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Liban - En toute liberté

Inquiétudes pour le vivre-ensemble au congrès de Louaïzé

L'intention était louable : faire écho à la déclaration de l'institut al-Azhar et à l'entrée dans le vocabulaire de la pensée politique musulmane des notions de « citoyenneté », pour se substituer au binôme majorité-minorité, et d'État « de nature civile ». Mais au-delà de ces notions, on lit entre les lignes de la déclaration de Louaïzé une inquiétude diffuse pour le vivre-ensemble au Liban et la place du religieux dans l'édifice national. Tout se passe comme si, sous le discours explicite, les auteurs de la déclaration de Louaïzé avaient cherché à exprimer aussi autre chose.

En effet, le document met en garde en termes généraux contre « la montée de l'irrédentisme et de l'extrémisme », et y ajoute le « repli identitaire ». Cette mise en garde est générale et, chose nouvelle, semble s'adresser aussi bien aux musulmans qu'aux chrétiens.

Sur le plan purement méthodologique, cette inquiétude pour le vivre-ensemble se justifie par le fait que la déclaration de Louaïzé, endossée par toutes les communautés, n'est pas le fruit d'une réflexion collective réelle, mais un texte réunissant un ensemble de points sur lesquels ses rédacteurs savent qu'un consensus préalable a été atteint. Le congrès n'étant là, semble-t-il, que pour les rendre publics.

Toute fondée et courante que soit cette méthodologie, elle fait l'économie des contacts personnels réels qu'une réflexion collective suppose et des relations humaines qui doivent être le support sur certaines idées forces. Pourtant, ces relations humaines sont le corpus même de ce vivre-ensemble que l'on veut défendre et promouvoir comme valeur différenciée du Liban. On a voulu faire vite, vraisemblablement, mais cela s'est fait au détriment des relations personnelles nécessaires pour que le vivre-ensemble ait consistance et ne soit pas qu'une belle idée.

Les interventions qui ont marqué le congrès confirmeront l'existence d'appréhensions réelles pour le vivre-ensemble et la place du religieux dans l'espace public. Ainsi, le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, s'est interrogé : « Sommes-nous dans le vivre-ensemble ou dans la cohabitation (moussakana) ? » Il faut réagir à cette dérive, pense-t-il, allant même jusqu'à aspirer à un retour à la conscience de l'unité qui prévalait avant 1975. Le dignitaire sunnite souligne implicitement la nécessité d'un congrès national où la mémoire de la guerre serait convoquée pour une leçon d'histoire.

Avec le président du Conseil supérieur chiite, Ahmad Kabalan, le ton est presque personnaliste. « Un juste, fût-il infidèle (incroyant), vaut mieux qu'un oppresseur, fût-il musulman », lance-t-il. Pour lui, le critère de jugement social ou même national, ce sont les valeurs et non les croyances, non la foi nominale.

Le cheikh Akl druze, Naïm Hassan, parlera de la nécessité de « la rencontre » des personnes, de la conciliation entre tradition et modernité et de l'importance de l'éducation comme facteur d'intégration nationale, contre l'éclatement provoqué par les idéologies ou les intérêts, avec un manuel scolaire comme ciment d'unité.

Le responsable de la communauté alaouite, Mohammad Asfour, se fera quant à lui l'écho d'une inquiétude commune aux musulmans. Sa pensée se résume en substance dans la question suivante : « Quel système de valeurs et quelle idéologie vont remplacer la religion que l'on dénonce comme source de violence ? La philosophie matérialiste, celle du relativisme triomphant ? »

L'État-butin
Introduisant un panel de cinq universitaires, trois musulmans et deux chrétiens, le modérateur de la conférence de Louaïzé, Tarek Mitri, soulignera que « le discours sur la citoyenneté est rendu nécessaire (au Liban) en raison de la montée des solidarités communautaires et tribales ». Une montée qui a transformé l'État libanais en « État-butin » plutôt qu'en État de droit.

Rabab Sadr ira encore plus loin et parlera des « marchands du Temple », une expression empruntée à l'Évangile, dénonçant ceux qui tirent un profit commercial – et par extension, des profits en tous genres – des croyances religieuses.

Aussi bien Radwan Sayyed que Abbas Halabi poseront la question fondamentale de la confiance que l'on peut désormais placer dans la religion, à la lumière du surgissement de l'interprétation extrémiste du texte coranique, dont la violence a pris par surprise les musulmans eux-mêmes. Pour eux, cette question, qui relève de l'herméneutique, est fondamentale et l'instrumentalisation de la religion « met en danger » la notion même de Dieu.

Antoine Courban, pour sa part, parlera du vivre-ensemble comme d'un « pacte social » menacé par la corruption et par la lutte pour la répartition communautaire des hautes et moins hautes charges de l'État.

Le mot de la fin pourrait revenir à Antoine Messarra qui a lancé aux musulmans le défi d'une hiérarchie des valeurs dans l'islam ; une hiérarchisation qui mettrait à la fine pointe de cette foi religieuse la miséricorde (rahmé), à laquelle toutes les autres seraient subordonnées, et qui en éteindrait toutes les dérives et interprétations violentes. Livrées rapidement faute de temps, ces réflexions, apprend-on, feront l'objet d'un approfondissement dans une étape ultérieure.

L'intention était louable : faire écho à la déclaration de l'institut al-Azhar et à l'entrée dans le vocabulaire de la pensée politique musulmane des notions de « citoyenneté », pour se substituer au binôme majorité-minorité, et d'État « de nature civile ». Mais au-delà de ces notions, on lit entre les lignes de la déclaration de Louaïzé une inquiétude diffuse pour le...

commentaires (2)

tout ca est tres tres beau. les participants louables pour leurs efforts -en depit de quelques sorties obscures, ou pas claires. mais tout ca restera insuffisant puisque ne touchant aucunement les vrais acteurs sur la scene libanaise. je propose que tous ceux la - je nomme les chefs spirituels , les deputes, ministres,les 3 presidents ( passes et actuels) , les chefs de partis , les hommes de l'ombre , TOUS , maronites, sunnites, chiites, druzes, alaouites ,les autres rites chretiens ( si cela ferait plaisir) TOUS DONC , sous peine de poursuite judiciaire ,JURER NE PLUS JAMAIS suivre un pays autre que le Liban, ne plus jamais faire leurs jeux , leurs ideologies , leurs argent ou autre motivation / pretexte. alors la peut etre, seulement peut etre nous arriverions aux buts recherches par nos nobles penseurs.

Gaby SIOUFI

10 h 17, le 08 juillet 2017

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Commentaires (2)

  • tout ca est tres tres beau. les participants louables pour leurs efforts -en depit de quelques sorties obscures, ou pas claires. mais tout ca restera insuffisant puisque ne touchant aucunement les vrais acteurs sur la scene libanaise. je propose que tous ceux la - je nomme les chefs spirituels , les deputes, ministres,les 3 presidents ( passes et actuels) , les chefs de partis , les hommes de l'ombre , TOUS , maronites, sunnites, chiites, druzes, alaouites ,les autres rites chretiens ( si cela ferait plaisir) TOUS DONC , sous peine de poursuite judiciaire ,JURER NE PLUS JAMAIS suivre un pays autre que le Liban, ne plus jamais faire leurs jeux , leurs ideologies , leurs argent ou autre motivation / pretexte. alors la peut etre, seulement peut etre nous arriverions aux buts recherches par nos nobles penseurs.

    Gaby SIOUFI

    10 h 17, le 08 juillet 2017

  • ON EST EN PLEINE COHABITATION CONSENSUELLE... CE QUI VAUT AUJOURD,HUI NE VAUDRAIT PEUT-ETRE PAS DEMAIN... JUSQU,A CE QUE LE VRAI SENTIMENT DE L,APPARTENANCE NATIONALE TROUVE SA PLACE DANS LES COEURS... CHOSE MALHEUREUSEMENT ENCORE IMPROBABLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 11, le 08 juillet 2017

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