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Liban - Loisirs

Au Liban, le parkour s’impose difficilement

La pratique de nouvelles disciplines sportives urbaines a explosé ces dernières années. Plus qu'un sport, c'est un véritable mode de vie.

À Tripoli, les freerunners sont parmi les seuls à s’approprier les constructions d’Oscar Niemeyer. Photo J.D.

Apercevoir des silhouettes sauter de toit en toit, les voir ensuite côtoyer le bitume pour effectuer des figures et se déplacer avec style dans la ville en utilisant l'environnement urbain... C'est un spectacle qu'il est maintenant possible d'observer dans toutes les grandes villes du monde. Le Liban n'échappe désormais plus à la règle. Les adeptes de parkour ou de freerunning au pays du Cèdre se font de plus en plus nombreux. Si bien que deux salles d'entraînement ont ouvert dans les environs de Beyrouth.

 

 

 

 

Située dans un sous-sol aménagé de Dekouané, la Lebanese Parkour Academy propose à des groupes de différents niveaux de venir parfaire leurs mouvements dans un environnement sécurisé rappelant la ville. Le club Adrenaline, situé, lui, à Zouk el-Kharab, près de Dbayé, propose le même genre d'activités.
« Passer d'un point A à un point B en consommant le moins d'énergie, de la manière la plus esthétique possible » : telle est la définition du parkour que donne Joe Zgheib, fondateur de la Lebanese Parkour Academy et précurseur de la discipline au Liban. Concrètement, cela consiste à se créer son propre chemin dans la ville en utilisant le mobilier urbain : en sautant de toit en toit, mais aussi en enjambant des rambardes ou en franchissant des murs avec agilité.

« Ne laisse rien te stopper »: c'est la devise classique dans le milieu du parkour. La philosophie du dépassement de soi et du collectif est très présente chez les adeptes. Mais il faut aussi prendre en compte l'évolution du rapport de cette discipline à la ville. En 2009, le journaliste et politicien australien Michael Atkinson qualifiait le parkour de « mouvement urbain anarcho-environnementaliste ». Par là, il signifiait que ses usagers cherchent à « transformer les zones urbaines pour en faire de nouveaux terrains de jeux évasifs collectifs », selon la thèse sur les liens entre socialisation et risque, de Maude Séguin-Manègre, chercheuse en études urbaines et spécialiste des lifestyle sports. Et Joe Zgheib confirme que son rapport à la ville a changé depuis ses débuts en 2005. « Ce que je voyais avant comme un simple mur est devenu maintenant un obstacle qu'il faut utiliser et dépasser. » C'est une façon de penser que partagent la plupart des adeptes du parkour, explique-t-il.

 

Besoin d'architecture
À Tripoli, Omar et son ami Ahmad, tous deux âgés de 17 ans, ont découvert la discipline il y a un peu plus d'un an. « Depuis que j'ai commencé, je fais attention à l'architecture des bâtiments, confie Omar, et j'essaie de m'y projeter pour le parkour. « Dans la capitale du Liban-Nord, il n'existe pas de salle pour s'entraîner. Pratiquer en outdoor est la seule alternative. Les deux adolescents ont commencé à s'entraîner directement en conditions réelles. Ce n'est évidemment pas sans risque, Omar ne compte plus les fois où il s'est blessé. » « Je sors d'une blessure à la jambe, précise-t-il. La reprise risque d'être difficile. » Mais elle est loin de le décourager.

Le duo est en constante recherche de spots, ces endroits propice au parkour. Le lieu de prédilection des deux adolescents reste la Foire internationale Rachid Karamé. Le lieu abrite les œuvres architecturales inachevées d'Oscar Niemeyer, le grand architecte brésilien disparu il y a quelques années. Ces constructions permettent aux jeunes de pratiquer le freerunning. La forme arrondie du grand dôme et les larges espaces des cages d'escalier s'engouffrant dans le sol offrent différentes possibilités de sauts et de figures.

Sauf que, à cause de l'absence d'entretien, la pierre est friable et menace parfois de s'écrouler, mais les structures tiennent encore. Le lieu est complètement à l'abandon et les adeptes tripolitains du freerunning sont parmi les seuls à l'investir. « C'est l'architecture qu'on vient chercher. C'est essentiel pour nous », affirme Omar.

Cependant, même ici, leur marge de manœuvre est réduite bien que le site soit spacieux. S'ils s'adonnent facilement au freerunning, ils ne peuvent pas pratiquer le parkour faute de liens entre les différents obstacles. Omar et son groupe de huit adeptes ont fait plusieurs fois le tour de la foire. « Un moment, on venait vraiment tous les jours, soupire-t-il. C'est l'un des seuls spots praticables de la ville. » « Notre seule limite, c'est l'espace qu'on a, continue Omar, l'air agacé. Comme l'espace utilisable est très limité, il arrive donc un moment où nous ne progressons plus. »

À Tripoli comme ailleurs au Liban, les villes ont tendance à manquer d'architecture propice au parkour. Les grands immeubles espacés les uns des autres sont peu praticables et très dangereux. Quand bien même le groupe trouverait un nouveau terrain de jeu, il s'en ferait systématiquement virer. Et la notion d'espace public est peu présente dans le paysage urbain libanais, regrettent les adolescents. Même l'accès au site de la Foire internationale de Tripoli est tributaire de l'humeur des gardiens, racontent-ils. En principe, le lieu est fermé au public car il appartient à l'État qui le juge trop dangereux. À Tripoli, les toits des souks de la vieille ville présentent un terrain parfait pour la pratique de cette discipline. Mais là encore, la réalité est plus compliquée. « Si quelqu'un nous voit, il risque de nous prendre pour des voleurs et de sortir un fusil », s'amuse Omar.

D'une manière générale, le parkour souffre encore aujourd'hui d'une mauvaise image. Pour un expert comme Joe Zgheib, pratiquer cette discipline dehors, à Beyrouth, n'est pas simple. « Les gens pensent que nous sommes des voleurs ou des fous qui jouent aux singes », affirme-t-il en affichant un air d'incompréhension.

Même avec des salles qui lui sont dédiées et le nombre croissant d'adeptes, le parkour/freerunning reste marginal pour beaucoup de Libanais. Ils le considèrent plus comme une pratique dangereuse que comme le reflet d'un état d'esprit que ses adeptes défendent.

 

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