Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Analyse

Politique étrangère : y aura-t-il une doctrine Macron ?

S'il se revendique d'une tradition gaullo-mitterandienne, le nouveau président français est également inspiré, dans une certaine mesure, par le logiciel euro-atlantiste.

La chancelière allemande Angela Merkel recevant hier le nouveau président français à Berlin. Tobias Schwarz/AFP

C'est un novice en la matière. À l'instar de ses deux derniers prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Macron s'installe à l'Élysée sans avoir une grande expérience des relations internationales. Tout au long de la campagne présidentielle, le candidat d'En Marche ! s'est montré beaucoup plus à l'aise dans le décryptage des mécanismes économiques que lorsqu'il était appelé à prendre position sur les grands enjeux diplomatiques du moment. Mais la campagne est terminée. Et le président Macron a clairement démontré, dès son investiture, sa volonté de s'affirmer comme le chef des armées, d'assumer pleinement les fonctions régaliennes que la pratique de la Ve République accorde au locataire de l'Élysée : ce fameux « domaine réservé », dont il aura la charge durant ces cinq prochaines années, quels que soient les résultats des législatives.

S'il est beaucoup trop tôt pour parler de « doctrine Macron » en politique étrangère, et que son action dépendra essentiellement des crises qu'il aura à gérer, il est déjà possible de dégager quelques grands principes, qui reviennent en permanence dans ses discours, qui semblent structurer sa vision de la diplomatie française. « L'indépendance », « l'équilibre », « le réalisme » ou encore « la construction de la paix » : autant de formules, assez vagues, que le candidat aimait à employer lorsqu'il était interrogé sur le rôle de la France dans le monde ou sur les relations qu'elle doit entretenir avec la Russie, les États-Unis ou encore les puissances du Golfe. « Il y avait un besoin tactique de se démarquer du quinquennat de Hollande comme de celui de Sarkozy, de sortir de dix ans de Kouchnéro-BHLisme », décrypte une source informée, en référence à l'ancien ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et au philosophe Bernard-Henry Lévy, tous deux adeptes d'un droit d'ingérence au nom de la défense des droits de l'homme.

 

(Lire aussi : Mandat Hollande : à l’international, un bilan en demi-teinte)

 

Formules générales
« En diplomatie comme dans les affaires politiques, on doit avoir une morale de l'action », résumait en janvier dernier Emmanuel Macron dans une interview accordée à L'OLJ lors de son voyage au Liban. Autrement dit, avoir les moyens de défendre ses valeurs. Et ne prendre la « décision d'intervenir militairement qu'avec un objectif qui est celui de construire la paix », ajoutait le candidat, très inspiré en l'occurrence par le dernier livre de l'ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, Mémoire de paix en temps de guerre (Éditions Grasset 2016). « Il a en effet lu le livre avec beaucoup d'intérêt », confirme la source.

Le non français à l'intervention américaine en Irak a particulièrement impacté le nouveau président français qui se revendique fièrement d'une tradition gaullo-mitterrandienne, sans pour autant expliquer clairement ce que cela signifie dans le contexte du XXIe siècle. On touche là aux limites du « logiciel Villepin » et du discours qu'a tenu pour l'instant Emmanuel Macron : les grands principes sont louables, la dénonciation des excès interventionnistes sans doute nécessaire sur un plan tactique, mais cela ne permet pas de définir des options opérationnelles pour régler les différentes crises que le Quai d'Orsay doit gérer. « Dire qu'il faut parler à tout le monde est une évidence. Mais il faut le faire en fonction des torts et des capacités de chacun », analyse la source.

Le meilleur exemple ? La crise syrienne. Si Emmanuel Macron a dénoncé sans ambiguïté les crimes commis par le régime syrien, il s'est pour l'instant contenté de formules générales, tel que « la France doit trouver une solution politique avec et pour toutes les parties en Syrie », pour exprimer son positionnement sur la question. Avec toujours le même souci de paraître en rupture avec le quinquennat précédent sans donner l'impression d'une position d'accommodement vis-à-vis du régime syrien.
« Sur ces questions, il a volontairement cherché à ne pas sortir de l'ambiguïté », décrypte la source informée.

 

(Lire aussi : Emmanuel Macron, le premier jour du reste de sa vie)

 

« Et en même temps »
Le contact avec le réel devrait l'amener à préciser son positionnement, quitte à sortir de cette catégorisation gaullo-mitterrandienne, un peu artificielle, dans laquelle il souhaite se placer. Partisan d'une Europe forte, ne remettant pas en cause la place de la France au sein de l'OTAN, Emmanuel Macron appartient également, dans une certaine mesure, à une certaine tradition euro-atlantiste. Au côté de la chancelière Angela Merkel, il a répété hier son souhait de « refonder l'Europe », quitte à changer les traités, les deux dirigeants démontrant un volontarisme et une union extrêmement symbolique au lendemain de la passation des pouvoirs à l'Élysée.

La refondation de l'Europe devrait clairement être le grand projet diplomatique de ce quinquennat, notamment la naissance d'une Europe de la défense, alors que le chef du monde libre, Donald Trump, a tenu à plusieurs reprises des propos peu rassurants sur sa vision de l'alliance Atlantique. « Le débat sur l'Europe de la défense a été constamment évacué ces dix dernières années. Maintenant il faut le rouvrir », résume la source.

Cette capacité à faire la synthèse entre les deux grandes écoles de la diplomatie française, entre une vision de la France comme une puissance indépendante et médiatrice, et une autre comme une puissance libérale au sein d'une Europe forte, pourrait être le principal atout d'Emmanuel Macron sur la scène internationale. À condition de rendre lisible et opérationnel ce fameux « et en même temps » au cœur, pour l'instant, dans tous les domaines, de la doctrine Macron.

 

 

Lire aussi

Proche et Moyen-Orient : Macron vs Le Pen

Damas « espère » un changement de la politique française

C'est un novice en la matière. À l'instar de ses deux derniers prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Macron s'installe à l'Élysée sans avoir une grande expérience des relations internationales. Tout au long de la campagne présidentielle, le candidat d'En Marche ! s'est montré beaucoup plus à l'aise dans le décryptage des mécanismes économiques que lorsqu'il...

commentaires (3)

POLITIQUEMENT LE TYPE EST ENCORE UN IGNARE... IL VA ETRE HOLLANDIQUEMENT SUPERBEMENT TELEGUIDE... LUI ATTRIBUER DES DOCTINES PROPRES C,EST : QUE CHACUN DISE LE MOT LUI-MEME !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 54, le 16 mai 2017

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • POLITIQUEMENT LE TYPE EST ENCORE UN IGNARE... IL VA ETRE HOLLANDIQUEMENT SUPERBEMENT TELEGUIDE... LUI ATTRIBUER DES DOCTINES PROPRES C,EST : QUE CHACUN DISE LE MOT LUI-MEME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 54, le 16 mai 2017

  • mais bien sur, pourquoi pas ? doctrines Macron(quoique un peu tot non ? ) Obama, facile a faire publier , meme a faire marketer, mais a faire avaler ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 14, le 16 mai 2017

  • "le nouveau président (...)se revendique fièrement d'une tradition gaullo-mitterrandienne, sans pour autant expliquer clairement ce que cela signifie". En effet, il serait bien en peine de le faire! Mitterrand, peut-être, de Gaulle, certainement pas! La caractéristique de ce que l'on a appelé le "gaullisme", est "une certaine idée de la France". Or notre nouveau président, lui, n'en a pas la moindre. De Gaulle n'aurait certainement pas accusé la France de crimes contre l'humanité. Comme Marine le Pen, au contraire,il aurait estimé que la France réelle n'était pas responsable des rafles du Vel d'Hiv. De Gaulle ne se serait jamais non plus abaissé à parler anglais en Allemagne! "rendre lisible et opérationnel ce fameux « et en même temps » au cœur, pour l'instant, dans tous les domaines, de la doctrine Macron". En effet, le "en même temps" est bien au cœur du discours Macron. Pour ratisser des voix à droite et à gauche, durant toute sa campagne, il a dû dire à chacun ce qu'il souhaitait entendre, donc tout et son contraire. Maintenant, le voilà au pied du mur. Concilier des visions opposées n'est pas trop difficile en parole, il suffit de les relier par un "en même temps". En acte, c'est une autre paire de manches!

    Yves Prevost

    06 h 59, le 16 mai 2017

Retour en haut