Faut-il s'attendre à une escalade des tensions entre druzes et musulmans en Israël ? C'est ce que craint l'État hébreu.
Il y a une semaine, trois Arabes israéliens perpétraient, aux abords de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, une attaque qui a causé la mort de deux policiers israéliens de confession druze. Les assaillants ont été abattus.
Trois jours plus tard, deux mosquées ont été visées par des attaques dans la localité de Mughar dans le nord du pays, où druzes et musulmans vivent côte à côte et d'où était originaire l'un des policiers tués.
Les récents événements ont ravivé les braises des tensions qui couvent sous les cendres entre les communautés, alors que la colère gronde de plus en plus du côté des musulmans qui protestent notamment contre les dispositifs de sécurité mis en place autour de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem. Les affrontements entre les forces de l'ordre israéliennes et les fidèles musulmans autour de ce lieu saint et dans le reste du pays se multiplient. Les répercussions se font sentir sur la relation entre les communautés druze et musulmane, déjà tendue. Et pour cause, elles entretiennent des rapports bien différents avec Israël.
(Pour mémoire : Dans le Golan occupé, la lente disparition des chrétiens)
« Pacte de sang »
La communauté druze a toujours été historiquement proche de l'État hébreu, envers lequel elle affiche une loyauté sans faille. La perception des membres de la communauté du projet sioniste se distingue de celle des Arabes chrétiens et musulmans. Dès la création de l'État d'Israël en 1948, les druzes se rapprochent des mouvements sionistes, face à la montée des nationalismes arabes. « Ils ne manifestent pas la volonté de créer leur propre État et restent fidèles au pays auquel ils appartiennent », explique Alhadji-Bouba Nouhou, professeur à l'Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 et spécialiste du conflit israélo-arabe. « Dans le contexte de la guerre opposant Palestiniens (musulmans ou chrétiens) et Israéliens, les druzes ont été perçus comme une communauté à part », ajoute-t-il.
Depuis 1963, druzes et Israéliens sont notamment liés par le « Pacte de sang ». En échange du sang qu'ils ont versé pour Israël, les druzes obtiennent la reconnaissance d'une « autonomie communautaire » aux niveaux judiciaire et religieux. Représentant 2 % de la population de l'État hébreu (soit 120 000 habitants, notamment en Galilée), les druzes ne sont considérés ni juifs ni Arabes israéliens. N'étant plus sur la liste des minorités depuis les années soixante, « cela renforce la conscience identitaire druze, consolidée par leur conscription dans l'armée », observe Alhadji-Bouba Nouhou, et les distingue des autres communautés présentes en Israël.
Les druzes sont les seuls non-juifs israéliens soumis à l'obligation d'effectuer leur service militaire au sein de l'armée, et ce depuis 1956. Depuis 2015 et suite à une consultation des membres de la communauté, les jeunes druzes opèrent désormais aux côtés d'autres militaires juifs israéliens et non plus dans une unité à part. « Ils sont d'ailleurs, proportionnellement à leur population, plus importants à s'engager que les juifs », note le spécialiste. Par ailleurs, ils disposent également de quatre sièges à la Knesset, le Parlement israélien.
« Cristallisation des rancœurs »
Pour les Arabes israéliens, la situation est bien différente. Ayant le sentiment d'être des citoyens de seconde zone, ils font quotidiennement face à des discriminations à plusieurs niveaux : social, économique et juridique. Au vu du bagage historique et de leurs statuts distincts au sein de l'État hébreu, « druzes et musulmans ont toujours entretenu des relations tumultueuses », précise M. Nouhou. L'attaque contre des mosquées à Mughar est un énième rappel que le risque d'une escalade ne peut être exclu, malgré les tentatives des autorités palestiniennes et israéliennes de calmer le jeu. « Les druzes cherchent à se venger, notamment sur les mosquées, au risque non seulement de confessionnaliser les tensions, mais aussi de créer un conflit "interarabe" », affirme M. Nouhou. « Cela reflète la cristallisation des rancœurs » entre les communautés, ajoute-t-il. La méfiance grandit entre les communautés au risque « d'affecter la stabilité d'Israël qui, rappelons-le, est composé d'une mosaïque de populations », insiste-t-il.
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Voilà qui mériterait plus d'explication....
11 h 10, le 22 juillet 2017