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Nos Lecteurs ont la Parole - Nabil MALLAT

La culture de l’artificiel

Le voilà, sans doute, le mal extrême qui menace le Liban.
La culture de l'artificiel.
Des lois sans lendemain promettant des gloires jamais réalisées, des politiciens bien en costume soucieux d'eux-mêmes, des citoyens perdant progressivement leurs plus simples droits, une économie artificiellement stable, des salons empestant les proverbes, les clichés, les rumeurs et la malice de ceux et de celles qui savent « se débrouiller », un milieu culturel mais sans culture véritable, le tout couronné par des arguments confessionnels, des prétextes en fait, avancés par quelques hommes dont toute l'existence a de tout temps été fondée sur l'exploitation de la richesse nationale qu'est le pluralisme confessionnel.
Cassandre aurait prédit que cela ne mènerait nulle part.
La vérité, triste il est sûr, la voici :
Le Liban perd lentement sa raison d'être. Les Libanais se consolent en répétant : « Ça reste mieux qu'en Syrie ! » Notre succès est désormais limité à cela : se comparer, avec un brin de fierté honteuse, aux pays gravement en guerre.
Comment en est-on arrivés là ? se demandent certains.
Puisque la question est fausse, ses réponses sont futiles.
En fait, et la bonne question la voilà : "Comment ne pas en arriver là ?"
L'idéal de l'acquis facile est la cause de maux sans nombre. Et la gravité de la situation est telle que cet idéal crée une paresse nationale néfaste, pas toutes les paresses l'étant nécessairement, un type de paresse amenant toutes et tous au ponctuel, c'est-à-dire à des interventions ciblées précipitées par une quelconque urgence pour réchapper à telle ou à telle autre situation, le tout, bien entendu, sans aucun plan cohérent, sérieux et transparent.
Et là, un travail quantifié en quintaux d'heures très médiatisées, passées sur un dossier quelconque, crée l'illusion qu'une action est effectivement en cours, alors qu'il n'en est rien.
La précision, l'assiduité, le travail, tout cela n'est rien tant que l'objectif est flou.
Car tout est dans l'objectif, et les Libanais, toutes classes confondues, n'en ont plus, comme si le Liban est devenu une plate-forme pour, encore une fois, « se débrouiller », accomplir un quelconque « deal », et puis disparaître.
Tout cela est trop artificiel, trop culturel, trop vulgaire, pour séduire.
En un mot, le Liban et les Libanais ne sont pas sur la bonne voie.
Les médias qui dénichent des scandales sans jamais pointer les coupables du doigt, ce qui veut dire qu'eux aussi négocient des « deals » avec eux, les combines dévoilées dans les coulisses ou dans les salons, c'est de l'agitation, et l'agitation, faute d'être l'action, n'est que la réaction dissimulée.
Prenez les trente dernières années, pensez un instant et osez croire que les droits sociaux se sont affirmés, que la position financière et économique du Liban s'est renforcée, que la réalité politique s'est améliorée, qu'enfin, la culture, en dépit de toutes ces manifestations culturelles plus mondaines qu'artistiques, vit de belles heures. Si vous osez vraiment le croire, c'est qu'ils ont réussi leur tour de magie noire, celui de vous convaincre que le pays est sur la bonne voie.
Dans trente ans, ce sera encore pire, à moins d'un miracle, comprenez une quelconque opportunité étrangère par-ci ou par-là. Notre drame national. Compter sur les autres et jamais sur soi, alors que l'avenir d'une nation se lit uniquement dans la somme des courages très privés et personnels de chacun de ses citoyens.
En attendant le pire ou le miracle, il ne nous reste plus qu'à nous plaindre, vraie richesse nationale encore exclusive dans la région.
Mais la genèse de la liberté, ne l'oublions surtout pas, c'est, avant tout, cela : le pouvoir de se plaindre.

Prix France-Liban 2013

Le voilà, sans doute, le mal extrême qui menace le Liban.La culture de l'artificiel.Des lois sans lendemain promettant des gloires jamais réalisées, des politiciens bien en costume soucieux d'eux-mêmes, des citoyens perdant progressivement leurs plus simples droits, une économie artificiellement stable, des salons empestant les proverbes, les clichés, les rumeurs et la malice de ceux et de...

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