Ce n'est sans doute pas le moindre des paradoxes de la campagne présidentielle française : l'envolée dans les sondages d'un candidat de gauche radicale, désormais en mesure de prétendre à la qualification pour le second tour, n'est pas le principal motif d'inquiétude des investisseurs à trois jours du premier tour.
L'ascension rapide de Jean-Luc Mélenchon dans les enquêtes d'opinion a néanmoins contribué à un regain de tension sur les marchés ces derniers jours. La volatilité implicite à une semaine du taux de change euro/dollar, un baromètre de la nervosité des investisseurs, est ainsi en passe d'enregistrer sur la semaine sa plus forte hausse depuis le lancement de la monnaie unique en 1999.
Jean-Luc Mélenchon, le candidat de La France insoumise, désormais crédité d'un score proche de celui de l'ex-Premier ministre Les Républicains (LR) François Fillon, souhaite imposer les plus hauts revenus à 90 %, propose de sortir la France de l'OTAN et a évoqué un référendum sur une sortie de l'Union européenne s'il n'obtenait pas une renégociation des traités communautaires. Il est aussi partisan d'un veto aux accords de libre-échange et de la fin de l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE).
Risque « volcanique »
Malgré ce programme radical, il n'est pas considéré comme un facteur de risque aussi important pour les marchés que Marine Le Pen, la présidente du Front national, considérée, au moins par les investisseurs, comme la grande championne du « Frexit », c'est-à-dire non seulement de l'UE mais aussi de l'euro.
Pour nombre d'investisseurs étrangers, il est donc difficile de conclure que Jean-Luc Mélenchon constitue un risque sérieux pour les marchés comparé à Marine Le Pen, qui leur apparaît comme bien plus hostile idéologiquement à l'UE. Pour les responsables de stratégies d'investissement de Citi, le premier tour de la présidentielle française est si imprévisible qu'il constitue un risque « volcanique » pour les marchés, un face-à-face Le Pen-Mélenchon au second tour étant quant à lui considéré comme un scénario « cauchemar ». Ils jugent qu'une victoire de Le Pen ou de Mélenchon pourrait faire perdre jusqu'à 10 % aux marchés actions français et européens d'ici à fin juin. À l'inverse, une victoire de François Fillon ou d'Emmanuel Macron pourrait leur faire gagner jusqu'à 20 % d'ici à la fin de l'année, selon la banque américaine.
Pour Lena Komileva, directrice générale du cabinet de conseil G+ Economics, « une politique de rupture constitue le principal risque pour l'euro ». Et elle ajoute que « le fait que cela ne soit plus seulement un risque Le Pen est un important motif d'inquiétude ».
Les analystes de la banque japonaise Nomura notent de leur côté que la position de Jean-Luc Mélenchon sur l'UE « semble moins agressive que celle de Le Pen ». « Un démantèlement de la zone euro deviendrait beaucoup plus probable si l'un de ses principaux membres devait la quitter. Cela aurait des implications importantes pour les marchés financiers mondiaux. Un "risk rally" comme celui qu'on a connu après le vote du Brexit est très improbable si Le Pen est élue », ajoutent-ils.
Jamie McGEEVER / Reuters
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