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Économie - CCG

La TVA dans le Golfe menacée par la crise diplomatique ?

Doha pourrait chercher à retarder la mise en œuvre de cette réforme fiscale collective visant à accompagner les plans de diversification des revenus des pays du CCG.

Une réunion du Conseil de coopération du Golfe. Archives Reuters

La crise diplomatique sans précédent, qui a éclaté début juin entre l'Arabie saoudite et ses alliés – dont les Émirats arabes unis et Bahreïn – d'une part, et le Qatar d'autre part, pourrait remettre en cause la faisabilité d'une grande réforme fiscale collective des membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG).
Les monarchies pétrolières du Golfe, qui ont attiré pendant des décennies des millions d'étrangers encouragés par l'absence d'impôts sur le revenu, se préparent à introduire l'an prochain une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour combler leurs déficits budgétaires, suite à un accord signé en juin 2016 entre les six pays du CCG. Le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats devaient être les premiers à introduire la TVA début 2018, les trois autres membres du CCG (Bahreïn, Koweït et Oman) devant suivre ultérieurement.

 

Vers un report ?
Mais, si la crise se prolongeait, le Qatar continuerait à substituer ses importations d'Arabie saoudite et des Émirats, estimées à 4,55 milliards de dollars par an, en recourant à des fournisseurs hors CCG, souligne M. R. Raghu, vice-président du Kuwait Financial Center. « Appliquer la TVA dans un tel scénario entraînerait des pressions inflationnistes, notamment pour les produits alimentaires », ajoute-t-il. Selon lui, le Qatar pourrait « chercher à retarder la mise en œuvre de cette réforme fiscale, envisagée pour équilibrer toute hausse des prix des produits sur les marchés locaux ». Même si elle était reportée, la réforme fiscale collective ne devrait pas être totalement abandonnée car tous les gouvernements du CCG cherchent à augmenter leurs revenus, pronostique M. Raghu.

L'introduction d'une TVA est l'une des mesures prises par les monarchies du Golfe pour réduire leur dépendance vis-à-vis des recettes pétrolières et diversifier les revenus. Conformément aux demandes réitérées avec insistance ces dernières années par le Fonds monétaire international (FMI). « Il y va de leur viabilité budgétaire à l'avenir », souligne Jeanine Daou, responsable du département Impôt indirect à PwC Moyen-Orient, qui rappelle que « la TVA est un outil important permettant au gouvernement de générer plus de revenus ». Bien qu'il soit peu probable qu'une taxe de 5 % puisse freiner les pressions fiscales auxquelles sont confrontés les gouvernements du Golfe, « elle constitue un outil de sécurité durable pour l'avenir », ajoute Mme Daou.

Selon Monica Malik, économiste à l'Abu Dhabi Commercial Bank, l'introduction de la TVA dans les six pays du CCG devrait générer des revenus équivalant jusqu'à 1,5 % de leur PIB cumulé. « L'objectif n'est pas de mettre fin au déficit budgétaire (...), mais d'augmenter et de diversifier les recettes non pétrolières », explique-t-elle, soulignant que le pétrole et le gaz contribuent encore à hauteur de 50 % à 90 % des revenus publics de ces pays.

 

Moins d'attrait pour les expatriés ?
Mais abstraction faite des obstacles politiques, la TVA risque de réduire l'attrait du CCG pour les expatriés, selon Mme Malik, qui estime néanmoins que la région du Golfe restera l'une des zones « à faible imposition » dans le monde.

Pour Jeanine Daou, cette taxe sur la consommation ne devrait pas dissuader les hommes d'affaires d'investir dans la région. « Ce n'est pas une taxe sur les sociétés », rappelle-t-elle, ajoutant : « C'est une nouvelle obligation, mais elle ne restreindra pas les entreprises qui veulent investir dans la région. »
Au vieux souk de Dubaï, des commerçants semblent néanmoins réticents. Alors que le gouvernement émirati avait annoncé pour janvier la TVA, plusieurs commerçants disent qu'ils n'en avaient pas été informés. « Jusqu'à présent, le gouvernement ne nous a rien dit sur la taxe », se plaint Abdallah el-Marzouqi, ajoutant toutefois se plier aux règlements. Un grossiste en électroménager, Obaid Tahiri, dit redouter le coût de la TVA en raison de sa faible marge de bénéfice. « Dans le commerce de gros, notre profit n'atteint pas 5 % », a-t-il dit, ajoutant qu'il ne pouvait pas non plus répercuter la TVA sur ses clients.
Mme Malik prévient que les entreprises risqueraient de supporter une partie du fardeau. « Comme nous sommes dans un processus de réajustement et que la demande intérieure est assez faible, une partie de la TVA pourrait ne pas échoir au consommateur », dit-elle.

 

Pour mémoire

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