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Moyen Orient et Monde - Polémique

De la représentation des femmes dans l’espace politique algérien

La controverse laisse poindre une certaine régression quant à une amélioration de la parité à l'Assemblée.

Des Algériens regardent des affiches électorales ayant en tête de liste des hommes, lors de la campagne pour les élections législatives, le 9 avril 2017 à Alger. Photo AFP

À défaut de susciter l'intérêt politique de la population algérienne, la campagne pour les élections législatives fait réagir du fait de la polémique qu'elle suscite. Depuis le 9 avril 2017, certaines affiches électorales placardées dans l'espace public ont attiré des regards interloqués. Des visages de femmes voilées ont été délibérément effacés, laissant place à un espace vide. Dans les médias algériens ont été évoqués la « pudeur » de ces « femmes fantômes », ainsi que le « respect pour la famille ». Des arguments étonnants pour des candidates destinées à représenter leurs électeurs à l'Assemblée populaire nationale.
La Haute Instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), chargée du bon déroulement du scrutin, a décidé d'intervenir tardivement, le 17 avril, en posant un ultimatum de 48 heures aux partis concernés par ces affiches électorales « à trous » pour les modifier. Le Front des forces socialistes (parti d'opposition) ou encore le Parti de l'équité et de la proclamation (parti islamiste) étaient notamment concernés dans certaines circonscriptions.

Paradoxalement, Abdelwahab Derbal, à la tête de la HIISE et qui se trouve être un proche du président Abdelaziz Bouteflika, a déclaré à la presse par la suite, le 20 avril, que « les partis sont libres de montrer ou pas les visages de leurs candidates » et que la HIISE « ne souhaite pas porter atteinte aux mœurs et traditions algériennes ». Ce double discours renforce le climat délétère de la polémique et témoigne visiblement d'un traitement différencié entre les candidat(e)s. « On peut déplorer que les autorités n'imposent pas les mêmes conditions à tous les candidats », souligne Feriel Lalami, sociologue et auteure d'ouvrages et d'articles sur la situation des femmes et l'action des mouvements de femmes au Maghreb.

Condamnant potentiellement ces femmes à faire de la figuration sur les listes, cette controverse porte atteinte à la loi augmentant les chances d'accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues, inscrite dans l'article 31 bis de la Constitution, depuis 2012. Numériquement, elle s'est traduite par une hausse de la représentation des femmes à l'Assemblée populaire nationale, de 7,7 % (30 députées) entre 2007 et 2012 à 31, 6 % (143 députées) entre 2012 et 2017. Il s'agit d'une simple « augmentation méthodique du nombre des femmes élues », souligne Belkacem Benzenine dans sa thèse « Les femmes algériennes au Parlement : la question des quotas à l'épreuve des réformes politiques », en 2013.

 

(Lire aussi : En Algérie, le pouvoir en quête de légitimité)

 

Un vent nouveau sur l'Assemblée
Pragmatique mais nécessaire en politique, la mise en place de quotas, critiquée car elle valoriserait une caractéristique et non pas une compétence, a indubitablement insufflé un léger vent de fraîcheur sur la sphère politique algérienne, dominée par les hommes. « Le fait d'entendre et de voir des femmes défendre leur parti, de circuler dans les différentes communes, a permis de prendre conscience de leurs capacités », analyse Feriel Lalami. La présence croissante des femmes sur les listes électorales semble admise mais les réticences persistent lorsqu'il s'agit de les placer en tête de liste. Le Front de libération nationale, auquel appartenait la majorité des députées en 2012 (42,66 %), présente une seule femme en tête de liste sur les 46 que le parti diffuse sur son site officiel. Le plafond de verre reste donc difficile à briser.

Si briller individuellement reste complexe pour les femmes, le collectif qu'elles forment désormais à l'Assemblée a permis de faire émerger des thématiques propres à la condition des femmes et de gagner des batailles, ce qu'une Assemblée composée uniquement d'hommes aurait probablement négligé. En décembre 2015, le soutien d'associations de défense des droits des femmes a été essentiel à l'adoption de la loi condamnant fermement les violences faites aux femmes. Rares restent les victoires comme celle-ci pour la société civile du fait que les député(e)s « font partie d'une institution qui n'est pas considérée comme l'émanation du peuple mais plutôt une chambre d'enregistrement des décisions gouvernementales », explique Feriel Lalami. Sur le manque de légitimité et de représentativité des citoyen(ne)s, femmes et hommes à l'Assemblée jouent bien à armes égales.

 

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