Chaque jour apporte son nouveau lot de complications... qui confirme, s'il en est encore besoin, le fait qu'il n'y a pas eu de véritable compromis en profondeur lors de l'élection de Michel Aoun à la tête de l'État. Plus de trois mois après le happy-end présidentiel, les positions des différents protagonistes ressemblent à ce qu'elles étaient avant cette échéance et montrent que les divergences stratégiques demeurent. L'entente renouvelée entre le Premier ministre et le chef des FL à la cérémonie du BIEL le 14 février constitue en quelque sorte le couronnement des efforts du ministre saoudien, qui a visité le Liban il y a quelques jours et dont le principal souci était de réorganiser les alliances libanaises de son pays. Le ministre Thamer al-Sabhane a donc voulu remettre de l'ordre dans la scène sunnite et relancer le réseau d'alliances qui formait l'axe principal du mouvement du 14 Mars. Il a ainsi poussé les différentes personnalités sunnites à reprendre contact entre elles, tentant même de réconcilier le Premier ministre et l'ancien ministre de la Justice Achraf Rifi. Mais il semble que ces efforts n'ont pas encore porté leurs fruits, Saad Hariri estimant avoir été poignardé dans le dos par Rifi. Le ministre saoudien s'est aussi intéressé aux différents projets de loi électorale, dans un souci de préserver la part des alliés de l'Arabie dans le Parlement qui devrait voir le jour après les prochaines législatives. Ces efforts sont-ils dirigés contre le Hezbollah et ses alliés ? Pour l'instant, les milieux proches du parti chiite n'expriment aucune réserve face aux démarches de l'émissaire saoudien au Liban.
(Pour mémoire : Le Hezbollah fait main basse sur les positions de Aoun, le Futur temporise)
Mais, par la voix de son chef, le Hezbollah a malgré tout durcit le ton face au royaume wahhabite. Ainsi, le dernier discours de Hassan Nasrallah, jeudi, n'a pas ménagé les dirigeants saoudiens, notamment lorsqu'il a évoqué la situation à Bahreïn et la guerre au Yémen. En même temps, le discours a été axé sur la possibilité d'une nouvelle agression israélienne contre le Liban profitant d'un contexte régional et international favorable, grâce à la volonté affichée du nouveau président américain de combattre l'influence de l'Iran dans la région avec l'appui des pays du Golfe. Tout en affirmant que la « résistance est plus forte que jamais et qu'elle réservera des surprises aux agresseurs », Hassan Nasrallah a quand même reconnu implicitement que la possibilité d'une telle agression est sérieuse. Par conséquent, les menaces qu'il a adressées aux Israéliens se veulent dissuasives. Quelques jours auparavant, le secrétaire général du Hezbollah avait prononcé un autre discours axé sur la situation intérieure libanaise, dans lequel il avait insisté sur la nécessité d'adopter une nouvelle loi électorale basée sur le mode de scrutin proportionnel pour assurer une plus grande représentativité des différentes composantes du pays, de manière à consolider la stabilité. Même s'ils traitent de sujets différents, les deux discours sont complémentaires.
(Lire aussi : Samy Gemayel à « L’OLJ » : Le gouvernement et le Parlement sont atteints de léthargie)
Pour le Hezbollah, il existe donc une menace sérieuse et la riposte doit être dans la consolidation de la scène interne. Cette consolidation doit se faire dans trois directions. D'abord, il s'agit de consolider la sécurité intérieure en renforçant la coopération entre les différents services de sécurité et même l'échange d'informations entre eux pour combattre les cellules dites dormantes et resserrer le contrôle des frontières avec la Syrie. Dans ce contexte, la catastrophe évitée du café Costa à Hamra est un indice concluant. Selon le Hezbollah, Daech a bel et bien décidé de déstabiliser la scène libanaise, face à la perte de terrain qu'il est en train de subir en Syrie et en Irak. Mais il n'est pas dit qu'il peut réussir dans cette entreprise, si les Libanais sont vigilants.
Ensuite, il s'agit de pousser vers l'adoption d'une loi électorale équitable, même si elle devait réduire l'influence des grandes formations actuelles (y compris chiites). Le Hezbollah estime à cet égard que ses alliés dans les autres communautés devraient avoir leurs chances d'entrer au Parlement, pour qu'un parti ne puisse plus confisquer une communauté, ou en tout cas pour qu'il soit représenté selon son importance au sein de sa communauté.
La troisième direction dans laquelle le Hezbollah souhaite une percée est le dossier des déplacés syriens. Dans ses discussions en interne, le Hezbollah considère que ces déplacés (ou plus précisément certains d'entre eux) peuvent être utilisés un jour comme une carte confessionnelle contre lui. C'est pourquoi il suit ce dossier avec beaucoup d'attention. Certes, il s'agit d'une cause humanitaire et le parti assure ne pas avoir une approche xénophobe ou discriminatoire. Mais il n'écarte pas la possibilité que dans certaines circonstances, certains déplacés puissent alimenter un conflit confessionnel entre sunnites et chiites. C'est pourquoi il tient absolument à ce que ce dossier soit traité sérieusement. En principe, l'État libanais devrait avoir des informations sur les déplacés, de quelles régions syriennes ils sont originaires par exemple. À partir de là, il peut inciter ceux qui viennent de régions pacifiées à rentrer chez eux. En même temps, il peut aussi alléger les formalités de retour. Il ne s'agit pas bien sûr de les rapatrier tous, mais de mettre sur les rails un processus qui inverserait la tendance et changerait la perception libanaise de ces déplacés.
Le Hezbollah estime ainsi que si ces trois dossiers (sécurité, loi électorale et déplacés syriens) sont traités efficacement, le Liban pourra regarder l'avenir avec confiance, car il se serait mis à l'abri des éventuelles tempêtes régionales et cela dans l'intérêt de toutes les composantes de ce pays.
Pour mémoire
commentaires (7)
Un article bien dose et qui decrit nos opinions .
Aoun Imad
19 h 37, le 18 février 2017