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Liban - Conférence-signature

L’inclusion des personnes handicapées, un long chemin semé d’embûches

La loi 220/2000 pour l'inclusion de la personne handicapée dans le monde professionnel existe bel et bien. Mais les décrets d'application n'ont jamais été mis en place.

Les intervenants, Nayla Karroum, Sami Richa, Anne-Marie el-Hage (modératrice), Roland Tamraz et Michèle Asmar. Photo DR

Quelle place pour les personnes en situation de handicap, à l'école, en milieu professionnel, dans la société libanaise ? Les choses ont nettement évolué depuis une bonne dizaine d'années, grâce notamment à l'engagement de la société civile. Mais tant de choses restent encore à faire, en l'absence de la moindre vision étatique sur la question. C'est ce qui ressort du débat intitulé « Handicap, famille et intégration », portant sur l'inclusion des personnes en situation de handicap. La conférence a eu lieu jeudi dernier, à l'Institut français de Beyrouth.

L'événement s'est déroulé en marge de la signature par le chef du service de psychiatrie à l'Hôtel-Dieu de France, le professeur associé Sami Richa, de son roman-fiction Trois dont un de plus, qui relate le parcours du père d'un enfant trisomique. Il a vu la participation de trois professionnels qui ont chacun relaté son expérience personnelle : Nayla Karroum, docteure en psychologie clinique et psychopathologue ; Roland Tamraz, fondateur et DG des ONG al-Zawrak et La Felouque, et de la Fondation Cemedipp ; et Michèle Asmar, directrice de l'Institut de santé publique à l'Université Saint-Joseph et fondatrice de l'association Include. Le débat s'est déroulé en présence du vice-recteur de l'USJ, le père Michel Scheuer, et de la consule générale de France, Cécile Longé, parmi de nombreuses personnalités des domaines médical, éducatif et psychologique.

 

(Lire aussi : Le club Include de l’USJ : pour une société réellement inclusive !)

 

Les enfants livrés à leur sort
Forte d'une expérience de 20 ans en milieu scolaire, la psychologue Nayla Karroum reconnaît les limites de l'école libanaise classique dans l'inclusion de l'enfant différent. Une expérience qu'elle résume « par des sentiments et des émotions ambivalents » vis-à-vis « de structures qui se mettent en place », et « d'autres qui prononcent leur dernier souffle ». Face à « l'impuissance gouvernementale », elle fait part de ce sentiment de voir le pays « emporté par des actions individuelles selon les convictions de chaque congrégation, qu'elle soit laïque ou religieuse ».

Dénonçant l'éducation actuelle, « pourrie par le marketing institutionnel », Mme Karroum constate amèrement que « les enfants à besoins particuliers sont laissés à leur sort », que « les parents ont perdu la boussole ». Quant aux enseignants, ils se retrouvent « complices », car ils assistent à « la fin des institutions d'inclusion », où « les élèves sont évalués selon leurs notes », où sont négligés leurs rythmes, leur évolution.

C'est en 1976 que Roland Tamraz commence son parcours avec les personnes ayant une déficience intellectuelle, après avoir rencontré Toto, un jeune adulte trisomique 21. « J'ai été profondément touché par Toto, par sa bonhomie, sa gentillesse, se souvient-il. Il souriait à tout le monde sans aucune barrière religieuse ou idéologique, nombreuses à cette époque. » Après des études au Canada, un passage de trois ans en foyer de vie avec des personnes déficientes intellectuelles à l'Arche de Jean Vanier, M. Tamraz rentre au Liban où il s'engage avec les communautés Foi et Lumière. Il fonde en 1985 les ONG al-Zawrak et La Felouque. « Ces réseaux de services en déficience intellectuelle travaillent à l'inclusion des personnes marginalisées dans la société dont les personnes avec un handicap mental (enfants et adultes) », explique-t-il. Partant de ce parcours de vie au service du handicap, Roland Tamraz déplore avec force « la non-application de la loi 220/2000 pour l'inclusion de la personne handicapée dans le monde professionnel ». Et pourtant, le quota requis de 3 % n'est pas élevé.

 

(Pour mémoire : L’Union des handicapés annonce « deux victoires » dans le domaine du travail)

 

Apprendre à vivre en société
C'est sa triple expérience que relate Michèle Asmar. Mère d'un enfant présentant un handicap, elle n'hésite pas à raconter sa bataille pour l'inclusion de son fils, à l'école, au sein de sa famille élargie, de la société. « La réponse ne vient qu'au moment où on accepte la situation. » Pourquoi l'inclusion d'un enfant différent est-elle si importante ? « Parce que le processus de socialisation se fait à l'école », dit-elle. Un enfant qui présente des difficultés d'apprentissage peut, certes, ne pas suivre le cursus classique d'apprentissage. « Mais du moins peut-il vivre avec ses camarades de classe, pratiquer le sport et le scoutisme avec eux. Afin d'apprendre à vivre en société. »

Cette mère a alors créé l'association Include, au sein de laquelle elle se bat pour promouvoir l'inclusion des enfants avec un handicap. « Nous avons équipé deux jardins publics inclusifs, nous procédons à la sensibilisation à l'inclusion d'écoles catholiques et des scouts et guides », précise-t-elle. Cette spécialiste universitaire en santé publique constate aussi la grande difficulté d'accéder à des données officielles sur la question. « La collaboration entre les ministères de la Santé et des Affaires sociales est inexistante. Leurs chiffres sont contradictoires et ne sont pas conformes avec ceux de l'Organisation mondiale de la santé », regrette-t-elle. C'est dire le travail qu'il reste à faire à l'échelle nationale. Le débat est ouvert. L'assistance s'interroge et commente. Elle propose même de s'engager dans la bataille pour l'inclusion des personnes avec un handicap.

 

 

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