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Moyen Orient et Monde - Repère

Accord sur le nucléaire iranien : où en est-on ?

Photo Joe Klamar/AFP/Getty Images

L'accord sur le programme nucléaire iranien a déjà deux ans. Conclu et signé le 14 juillet 2015 à Vienne par l'Iran et les pays du 5+1 (États-Unis, Chine, France, Russie, Royaume-Uni et Allemagne), ce plan d'action conjoint (PAC) est le fruit de douze ans de tractations intenses et délicates. Destiné à encadrer les activités nucléaires de la République islamique, en contrepartie d'une levée progressive du régime de sanctions qui la visent, il n'est réellement entré en vigueur que le 16 janvier 2016.

Dans les grandes lignes, le PAC doit servir à limiter l'enrichissement et la production de matières telles que l'uranium et le plutonium, qui aideraient dans la fabrication d'une arme atomique. Des inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), intrusives ou non, dans les installations nucléaires iraniennes seront imposées pendant 20 à 25 ans, en échange de quoi les sanctions qui visent le pays seront progressivement levées.

Si l'accord, historique, a été salué par une grande partie de la communauté internationale, ses détracteurs n'ont eu de cesse de le dénoncer. Pendant sa campagne présidentielle, en 2016, Donald Trump l'a qualifié de « pire accord » jamais conclu par les États-Unis, et a même juré de le « déchirer ». Son administration a néanmoins décidé de prolonger l'allègement des sanctions prévu par l'accord signé par son prédécesseur Barack Obama, parallèlement à l'annonce de nouvelles sanctions ciblant le programme balistique de l'Iran.

Pourquoi ce revirement ? De l'avis général, et selon les rapports trimestriels de l'AIEA publiés depuis l'accord de 2015, il semblerait que l'Iran respecte bel et bien ses engagements. Le dernier rapport en date, publié le 2 juin 2017, affirme entre autres que la République islamique n'a ni stock d'uranium enrichi au-delà des limites établies par l'accord, soit 300 kilos, ni de stock d'eau lourde (utilisée dans la plupart des réacteurs nucléaires). Le cœur du réacteur de la centrale d'Arak a également été enlevé, pour être remplacé par du ciment, et les deux tiers des centrifugeuses iraniennes ont été démantelées.

Toujours dans le respect du plan d'action conjoint, l'Iran et l'Union européenne ont lancé le 12 juillet 2017 leur premier projet commun visant à renforcer leur coopération en matière de sécurité nucléaire. Lors d'une réunion mercredi à Téhéran, la délégation de l'UE, dirigée par Oliver Luyckx, le directeur de l'unité de sécurité nucléaire de l'UE, et le camp iranien dirigé par Hojjatollah Salehi, directeur du centre iranien de sûreté nucléaire, ont annoncé officiellement le début du projet, qui devrait coûter 2,5 millions d'euros et durer trois ans et demi.

 

(Lire aussi : Deux ans après, les ailes de Téhéran au M-O sont encore intactes)

 

Accusations
Un processus tel que le PAC, long et coûteux, ne peut se dérouler sans accrocs. À deux reprises, l'Iran a très légèrement dépassé la limite de production d'eau lourde établie par l'accord de juillet 2015 : en novembre 2015 et en novembre 2016. Ces excès, d'une fraction de tonne à chaque fois, ont servi d'argument aux détracteurs de l'accord, comme nombre de Républicains, qui ont aussitôt crié à la violation de l'accord de Vienne. De nombreux experts ont toutefois très vite assuré que ces excès ne constituaient pas de violations majeures et ne permettaient aucunement à l'Iran – qui a aussitôt abaissé les taux en dessous de la limite permise par l'accord – de se doter d'une arme atomique, ni de près ni de loin.

Mais il y aurait plus grave. Selon des rapports récents de l'agence des services fédéraux des renseignements de Hambourg (FDIA), l'Iran recherche toujours une technologie nucléaire illicite et tenterait de se procurer du matériel, comme des vannes spécialisées qui peuvent être utilisées dans le réacteur à eau lourde d'Arak. Un autre rapport de renseignement de l'État du Bade-Wurtemberg décrit l'utilisation par l'Iran d'entreprises étrangères d'import-export pour obtenir des équipements pouvant être utilisés pour des activités nucléaires illicites. Le rapport documente notamment une tentative d'une entreprise chinoise d'export-import pour acheter localement des « machines complexes de production de métaux » qui devraient être illégalement détournées vers la République islamique.

En attendant d'éventuelles preuves supplémentaires sur de telles accusations, l'accord de Vienne fait face à de nombreux défis. Avec le début de l'ère Trump est venu le temps des incertitudes. Malgré le prolongement de l'allègement des sanctions, l'animosité du président américain à l'encontre de la République islamique, qu'il considère comme le principal danger au Moyen-Orient, représente certainement une menace pour le PAC. « L'administration Trump et le Congrès américain font leur possible pour défaire l'accord en multipliant les sanctions, sous prétexte de terrorisme, de droits de l'homme et de la situation régionale », affirme à L'Orient-Le Jour Hossein Mousavian, chercheur à l'Université de Princeton, ancien officiel et diplomate iranien. « Non seulement l'Iran, mais également l'UE, la Russie, la Chine et la majorité de la communauté internationale dénoncent les tentatives américaines de saper le deal. Seuls Israël, l'Arabie saoudite, les EAU et Bahreïn soutiennent Trump et sa politique anti-iranienne », ajoute le spécialiste.

Mais les appels se multiplient pour préserver l'accord, y compris aux États-Unis, et l'administration Trump ne représente pas, pour l'instant en tout cas, un danger immédiat. Selon des responsables américains haut placés, hier, le secrétaire d'État Rex Tillerson devrait, en début de semaine prochaine, certifier au Congrès la conformité de l'Iran à l'accord pour la seconde fois depuis janvier, comme il doit le faire chaque 90 jours, délai qui arrive à échéance lundi.

 

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