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Moyen Orient et Monde - Interview

Pour le régime iranien, toute revendication, même pacifiste, est perçue comme un acte terroriste

Rebin Rahmani, engagé auprès de l'organisation « Réseau pour les droits de l'homme au Kurdistan », décrit à « L'Orient-Le Jour » les accrochages survenus à la frontière irakienne entre pasdarans et rebelles kurdes.

Des membres du PJAK se reposent dans leur base, dans la montagne du Qandil, au Kurdistan irakien, en mai 2014. Safin Hamed/AFP

Des heurts ont éclaté mercredi soir entre l'armée iranienne et des membres du parti « Pour une vie libre au Kurdistan » (PJAK), branche du PKK kurde en Iran. Près de 12 « terroristes » et 3 militaires ont été tués, ont annoncé les gardiens de la révolution dans un communiqué publié hier par l'agence Tasnim. Rebin Rahmani, kurde iranien, exilé en France depuis trois ans et engagé auprès de l'organisation « Réseau pour les droits de l'homme au Kurdistan », décrit la situation.

 

L'agence Tasnim parle de 12 « terroristes » tués mercredi soir. Pourquoi sont-ils qualifiés de « terroristes » ?
L'interprétation de cet « événement » rapporté par l'agence de presse Tasnim varie du tout au tout selon que l'on se place du point de vue du régime ou de celui des Kurdes iraniens. Le régime de la République islamique d'Iran, fondé sur le principe de l'indivisibilité du peuple iranien, ne tolère aucune forme de revendication de la part de ses minorités ethniques (kurdes, azéris, baloutches...), linguistiques et religieuses. Toute revendication, même manifestée de façon pacifiste, est perçue par le régime comme une tentative de sédition, voire comme un acte terroriste.

Le guide suprême (plus haut personnage du système politique iranien) se considère comme le représentant de Dieu sur terre et, en conséquence, considère toute opposition à son égard comme une opposition à Dieu. « L'inimitié envers Dieu », spécificité du système judiciaire iranien, est considérée comme le crime le plus grave qui soit et conduit chaque année des dizaines de militants politiques et sociaux à l'échafaud. Loin de concerner uniquement la résistance armée, le terme de « terroriste » s'applique à tous les activistes sans exception, même les plus pacifistes. Pour ce régime, les « terroristes » sont ceux qui osent s'insurger contre le système et non ceux qui menacent la sécurité nationale.

Pour les citoyens kurdes en revanche, les « terroristes » sont les représentants de ce régime qui les privent de la reconnaissance de leurs droits politiques, sociaux et culturels et qui ne cessent de vouloir les brimer et nier leur existence. Les « terroristes » sont les membres d'un régime qui chaque année abat sans sommation des dizaines de jeunes Kurdes dans les villages frontaliers du Kurdistan iranien et irakien simplement au motif que ces derniers transportent des marchandises de contrebande qu'ils vont ensuite revendre faute d'avoir un emploi décent pour faire vivre leurs familles.

Au cours des trois dernières années, au moins 230 de ces travailleurs nomades ont été abattus, avec leurs marchandises sur leur dos, par les forces armées iraniennes qui patrouillent dans la région frontalière entre le Kurdistan iranien et irakien. Depuis l'arrivée au pouvoir du « modéré » Hassan Rohani, au moins 13 Kurdes ont été exécutés pour des motifs politiques et 20 attendent actuellement dans le couloir de la mort. En 2010, l'exécution de Farzad Kamangar, prisonnier politique kurde emblématique, constitue le symbole des injustices subies par les Kurdes iraniens. Depuis la pendaison de ce jeune trentenaire, instituteur dans des villages reculés du Kurdistan iranien, la rupture entre les Kurdes iraniens et ce régime apparaît comme irréversible.

 

Cet incident est-il symptomatique de la colère d'une partie de la population iranienne ?
Cette attaque a été perpétrée par les forces des gardiens de la révolution appelés les pasdarans. Les guérilleros kurdes se trouvaient alors dans un village et s'étaient mêlés à la population. Les pasdarans qui n'ont pas l'habitude de faire la différence entre les combattants et les civils kurdes ont littéralement « tiré dans le tas » et mitraillé le village à coups d'obus. Les photos publiées par diverses agences de presse attestent de la violence de cet « incident ».

Pour ma part, je ne dirais pas que cet incident est le symptôme d'une indignation envers la politique iranienne. La priorité du régime est de maintenir la menace d'une guerre (semblable à celle subie actuellement par l'Irak, la Turquie et la Syrie) hors de ses frontières. Pour cela, il n'hésite pas à combattre à l'extérieur de ses frontières en Irak et en Syrie au côté de ses alliés chiites. À l'intérieur de ses frontières, la moindre opposition est matée de la manière la plus violente qui soit.

 

Parmi les personnes tuées hier, neuf appartenaient au parti « Pour une vie libre au Kurdistan » (PJAK). Le communiqué révèle que ces membres sont les « principaux ennemis » de l'Iran. Pouvez-vous nous en dire plus ?
D'après les informations que nous avons recueillies, cet incident tragique a opposé les pasdarans et les combattants kurdes du Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI) et non les forces du mouvement PJAK.

Le PJAK a été fondé en 2004 et a mené de très nombreuses actions violentes contre le régime qui a répliqué de façon tout aussi violente. Beaucoup de prisonniers politiques kurdes sont liés de près ou de loin au mouvement PJAK. Au cours de ces dernières années, au moins 11 membres ont été exécutés. Le régime considère ce mouvement comme terroriste et toute personne accusée d'en être membre ou de lui apporter son soutien est considérée comme un « ennemi de Dieu » (un mohareb). Pour eux, la sentence est systématiquement la peine capitale. En réalité, avant la fondation du PJAK, les autres mouvements de résistance kurde avaient déposé les armes. Les hostilités et la résistance armée clandestine ont repris en 2004 lorsque le PJAK a commencé à prendre de l'importance.

En conséquence, le régime a fortement militarisé la province du Kurdistan iranien et des casernes militaires ont poussé comme des champignons partout dans la région. En juillet 2011, l'armée iranienne a mené une offensive contre les troupes du PJAK stationnées dans les montagnes du Qandil (Kurdistan irakien) et a subi de lourdes pertes. Les sources kurdes parlent de 200 morts du côté de l'armée iranienne et de 18 combattants tombés de leur côté. Un cessez-le-feu non officiel a depuis été observé, mais le conflit armé a repris en 2015 après l'exécution de plusieurs membres du PJAK détenus dans des prisons iraniennes.

 

 

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commentaires (6)

"Comme un acte terroriste." ! Non, non et non ! On ne dit plus "terroriste" à présent ; c'est passé de mode ! Aujourd'hui on dit "takfiriste" ; c'est plus tendance....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

19 h 30, le 18 juin 2016

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Commentaires (6)

  • "Comme un acte terroriste." ! Non, non et non ! On ne dit plus "terroriste" à présent ; c'est passé de mode ! Aujourd'hui on dit "takfiriste" ; c'est plus tendance....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    19 h 30, le 18 juin 2016

  • le pire c'est qu'il y a plus que cela !! allez voir les dessous l'iran officieux la vous allez comprendre

    Bery tus

    14 h 58, le 17 juin 2016

  • Mais qu'on leur foute un peu la paix .... On dit pas que tout est parfait en Iran, mais nous faire lire ça ! !!!!,,,,,,@@@@@@ En préambule on parle des kurdes iraKiens pour nous glisser vers une interview anti iraNienne par je ne sais quelle espèce de .....huluberlus. ..

    FRIK-A-FRAK

    11 h 19, le 17 juin 2016

  • LA PIRE DES DEUX FACES DE LA MEME MONNAIE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 02, le 17 juin 2016

  • Même schema que leurs amis Neo-Ottomans... Khamanei et Erdogan, deux nains megalos.

    Christine KHALIL

    08 h 42, le 17 juin 2016

  • Vous en voulez plus sur l'Iran, sur la donneuse de leçon 2al !! Lol

    Bery tus

    06 h 57, le 17 juin 2016

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