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Liban - Communauté grecque du Liban

« J’ai pris une carte postale de 1957 et je suis parti à la recherche de mon arrière-grand-tante »

Maria, l’arrière-grand-tante de Georges Eid, assise sur un âne. Photo archives Georges Eid

Début 2016, le journaliste Georges Eid décide de s'acquitter d'une promesse faite à son grand-père grec seize ans plus tôt : celle de ne jamais oublier l'histoire de la famille et son périple, en 1922, d'Izmir à Beyrouth, à bord d'une embarcation transportant du bétail. De cette promesse naîtra Kalimera de Beyrouth, un documentaire émouvant qui rappelle que le Liban a toujours été le « refuge des minorités et des persécutés » et que l'histoire n'est qu'une interminable répétition cyclique.

Tourné en trois semaines entre le Liban et la Grèce, Kalimera de Beyrouth (Bonjour de Beyrouth) a suscité la curiosité des médias grecs et libanais. Et pour cause : plus personne ne se rappelle de ces Grecs qui se sont réfugiés au Liban au siècle passé, probablement en raison de l'intégration très réussie de ces derniers. « Aujourd'hui, les gens prennent la mer pour aller en Turquie et en Grèce avant de rejoindre l'Europe, mais il est bon de se rappeler que les Grecs et les Européens sont déjà venus ici en réfugiés, relève Georges Eid. Je sais que la jeunesse libanaise doit trouver cela étrange, mais, à l'époque, le Liban était la terre des opportunités, c'était l'Amérique pour ces réfugiés. Le Liban n'était qu'un pays de passage pour eux au départ, mais ils ont choisi de rester ici. Ils se sont tellement bien intégrés que les gens ont oublié leurs origines. Certains ont changé ou adapté leurs noms grecs pour qu'ils soient plus faciles à prononcer pour les Libanais », explique Georges Eid.

C'est lors des nuits interminables de la guerre civile, passées le plus souvent dans les refuges, que Georges, enfant, découvre les souvenirs de son grand-père maternel, réfugié grec en provenance d'Izmir. Survenu en septembre 1922, l'incendie d'Izmir est un événement de la deuxième guerre gréco-turque (1919-1922) qui a détruit la majeure partie de cette cité portuaire et chassé des milliers de ses habitants, dont la famille de Georges Eid.

 

(Pour mémoire:  Les Grecs du Liban dénoncent l'acharnement européen, mais invitent aux réformes)

 

D'Izmir en Syrie sur un bateau à bétail
« Ma famille a fui Izmir sur un bateau transportant du bétail et elle est d'abord arrivée en Syrie. Mon arrière-grand-mère avait peur de descendre du bateau parce qu'elle ne savait pas où elle était et qu'elle ne comprenait pas la langue qu'elle entendait. Puis mon arrière-grand-père a remarqué le drapeau français. Ça l'a rassuré, car les Grecs d'Izmir étaient francophones », raconte Georges Eid.
Le contact avec la famille en Grèce est éteint depuis de nombreuses années lorsque le journaliste prend une carte postale reçue par son grand-père dans les années 50 et décide de partir à la recherche de sa famille grecque.

« Beaucoup sont partis chercher leur famille ou leurs ancêtres en Grèce mais n'ont rien trouvé. En juin 2016, j'ai pris une carte postale envoyée en 1957 par mon arrière-grand-tante à mon grand-père et suis parti à la recherche de cette dernière. C'est peut-être mon flair journalistique qui m'a permis d'aller jusqu'au bout », confie Georges Eid.
Il se rend là où son arrière-grand-tante, Maria Iulias, habitait sur l'île de Samos et décide de questionner les plus vieux. Il finit par tomber sur un homme de 95 ans qui la reconnaît et auquel elle donnait des bonbons quand il était enfant... Georges réussit à retrouver le certificat de décès de Maria, morte en 1973, et remonte jusqu'au petit-fils de cette dernière.

« J'ai filmé un peu en Grèce et un peu au Liban avec le réalisateur Rawad Germanos. Ce qui m'a aidé, c'est que j'avais déjà fait des recherches et numérisé des photos et cartes postales des années 20 », souligne-t-il. Georges Eid réussit même à retrouver une vidéo authentique de l'incendie d'Izmir tournée sur place en 1922 par une personne qui se trouvait là-bas par hasard au moment des faits. La vidéo a été retrouvée et développée dans les années 2000 par le petit-fils de celui qui l'a tournée, dans l'armoire de sa grand-mère... à New York.

 

« Personne ne peut dire qu'il est plus libanais que l'autre »
Kalimera de Beyrouth sera projeté pour la première fois au grand public le 23 mars à la NDU, lors d'un événement accessible au public. Le documentaire a déjà attiré l'attention de deux festivals en Grèce et en Australie. La presse grecque s'y est intéressée dès février, étonnée de découvrir l'histoire oubliée des Grecs du Liban.
« Tout le monde s'étonnait quand je parlais des Grecs du Liban, que ce soit à Beyrouth ou en Grèce. Cette histoire fait partie de ma personnalité et de mon enfance. J'ai voulu la filmer pour former une archive personnelle, mais aussi pour rappeler aux Libanais que leur pays est plein de diversité et qu'il était une terre d'opportunités pour des milliers de réfugiés », souligne Georges Eid.
« Quand j'étais plus jeune, je ne comprenais pas quand je lisais dans les livres d'histoire pourquoi le Liban est considéré comme "le refuge des minorités et des persécutés". Je pensais aux Arméniens et j'oubliais à cette époque que mon grand-père faisait partie des réfugiés dans ce pays. C'est bien de savoir comment le Liban a été formé. Personne ne peut dire qu'il est plus libanais que l'autre. Nous devons profiter de cette diversité pour édifier le pays à nouveau », conclut-il.

 

Pour mémoire

Comment les Libanais vivent-ils le contrôle des capitaux en Grèce ?

Début 2016, le journaliste Georges Eid décide de s'acquitter d'une promesse faite à son grand-père grec seize ans plus tôt : celle de ne jamais oublier l'histoire de la famille et son périple, en 1922, d'Izmir à Beyrouth, à bord d'une embarcation transportant du bétail. De cette promesse naîtra Kalimera de Beyrouth, un documentaire émouvant qui rappelle que le Liban a toujours été...

commentaires (6)

je corrige: c'etait au debut du 20eme siecle :)

Le Herisson

19 h 09, le 19 mars 2017

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Commentaires (6)

  • je corrige: c'etait au debut du 20eme siecle :)

    Le Herisson

    19 h 09, le 19 mars 2017

  • les grands parents de ma mere faisaient partie des emigres de turquie vers le liban encore plus tot au debut du 19eme siecle au moment de l'exode des armeniens. depuis ils se sont completement integres au liban et on y vit toujours.

    Le Herisson

    13 h 45, le 19 mars 2017

  • C'est aussi l'histoire d'Aghabios Papadopoulos avec ses frères et soeur, expulsés de Constantinople en 1922, arrivés à Beyrouth se sont établis sur les terres presqu'en friche de Bourj-Hammoud. La fille d'Aghabios, Elefthéria, est mon épouse. Son fils ainé Saba vit à Nice, le cadet Viron est décédé. Merci (Efkharisto) à Georges Eid et Zéina Antonios.

    Un Libanais

    15 h 36, le 18 mars 2017

  • « Quand j'étais plus jeune, je ne comprenais pas pourquoi le Liban est considéré comme "le refuge des minorités et des persécutés". Je pensais aux Arméniens et j'oubliais que mon grand-père grec faisait partie des réfugiés dans ce pays. C'est bien de savoir comment le Liban a été formé. Nous devons profiter de cette diversité pour édifier le pays à nouveau », conclut-il. Oui, bon, mais quid.... Des Palestiniens Persécutés eux aussi et dont on a Volé la Terre ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 20, le 18 mars 2017

  • LA PERSEVERANCE EST MERE DE LA RECHERCHE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 20, le 18 mars 2017

  • Les Grecs du Liban ne sont pas si oubliés que cela. L'historienne Basma Zerouali leur a consacré un remarquable ouvrage intitulé "Le Quatuor de Beyrouth" (Geuthner, 2016), sélectionné pour le Prix France-Liban 2016. Hélène Page

    Page Hélène

    12 h 09, le 18 mars 2017

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