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Liban - Affaire Georges Rif

Affaire Georges Rif : l’avocat de la défense s’absente une nouvelle fois

« Pourquoi, deux ans après la mort de mon mari, le jugement n'a-t-il pas encore été rendu ? » interroge la veuve de la victime.

Le crime filmé par les caméras de surveillance, à Gemmayzé. Archives « L’Orient-Le Jour »

Le cours du procès de Tarek Yatim, qui avait, le 16 juillet 2015, poignardé à mort Georges Rif dans une impasse de Gemmayzé, pour une priorité de passage, a encore été entravé hier. Continuant à protester contre ce qu'il a décrit comme une interférence du ministre de la Justice, Salim Jreissati, dans le pouvoir judiciaire, l'avocat de l'accusé, Antoine Toubia, qui s'était retiré de l'audience le 13 juin, s'est également absenté hier, poussant la Cour criminelle à reporter la séance une seconde fois. Celle-ci a été fixée au 11 juillet.

En mai dernier, la famille de Georges Rif s'était rendue auprès de M. Jreissati, l'exhortant à intercéder pour faire cesser ce qu'elle avait décrit comme des « atermoiements ». Ce dernier avait alors pris contact au téléphone avec le président de la cour pour s'enquérir de la marche du procès. La scène avait été filmée par une télévision locale.

Devant la cour, formée de son président, Hani Hajjar, de deux assesseurs, Roula Abdallah et Imad Saïd, et de la magistrate du parquet, Céline Kanaan, l'avocat de la victime, Ziad Bitar, a fait valoir hier que l'abstention de son confrère équivaut à un refus de plaider. Se basant sur ce grief, Me Bitar a réclamé la poursuite du procès, affirmant que le ministre de la Justice était juste intervenu pour accélérer son cours, face aux lenteurs dont il était grevé.

La procureure générale a réagi à l'absence de M. Toubia en réclamant à la cour d'adresser une demande écrite à l'ordre des avocats pour que soit désigné un autre avocat pour défendre le prévenu.

 

(Pour mémoire : Pour protester contre l’intervention de Jreissati, l’avocat de la défense se retire)

 

Joint par L'Orient-Le Jour, M. Bitar affirme qu'« il y a quelques jours, le parquet avait fait une première demande à l'ordre des avocats, mais que celle-ci était restée sans réponse ». Il estime que « la cour a reporté l'audience pour la dernière fois ». À la question de savoir ce qui doit se passer si le 11 juillet l'ordre n'a pas désigné un nouvel avocat, M. Bitar indique que selon le code de procédure pénale, le juge aura le pouvoir de le faire lui-même.

« Si le droit à la défense est un droit légitime, il ne peut être arbitraire. Le refus de M. Toubia de plaider est illégal puisqu'il est intervenu au stade des plaidoiries, voire après la plaidoirie du parquet et de la mienne », avance-t-il.

Concernant l'amie de Tarek Yatim, Lina Haïdar, également mise en cause dans l'affaire, mais libérée sous caution d'élection de domicile, l'Agence nationale d'information (ANI) a indiqué qu'elle a comparu hier.
Contactée par L'Orient-Le Jour, Roula, la veuve de Georges Rif, fait valoir, au contraire, que Mme Haïdar ne s'est pas présentée à la barre. S'insurgeant au passage contre la chambre d'accusation qui, selon elle, « l'avait reconnue coupable seulement d'avoir hébergé le présumé meurtrier, réduisant sa charge à un délit, alors qu'en réalité, elle a été l'instigatrice du meurtre », Mme Rif affirme que la prévenue « a failli à son devoir de comparaître, et doit donc faire l'objet d'un mandat d'arrêt ». « Mais les ingérences politiques sont telles que tout est permis », se lamente-t-elle, se demandant par ailleurs « pourquoi, deux ans après la mort de mon mari, le jugement n'a-t-il pas encore été rendu » ? « Le nouveau président de la cour, Hani Hajjar, qui a succédé en mars à Hélène Iskandar, connaît très bien le dossier puisqu'il était l'assesseur de cette dernière. Pourquoi donc ce retard du verdict si ce n'est à cause d'interférences ? » s'interroge-t-elle, ajoutant que « toutes les données sont pourtant là, les caméras ayant filmé pendant des minutes entières l'attaque au couteau contre mon mari ».

 

(Pour mémoire : L’assassin de Georges Rif était « en pleine possession de ses moyens »)

 

Une cigarette à l'accusé
« Ils tuent Georges une seconde fois », accuse encore Mme Rif, indiquant qu'hier, le dossier de son époux était tout en bas de la pile des dossiers. « Vers 13h30, avant de se pencher enfin sur l'affaire, les membres de la cour se sont même retirés pour se concerter, ce qui a permis à un élément des Forces de sécurité intérieure, en charge de la surveillance de l'accusé, de lui... offrir une cigarette, en pleine salle d'audience, et de plaisanter avec lui en jetant des regards provocateurs aux journalistes ! » affirme-t-elle, interloquée. Et de poursuivre : « Ce même agent a interpellé un journaliste de l'ANI pour lui jeter à la figure que dans le cas où son écrit serait en défaveur de Tarek Yatim, il n'aura qu'à s'en prendre à lui-même. »

« Voilà où on en est dans un pays où règne le chaos », ajoute-t-elle. « Au-delà de ma blessure à vie, il s'agit urgemment de mettre un terme à l'anarchie des armes et aux comportements meurtriers de fiers-à-bras, à l'encontre desquels il faut appliquer les sanctions les plus sévères », lance-t-elle.

Quant au ministre de la Justice, Salim Jreissati, joint par L'OLJ, il affirme qu'il continuera à intervenir « à chaque fois que la justice est mal administrée ». « Un meurtre comme celui de Georges Rif me tient à cœur parce qu'il heurte l'opinion publique et touche à la sécurité publique », dit-il avant de conclure que le service de l'Inspection judiciaire est sous son égide et qu'il a donc le droit de traduire devant cette instance les magistrats qui manquent à leur devoir.

 

 

Pour mémoire

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DU TOUJOURS IL EN A ETE AINSI !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 01, le 05 juillet 2017

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Commentaires (2)

  • DU TOUJOURS IL EN A ETE AINSI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 01, le 05 juillet 2017

  • Très bien dit, Mr Jreissati, et puis après? Un crime aussi abject, un lynchage filmé en détails, et 2 ans plus tard, on tergiverse, et aucun verdict... Que veut prouver La Défense? Que le film du crime est un montage, que les témoins oculaires sont des menteurs, que le criminel est un malade mental? On vous reproche d'intervenir pour accélérer le cours de la justice? Et puis alors, ou est le mal? Ces crimes tiennent aux cœurs de tous les Libanais aussi. Un verdict exemplaire est nécessaire, mais croyez-vous qu'il le sera dans notre jungle politique à la mentalité tribale et féodale? Permettez d'en douter!

    Saliba Nouhad

    15 h 12, le 05 juillet 2017

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