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Nos Lecteurs ont la Parole - par Adib Y. TOHMÉ

Pas leurs salaires !

Crédit Bigstock

Pas leurs salaires ! Ils n'oseront pas augmenter leurs salaires, c'est impossible. S'ils avaient vraiment conscience de la brutalité de la crise, ils commenceraient par baisser leurs indemnités et allocations pour montrer l'exemple et se rapprocher un peu du peuple. Quitte à couper dans la fonction publique et privilégier l'efficacité, l'équité et l'utilité des dépenses. Eh bien, ils ont osé. Et non seulement ils ont osé, mais ils sont allés plus loin. Non seulement nos députés ont augmenté le montant de leur indemnité à vie, ils ont majoré les émoluments de tous ceux qui bénéficient du statut de la fonction publique. Tous ceux qui sont assurés, au moins, de leurs emplois et de leurs revenus jusqu'à la fin de leurs jours, et même après. Et je trouve ça indécent. À côté de ce Liban protégé, il y a le Liban exposé, celui qui se bat sur tous les fronts et qui compte dans ses rangs des milliers de gens qui survivent, chômeurs, licenciés, salariés réduits aux emplois précaires, ceux qui doivent s'endetter à des taux usuriers pour scolariser leurs enfants ou accéder aux soins, et qui doivent payer plus de taxes pour acquitter la facture des privilégiés, les fonctionnaires. Ces derniers constituent une réserve de voix et d'influence pour les élections. Jamais le coût d'un bulletin de vote déposé en 2009 n'aura été aussi élevé.
Nos députés, il faut les comprendre, sont des gens comme les autres. Et comme les gens ordinaires, ils agissent dans leur propre intérêt, en vue de maximiser leur propre bien-être. Et ils iront encore plus loin dans la quête du bonheur, parce que rien ni personne ne va les en empêcher. Demain, je parie, ils seront reconduits dans leurs fonctions, ou ils se reconduiront eux-mêmes, qu'importe. Demain, ils vont la paver, la mer devant Ramlet el-Baïda, et partout ailleurs. Ils vont le bétonner, l'hippodrome de Beyrouth, et toute la ville avec. Ils vont créer de la laideur au-delà de ce qu'on est capable d'imaginer, ils ne savent faire que cela. Ils vont les privatiser, les institutions publiques, s'ils se mettent d'accord sur le partage des profits. Et tous les revenus du gaz serviront à payer les intérêts des dettes qu'ils vont continuer à contracter pour payer d'autres intérêts. On les a élus pour cela. On les a élus pour que rien ne change, pour acheter des voitures dernier modèle, pour poster des statuts sur Facebook, pour aller au restaurant et photographier nos plats avant de les avoir mangés, pour faire la fête, pour consommer davantage, pour acheter plus de portables supérieurement intelligents, faire plus de voyages, plus de selfies, pour pousser nos gentils coups de gueule éphémères sur les réseaux sociaux, et c'est exactement ce qu'on va continuer à faire.
Et ne me dites pas que c'est la faute des trente pour cent qui les ont élus, leurs partisans, leurs supporteurs ou leurs clientèles. Les trente pour cent, les sondages ne voient que ça, les médias ne veulent vous montrer que ça, mais c'est les soixante pour cent qui comptent. Tous ceux qui s'abstiennent de voter. Tous ceux qui sont dégoûtés. Tous les déçus de la politique. Tous ceux qui voyaient un espoir et ne voient plus rien. Tous ceux qui ont démissionné et ne sont plus que de simples visiteurs de leur propre vie. Tous ceux qui se résignent à leur condition d'esclave. C'est la responsabilité des soixante pour cent. C'est notre responsabilité. Nous sommes tous responsables. Et puis de toute manière, on s'en fiche : il n'y aura bientôt plus personne dans ce pays pour témoigner du désastre qui vient.
Ceux qui peuvent partir foutent le camp. Partir, partir, on n'a plus que cela à la bouche, depuis les étudiants qui viennent d'obtenir leur diplôme jusqu'aux retraités qui passent leurs six mois moins un jour en Europe, résidence fiscale oblige. Et puis tous ceux dans mon genre, qui vont de conférence en colloque, de congrès en séminaire, qui plantent des bureaux à l'étranger pour ne pas étouffer ici. Vous leur demandez ce qu'ils font et ils ne vous répondent pas qu'ils enseignent, écrivent, travaillent, ils vous disent : « Je pars pour Dubaï, Barcelone, Paris, Berlin. » Ou tous ceux qui font leurs anniversaires de naissance, mariage ou rencontre ailleurs, à Lisbonne, aux îles Maldives, Rome ou Prague. Et ceux qui restent ne verront plus rien parce qu'ils seront prisonniers d'un embouteillage sur une autoroute. Dans la grisaille infinie, coincés entre un camion et un autobus dans le parfum des déchets, à l'image de notre condition d'humains soumis et résignés.

Pas leurs salaires ! Ils n'oseront pas augmenter leurs salaires, c'est impossible. S'ils avaient vraiment conscience de la brutalité de la crise, ils commenceraient par baisser leurs indemnités et allocations pour montrer l'exemple et se rapprocher un peu du peuple. Quitte à couper dans la fonction publique et privilégier l'efficacité, l'équité et l'utilité des dépenses. Eh bien, ils ont...

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Description criante de vérité de ce qu'est devenu notre Liban...par la faute de ses "présidents...ministres...députés..."ainsi que tous ceux qui prétendent gouverner ce pauvre pays. Irène Saïd

Irene Said

11 h 26, le 25 mars 2017

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Commentaires (1)

  • Description criante de vérité de ce qu'est devenu notre Liban...par la faute de ses "présidents...ministres...députés..."ainsi que tous ceux qui prétendent gouverner ce pauvre pays. Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 26, le 25 mars 2017

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