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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Rencontre inédite entre Moqtada Sadr et Mohammad ben Salmane

La visite du dignitaire irakien chiite survient dans un contexte de tensions entre le royaume wahhabite d'un côté, le Qatar et l'Iran de l'autre.

Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (à droite) recevant le dignitaire irakien Moqtada Sadr à Djeddah dimanche soir. Palais royal saoudien/AFP

La rencontre est presque passée inaperçue. Dimanche soir, le prince héritier saoudien Mohammad bel Salmane a reçu Moqtada Sadr à Djeddah. Cela faisait onze ans que le dignitaire irakien chiite ne s'était pas rendu dans le royaume. Selon un communiqué publié par son bureau en soirée, les deux hommes ont abordé les relations bilatérales qui unissent leurs deux pays, ainsi que plusieurs autres dossiers « d'intérêt commun », sans plus de détails. Le même communiqué a qualifié la visite du dignitaire irakien d' « avancée positive dans les relations entre l'Arabie saoudite et l'Irak ». « Nous espérons que c'est là le début d'un recul des divisions sectaires dans la région arabo-islamique », a aussi indiqué le communiqué. Peu avant son entretien avec le prince héritier, M. Sadr a été reçu par le ministre d'État saoudien aux Affaires du Golfe, Thamer el-Sabhane, qui fut pendant quelques mois ambassadeur d'Arabie saoudite en Irak, au cours de l'année 2016.

Cette visite est la dernière d'une série de rencontres entre représentants des deux pays. Le mois dernier, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi s'est lui aussi rendu à Djeddah, où il a été reçu par le roi Salmane. Les deux pays avaient alors affirmé que leurs relations avaient connu un « bond qualitatif », tout en exprimant leur désir de développer les liens économiques et commerciaux solides, et de coopérer dans le domaine de la « lutte contre le terrorisme ». Et en février, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir avait effectué une visite dans la capitale irakienne, la première à ce niveau en Irak depuis 2003, et où le royaume a rouvert en 2015 une ambassade après 25 ans d'absence diplomatique, soit depuis l'invasion du Koweït par Saddam Hussein en 1990. Ces rencontres de haut niveau ont pour but annoncé de normaliser et de renforcer les relations entre les deux pays, malmenées au cours des dernières décennies, notamment après la récente réouverture de deux postes-frontières qui étaient restés fermés depuis les années 1990.

 

Contexte adéquat
Le timing de la visite de Moqtada Sadr, d'ailleurs peu médiatisée, n'est pas anodin : elle survient peu après la reconquête de Mossoul des mains de l'État islamique. Le dignitaire entend très probablement profiter de l'instabilité actuelle en Irak pour augmenter son influence sur le plan interne. Figure de proue de l'opposition chiite irakienne, pendant le mandat de Nouri el-Maliki puis celui de Haider al-Abadi, il a déjà montré ses muscles politiques en mobilisant à plusieurs reprises au cours des dernières années des dizaines de milliers de partisans à Bagdad, paralysant les artères de la capitale en manifestant contre la corruption qui gangrène les institutions étatiques. Mais il se distingue également par son refus de l'influence iranienne prédominante en Irak – il critique souvent les Unités de mobilisation populaires, milices irakiennes majoritairement chiites sous tutelle iranienne – et s'est démarqué des autres leaders chiites en avril lorsqu'il a appelé à la démission du président syrien Bachar el-Assad, aidé par l'Iran dans le conflit qui fait rage dans son pays.

« Moqtada Sadr entend prendre ses marques par rapport au "jour d'après", mais aussi par rapport au poids des milices chiites dites "sectaires" dont il entend se dissocier par refus d'exclusion des sunnites – même s'il dirige lui-même une milice issue de son mouvement politique dénommée "Saraya al-salam" (qui a succédé à l'"armée du Mahdi") », confirme David Rigoulet-Roze, chercheur rattaché à l'Institut français d'analyse stratégique et rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques. Celui-ci souligne que le dignitaire chiite veut « prendre ses distances par rapport à une allégeance iranienne exclusive sur l'échiquier politique irakien ».

Dans un contexte de crise avec le Qatar, accusé entre autres de soutien au « terrorisme » et de proximité trop grande avec l'Iran, et dans un contexte de tensions croissantes avec la République islamique, l'entrevue entre le clerc chiite et le prince héritier saoudien paraît comme une manche gagnée par le royaume. « Le prince héritier n'est pas mécontent de montrer à l'Iran qu'il parvient à nouer des liens avec Moqtada al-Sadr, en surinvestissant sur l'"arabité" de son interlocuteur au détriment de son identité confessionnelle chiite », avance M. Rigoulet-Roze.

Rien n'a été prévu pour combler le vide laissé par les conflits interminables en Irak, pour éviter la marginalisation des sunnites, pour parer aux velléités indépendantistes des Kurdes – dont le référendum du 25 septembre aurait justement été évoqué par Mohammad ben Salmane et Moqtada Sadr à Djeddah. La fracture confessionnelle et sociale augmente chaque jour un peu plus et pourrait servir les intérêts d'acteurs externes. Tant qu'il n'y aura pas de solution globale incluant tous les protagonistes irakiens, sunnites inclus comme le prône Moqtada Sadr, pour éviter la résurgence de l'EI ou d'un groupe similaire, la situation actuelle perdurera.

 

 

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commentaires (5)

bonne chance a moktada el sadr. encore faut il que ses intentions soient louables ET que l'arabie saoudite prete une oreille - des oreilles- plus qu'attentive et sincere.

Gaby SIOUFI

09 h 32, le 02 août 2017

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Commentaires (5)

  • bonne chance a moktada el sadr. encore faut il que ses intentions soient louables ET que l'arabie saoudite prete une oreille - des oreilles- plus qu'attentive et sincere.

    Gaby SIOUFI

    09 h 32, le 02 août 2017

  • au moins un représentant chiite arabe libre !!

    Bery tus

    01 h 52, le 02 août 2017

  • je souris doucement ! Moqtada s'était opposé aux américains de bush l'ivrogne, par sa milice de l'Armée du Mehdi , et les avait fait reculer à Bassorah . Mais si cet article fait réagir positivement , je ne dirai rien de mal . Seulement que pour comprendre un chiite , il faudra avant ça, comprendre un juif et un arménien et se lever très tôt le matin avant le chant du coq .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 40, le 01 août 2017

  • Le Chamseddine Irakien quoi!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 19, le 01 août 2017

  • MOQTADA SADR UN IRAKIEN NATIONALISTE ET UNE PENSEE OUVERTE ET DEVOUEE A SON PAYS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 46, le 01 août 2017

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