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Liban - Pédopsychiatrie

Marcel Rufo : Les parents doivent accepter d’être des parents moyens

De passage au Liban, le célèbre pédopsychiatre français Marcel Rufo est venu débattre, avec un regard « universaliste » , des nouvelles formes « d'être parent ».

Marcel Rufo, hier, au Smallville Hotel, à Beyrouth. Photo Michel Sayegh

Grand ponte de la pédopsychiatrie en France, Marcel Rufo est en visite actuellement au Liban et a donné hier à la Résidence des Pins une conférence sur le thème des « Nouveaux parents ». Il était l'invité de l'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne. Il a donc saisi cette occasion pour développer ses réflexions autour de cette nouvelle parentalité qui, réciproquement, façonne également de « nouveaux enfants ».

Interrogé par L'Orient-Le Jour, Marcel Rufo explique à quoi est due cette « nouvelle manière d'être parent » et ce qu'elle implique. « J'ai regardé ce qui avait changé dans mes consultations depuis le début de ma carrière, souligne-t-il. Au début, j'avais des consultations avec des mamans et des bébés. Maintenant, quand le père n'est pas là, ça me sidère. » Il commence en parlant du « nouveau père », celui qui n'a pas peur de jouer le même rôle qu'une mère, c'est-à-dire qu'il est présent pour changer le bébé, pour préparer le repas, pour le bain de l'enfant, ou pour toutes ces petites tâches du quotidien. « Ils sont fabuleux les nouveaux pères, vive les nouveaux pères! » ajoute-t-il. Au même titre que de « nouveaux pères » se façonnent d'année en année, il se réjouit aussi d'avoir rencontré de « nouvelles mères ».

Lors d'une rencontre avec cinq mères musulmanes au sein de l'association AMEL au Liban, hier, il raconte comment celles-ci acceptaient de laisser plus de place au père lors des premières années de l'enfant. « J'ai été très séduit par leur sourire et leur approbation quand je leur ai dit que c'était au tour du père d'intervenir pour que l'enfant ne se colle pas à sa mère. »

Les « nouveaux parents » ce sont aussi ceux qui acceptent l'immersion d'un tiers dans l'éducation de l'enfant. À ce propos, il revient sur les enfants en échec scolaire. « Près de 47 % des consultations en France concernent des enfants en difficulté cognitive, c'est-à-dire en échec scolaire ou en difficultés d'apprentissage. » La première méthode thérapeutique que Marcel Rufo recommande dans ces cas-là est l'effacement du parent dans le jeu de l'apprentissage pour laisser entrer un tiers. En effet, un enfant qui est en échec scolaire émet des processus négatifs vis-à-vis de ses parents pour avoir une relation intense : « Avoir des relations négatives, c'est avoir des relations. » Pour que ce revirement dans la relation change, le parent doit se retirer et prendre de la distance. L'invitation d'un tiers dans la relation permet cette distance nécessaire et offre la possibilité à l'enfant d'attirer autrement l'attention de ses parents que par un comportement négatif. Pour le pédopsychiatre, les « nouveaux parents » sont beaucoup plus aptes à cette éducation plus « démocratique » et la reçoivent bien.

Qui dit « nouveaux parents » dit également « nouveaux enfants » ? « Oui ! Par exemple si on pouvait étudier les bébés étrusques, je suis quasiment sûr qu'ils se développeraient moins bien qu'aujourd'hui ! » Pour Marcel Rufo, internet et la digitalisation de nos sociétés ont joué un grand rôle. La motricité a évolué, notamment avec les tablettes et les écrans. Il faut ainsi comprendre que l'enfant ne s'épanouit plus ni ne communique plus de la même manière. Cependant, Marcel Rufo met tout de même en garde les parents qui « abandonneraient » leurs enfants devant des écrans : « J'ai vu des petits enfants très intelligents être un peu en retard parce qu'ils avaient été abandonnés devant les écrans. (...) Il vaut mieux un conte de fée qu'un dessin animé. »

Finalement, le pédopsychiatre conseille aux « nouveaux parents » d'être « des parents moyens », c'est-à-dire qu'ils acceptent d'avoir des défauts et de ne pas être parfaits. Lorsque l'enfant est petit, il imagine que ses parents n'ont que des qualités et ceux-ci font figure de modèles à ses yeux. Cependant, quand l'enfant grandit et sort de chez lui, il est au contact avec d'autres personnes, peut-être d'autres modèles, et prend alors conscience que ses parents ont des défauts. Ces « nouveaux parents » doivent accepter cela et réussir à « couper le cordon ». « Être parent, c'est ignorer que les enfants vont partir. Les parents croient que les enfants vont rester pour toujours. C'est une erreur, il faut se séparer pour grandir », ajoute Marcel Rufo.

Réjoui de sa venue au Liban, le pédopsychiatre réfléchit déjà à des projets pour les enfants du pays du Cèdre. Il pense notamment à une « maison virtuelle », qui permettrait un accompagnement et un échange aux enfants et adolescents libanais qui en auraient besoin. Cela passerait donc par la mise en place d'un site internet, où des consultations virtuelles seraient disponibles et où les enfants et adolescents pourraient discuter. « Je crois qu'on ne peut plus se passer du matériel réseaux sociaux, et puis c'est leur manière de communiquer. »

Interrogé sur les spécificités de la société libanaise, M. Rufo répond être un « universaliste » : « Les expressions culturelles sont la forme de ce que l'on dit, mais les fondements sont les mêmes. » Il clôt l'interview en annonçant une prochaine visite à Beyrouth, à l'occasion de la sortie de son livre Le dictionnaire amoureux de l'enfant et de l'adolescent, aux éditions Plon : « Si je le sors, je viendrais au Salon du livre à Beyrouth ! »

Grand ponte de la pédopsychiatrie en France, Marcel Rufo est en visite actuellement au Liban et a donné hier à la Résidence des Pins une conférence sur le thème des « Nouveaux parents ». Il était l'invité de l'ambassadeur de France, Emmanuel Bonne. Il a donc saisi cette occasion pour développer ses réflexions autour de cette nouvelle parentalité qui, réciproquement, façonne...

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