets qui leur permettrons de conforter leurs assises populaires et de s'assurer les bienveillances ceux qui se font appeler instances économiques qui profiterons de cette manne. il est urgent de sortir des débats stériles pour ou contre les PPP, pour ou contre la privatisation, droite/gauche etc. et comprendre les véritables motifs des lois votées par les représentants d'un système qui nous mène droit vers une faillite généralisée.

    Mounir Doumani

    09 h 31, le 29 août 2017

  • tres belles ces analyses fiancieres des uns et des autres . MAIS MAIS une verite OUBLIEE volontairement ou pas ? -une corruption GENERALISEE saigne notre pays , mais ns evitons de preciser que le secteur prive est tout aussi est corrompu non ?car C le secteur prive LUI en profite le plus n'est ce pas ? --ILS DISENT que les PPP ""permettra un renforcement de la transparence en matière d'octroi de marchés publics"" mais QUI OSERAIT EN JURER ? reflechissez y,les fiers combattants de la corruption

    Gaby SIOUFI

    10 h 00, le 28 août 2017

  • Mr Nahas ne regarde qu une partie de l equation ignorant les aspects positifs des PPP. Eviter a l etat d augmenter immediatement la dette publique pour la construction de centrales electriques par exemple alors que notre dette est exhorbitante est l un de ces aspects. Ameliorer a terme les infrastructures du pays permet a l etat d engranger des recettes supplementaires, de reduire ses depenses comme l electricite et partant lui permettre de reduire la dette publique. La diminution de la dette reduit aussi de facto le service de cette dette deuxieme poste de depenses le plus important dans le budget de l etat apres l electricite. Ces enormes consequences positives du PPP balaient les objections de Mr Nahas quant aux couts annuels de ces projets pour l etat car a terme celui ci sera mieux en mesure d assumer ces couts sans oublier qu il recupere aussi le produit final.

    Jihad Mouracadeh

    09 h 40, le 28 août 2017

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