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Liban - Disparitions

Wajih Nahlé en son paradis bleu

Après Salwa Raouda Schoucair, c'est un autre pionnier de l'art abstrait libanais et chantre de la calligraphie qui s'est éteint hier. Il laisse plus de dix mille œuvres, entre peintures, bas-reliefs, sculptures, tapisseries et projets décoratifs... « Je ne suis pas un peintre, je suis un créateur », précisait toujours d'ailleurs cet artiste prolifique.

Wajih Nahlé portant fièrement les insignes du Mérite libanais. Photo Marwan Assaf

Né en 1932, à Beyrouth « le pinceau à la main ! », Wajih Nahlé, décédé hier, a passé les premières années de sa vie auprès d'un père, Mahmoud, pompier de profession et dessinateur de vocation. « Il aimait reproduire des cartes postales, et moi, môme de six ans, je lui corrigeais son travail ! » avait-il confié, un jour, à notre collaboratrice Carla Henoud. C'est auprès d'un voisin, le peintre Moustafa Farroukh, que le jeune Wajih va développer, dans un premier temps, son talent précoce avant de poursuivre sa quête artistique dans les musées et l'atelier de Omar Onsi, où il s'essaye aux natures mortes puis aux portraits.

 

La lettre chez lui devient mouvement
Il débute sa carrière en 1949 et expose pour la première fois au Salon du printemps en 1954. Expérience qu'il renouvellera chaque année jusqu'en 1974. Son travail, d'académique à ses débuts, va exploser en une myriade de techniques. Son cheminement personnel, spirituel et artistique le mènera ainsi dans les années 70 vers la calligraphie, l'art de la lettre arabe qu'il brasse, manipule, fait tournoyer et s'envoler au gré de son inspiration sur la grande surface de sa toile. La lettre chez lui devient sujet et forme, femme, amante, maternité, derviches, cheval et danseuse... Elle devient mouvement. Le mot-clef de son œuvre. Dans sa riche palette de couleurs vibrantes, le bleu reste la teinte dominante. Référence au soufisme et à la contemplation, ce bleu lui offre la clé de l'espace azuré et devient un autre des signes distinctifs de son travail.
Parmi ce qui caractérisait le corps d'œuvres de Wajih Nahlé, « outre sa dynamique et son énergie, c'est la soif d'expérimentations mises au service de l'art que l'on y décèle », relevait d'ailleurs César Nammour, curateur de sa dernière exposition. Une rétrospective présentée il y a deux ans au (défunt) Beirut Exhibition Center.

 

Chercher encore et toujours
Ce goût audacieux de l'expérimentation vaudra d'ailleurs au peintre autant d'amateurs que de détracteurs. Certains puristes contesteront ainsi fortement sa propension à allier l'art abstrait influencé par l'Occident au graphisme oriental. Mais l'artiste ne recule pas. Et leurs critiques n'empêcheront pas l'entrée de ses œuvres au musée. Ses peintures se retrouveront ainsi dans des collections privées et publiques, à l'instar de celles du Grand Palais et de l'Institut du monde arabe à Paris, du MoMa à New York, du Musée d'art moderne à Tunis ainsi que du musée Sursock.
Acryliques, aquarelles mais aussi action painting, ou avec le couteau, jusqu'au bout Wajih Nahlé va déployer sa créativité d'un geste vif et nerveux, qui ne semble pas tarir avec le temps. « Le centre de la toile, sorte d'alpha et d'oméga, permet une échappée, voire une évasion qui transcende toute ligne et tout point pour plonger dans le cosmos », écrivait Colette Khalaf à propos de son dernier accrochage.
« Je travaille l'art spontané, le gestuel », expliquait-il. Et d'ajouter, à 80 ans passés : « Je me cherche toujours, j'étudie encore ce que je vais faire demain ! »
Parallèlement à ses toiles, Wajih Nahlé a réalisé des travaux de décoration dans des palais et espaces publics aux quatre coins du monde arabe.
Il laisse plus de dix mille œuvres ainsi qu'un patronyme désormais synonyme de lignée. Et pour cause, les cinq enfants qu'il a eus avec son épouse Mounira, qui peignait et sculptait elle aussi, ont tous suivi la voie de l'art, depuis son ainée Gina (peintre) au cadet Marwan (plasticien), en passant par Wahid (peintre), Lina (photographe) et Joumana (créatrice de bijoux et d'objets)...

 

Prix et reconnaissances internationales

L'artiste a glané un grand nombre de récompenses et de médailles au cours de sa carrière. À commencer par le prix du ministère de l'Éducation en 1956, puis ceux du musée Sursock et de la Biennale d'Alexandrie en 1966, ainsi que le premier prix de la Biennale des pays arabes au Koweït en 1973. Il a, entre autres, été promu officier de l'ordre des Arts et des Lettres par le ministère français de la Culture, en 1994. Il a reçu, la même année, les Palmes d'or de l'Académie internationale des arts contemporains de Belgique. Wajih Nahlé qui, contrairement au dicton, était prophète en son pays, s'est aussi vu décerner les insignes du Mérite libanais en 2003 par le ministre de la Culture de l'époque, Ghassan Salamé.

 

Pour mémoire

Wajih Nahlé dans le bleu du cosmos

Né en 1932, à Beyrouth « le pinceau à la main ! », Wajih Nahlé, décédé hier, a passé les premières années de sa vie auprès d'un père, Mahmoud, pompier de profession et dessinateur de vocation. « Il aimait reproduire des cartes postales, et moi, môme de six ans, je lui corrigeais son travail ! » avait-il confié, un jour, à notre collaboratrice Carla Henoud. C'est auprès...

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