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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Pour les Kurdes iraniens, un rôle régional encore embryonnaire

Plusieurs raisons poussent certains groupes comme le PDKI à reprendre la lutte contre Téhéran, mais aussi l'EI.

Des membres du PDKI lors des funérailles de victimes d’une attaque à la bombe contre leur quartier général de Koy Sanjak, près d’Erbil, au Kurdistan irakien, le 21 décembre 2016. Photo Reuters

Ils seraient entre plusieurs centaines et plusieurs milliers à combattre en Syrie et en Irak. Si les Kurdes d'Iran ne sont pas souvent au centre de l'attention médiatique, leur présence sur le front contre l'État islamique est bel et bien réelle.

Ils sont certes moins affectés que leurs « frères » syriens et irakiens par les conflits qui font rage dans leur pays respectif, et ils se sont depuis illustrés dans des combats féroces contre le groupe jihadiste, mais leurs velléités indépendantistes sont les mêmes. Comme en Irak, en Syrie et en Turquie, ils combattent le régime en place depuis plusieurs décennies, plus précisément depuis la révolution islamique de 1979.

Forte de 8 à 9 millions de membres, la communauté kurde d'Iran est particulièrement présente dans le nord-ouest du pays, territoire qu'elle appelle le Rojhelat, et répond à l'autorité de plusieurs partis politiques. À l'origine, deux organisations principales tenaient lieu de références politiques aux Kurdes du Rojhelat – l'une nationaliste, l'autre marxiste. Elles finirent par se fractionner en une multitude de groupes, dont émanent six groupes politiques principaux (mais non uniques). Trois sont issus du groupe marxiste Komala et portent des variantes de son nom, les trois autres sont le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), le Parti du Kurdistan-Iran (PDKI), et le Parti de la liberté du Kurdistan. Un septième groupe, le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), est affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ; plus radical, il a son propre agenda. Tous ces groupes sont réfugies au Kurdistan irakien, et il reste difficile d'évaluer leur influence réelle dans les zones kurdes iraniennes.

La relation entre le gouvernement iranien et les Kurdes a connu plusieurs phases – stables ou mouvementées – au cours desquelles l'opposition kurde du pays, majoritairement exilée en Irak et en Europe, a été plus ou moins active, militairement et politiquement. Mais après quelque vingt ans de calme relatif, les affrontements ont repris depuis le printemps 2016 entre les gardiens de la révolution iraniens et certains groupes kurdes, dont le PDKI, faisant des dizaines de morts et de blessés des deux côtés. Des commandos sont régulièrement envoyés depuis l'Irak en Iran pour mener des actions d'éclat à la frontière. Toutefois, les forces du PDKI ne sont rien comparées à celles, bien supérieures en effectifs et en armes, des gardiens de la révolution. En outre, leurs frères irakiens ne tiennent pas à s'attirer les foudres de la République islamique en servant de base à ces incursions transfrontalières. Ils ont d'ailleurs souvent et publiquement exprimé leur réprobation de telles violations du territoire iranien.

Pour contrer ces attaques, la République islamique a une méthode assez simple : recruter plusieurs milliers de Kurdes iraniens et les poster à sa frontière pour la préserver des attaques des séparatistes, comme elle le fait depuis quelques semaines déjà. Il est ainsi bien plus difficile pour les assaillants kurdes d'attaquer leurs frères kurdes...

 

(Pour mémoire:  Les Kurdes d'Iran toujours ostracisés malgré l'arrivée au pouvoir de Rohani)

 

 

Kurdes iraniens, arme de choix
Trois raisons expliquent le « retour » militaire de ces groupes : l'inaction du gouvernement du président Hassan Rohani concernant leurs droits et revendications politiques, identitaires et culturelles, et l'accord sur le nucléaire signé en juillet 2015 entre la République islamique et l'Occident. D'après un porte-parole du PDKI, cet accord est la preuve que « le gouvernement iranien est libre de faire ce qu'il veut, le monde reste impuissant ». Les victoires engrangées par les Kurdes irakiens et syriens contre l'EI contribuent également à cette détermination renforcée des Kurdes iraniens, qui se retrouvent dès lors sollicités par Téhéran pour mener le combat contre le groupe. Majoritairement sunnites, les Kurdes sont logiquement une arme de choix pour le régime iranien, qui les envoie dans certaines zones sensibles d'Irak où les habitants n'accueilleraient pas volontiers leurs Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire, majoritairement chiites) et dont les exactions sont régulièrement dénoncées par plusieurs ONG internationales. « Tous les groupes kurdes iraniens ont leur lot de martyrs et de blessés, et nombreux sont ceux qui ont un quartier général près des zones de combat » en Irak, explique Dlawer Ala' al-Deen, cofondateur et président du Middle East Research Institute (MERI), à Erbil. Idem en Syrie, où ils jouent un rôle similaire, mais moindre, aux côtés de milices chiites.

Tous les groupes kurdes ne partagent pas le même ressentiment envers Téhéran, souligne le chercheur, qui relève que les partis politiques kurdes iraniens sont, de manière générale, favorables à une ouverture envers le régime iranien. « Ils sont actuellement engagés dans un dialogue pour tenter de se définir une vision commune. Ils ont une perspective à la fois locale et internationale, et sont conscients des dynamiques changeantes sur le plan régional », explique-t-il.
Car les Kurdes iraniens ne veulent pas être en reste, et aspirent à un rôle grandissant dans la région. Comme d'autres acteurs non étatiques, soutenus dans leur cause par des groupes armés, ils sont à la recherche d'opportunités leur permettant de cumuler des gains à la fois territoriaux et politiques, mais également culturels. Leurs droits en tant que peuple restent leur priorité, et ils affirment souvent vouloir cesser la lutte armée pour revenir à la vie civile. Mais les Kurdes iraniens, comme Téhéran, échouent pour l'instant à atteindre une sorte de compromis qui leur permettrait d'entamer un dialogue constructif, notamment en préparation de l'après-EI. « Et tant que cette absence de dialogue perdurera, déplore Dlawer Ala' al-Deen, les conflits, aujourd'hui chroniques, continueront, et les deux camps seront tous deux perdants. Il est plus que jamais dans l'intérêt de tous les belligérants de se retrouver à mi-chemin. »

 

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