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Moyen Orient et Monde - Diplomatie/Défense

Les forces françaises aux Émirats arabes unis : une présence sur fond d’intérêts économiques et militaires

Les troupes de l'hexagone sont implantées de manière permanente dans la fédération depuis 2009.

Jean-Yves Le Drian visitant le stand de Sagem (groupe Safran) lors d’une exposition-conférence, à Abou Dhabi, le 22 février 2015. Karim Sahib/AFP

La visite du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à Abou Dhabi, le 17 juillet, illustre la tentative de l'État français de jouer un rôle de facilitateur dans la crise du Golfe qui secoue actuellement la région, entre le Qatar d'une part, et l'Arabie saoudite et ses alliées d'autre part. Ce n'est pas la première fois que le ministre se rend aux Émirats arabes unis. Sous la présidence de François Hollande déjà, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait rendu visite à plusieurs reprises aux 700 militaires de la base interarmées française – composée de trois bases militaires (armée de terre, marine nationale, armée de l'air). Cette présence militaire permanente des forces françaises depuis 2009 s'inscrit dans la continuité de l'accord de défense signé en janvier 1995 par la France et les Émirats arabes unis dans un contexte post-guerre du Golfe. Un premier accord avait déjà été signé dès 1977, six ans après la fin du protectorat britannique et la naissance officielle des EAU le 2 décembre 1971, par une France désireuse de peser dans un pays historiquement sous influence britannique.

Une implantation stratégique
Située à 225 kilomètres de l'Iran, à proximité du détroit d'Ormuz où transite une part importante du commerce mondial du pétrole, la base militaire française bénéficie d'une position stratégique qui lui permettrait d'intervenir en cas de blocage du détroit par les Iraniens. Dans un entretien accordé au journal 20 Minutes le 26 mai 2009, le géopolitologue Jean-Pierre Maulny, expert à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), estimait que cette nouvelle implantation militaire française dans un pays du Golfe confirmait la stratégie de prépositionnement française de ses forces militaires. « C'est coûteux, mais cela permet d'être plus rapidement disponible en cas de besoin », a-t-il dit. « C'est une vitrine pour les matériels français aux Émirats, mais aussi dans le monde entier, ajoutait Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne et directeur de recherche à l'IRIS. En étant présente dans l'océan Indien, la marine française s'expose à toutes les autres forces navales présentes dans ce secteur. » Bien que peu probable, l'accord prévoit que « la France s'engage à utiliser tous les moyens militaires dont elle dispose pour défendre les Émirats arabes unis s'ils viennent à être agressés ». Comprendre, en cas d'agression iranienne. En théorie donc, cette coopération militaire est gage de sécurité pour les EAU, car elle lie leur destin à celui de la France dans le cas d'une offensive iranienne, autant qu'elle permet de limiter leur dépendance vis-à-vis des Américains, également présents militairement dans le pays.

Pour la France, « c'est un point d'appui stratégique pour les opérations dans la région : en Libye (appui aérien), l'opération Chammal (en Irak et en Syrie), au Yémen et pour la projection de force vers la zone du golfe Arabo-Persique et le nord de l'océan Indien. Cette coopération militaire fait des Émirats arabes unis un allié arabe important au sein de la coalition contre Daech », affirme à L'Orient-Le Jour le chargé de presse du chef d'état-major des armées. De plus, « cela permet d'entretenir des relations de partenariat équilibrées avec des pays en plein essor économique ». Le choix des Émirats arabes unis comme lieu d'implantation de ses troupes par la France était également financier, car réalisé dans un contexte de crise économique induisant des coupes budgétaires importantes. En effet, le coût financier d'une telle présence militaire interarmées s'élève à un peu plus de 75 millions d'euros par an, dont 20 millions d'euros de coût de fonctionnement, financés par les autorités émiraties.

À cela, il faut ajouter les liens économiques importants entre les deux pays. Dans un rapport en date du 7 décembre 2016, Nathalie Goulet, vice-présidente de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, rappelait que « les Émirats arabes unis sont le deuxième partenaire de la France dans le Golfe, après l'Arabie saoudite, (...). Six cents sociétés françaises y sont implantées, dont plus de 75 % des entreprises du CAC 40 ».

Il n'en demeure pas moins que les exportations françaises baissent aux Émirats : de 6,3 % en 2015 et de 5,9 % en 2016. Dans le domaine de l'armement, la fédération ne représente désormais plus que 31,7 % des ventes françaises d'armement dans la région. Toutefois, « les Émirats arabes unis restent un des principaux clients de l'industrie de défense française avec 1,875 milliard d'euros de commandes de 2012 à 2016 », rappelle la cellule relation presse de l'état-major des armées. Cette baisse s'explique en partie par le blocage des négociations pour la vente des avions français Rafale. Entamées de longue date, les négociations autour de l'acquisition des appareils de Dassault Aviation, dont les premières exportations lorsque Le Drian était ministre de la Défense ont longtemps été repoussées. Pris dans un contexte économique compliqué, avec un prix faible du baril de pétrole, les Émirats arabes unis pourraient toutefois acquérir 60 Rafale à l'orée de 2018.

La visite du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à Abou Dhabi, le 17 juillet, illustre la tentative de l'État français de jouer un rôle de facilitateur dans la crise du Golfe qui secoue actuellement la région, entre le Qatar d'une part, et l'Arabie saoudite et ses alliées d'autre part. Ce n'est pas la première fois que le ministre se rend aux Émirats arabes...

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