Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a tempéré hier, à Bonn, les ardeurs de rapprochement avec la Russie, annonçant une coopération sous condition. « Les États-Unis envisageront de coopérer avec la Russie lorsque nous pourrons trouver des domaines de coopération pratique qui serviront les intérêts du peuple américain », a mis au point le secrétaire d'État américain Rex Tillerson, après une rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov, la première depuis son entrée en fonctions. « Lorsque nous ne serons pas d'accord, les États-Unis défendront leurs intérêts et leurs valeurs, et ceux de leurs alliés », a ajouté le ministre en marge d'une réunion avec ses homologues du G20, forum des pays riches et émergents, à Bonn en Allemagne.
M. Tillerson effectue au G20, qui s'achève aujourd'hui, son premier déplacement à l'étranger. Ses déclarations étaient très attendues pour tenter d'y voir plus clair sur le cap diplomatique de l'administration Trump, en pleine cacophonie, et en particulier sur la volonté qui lui est prêtée de vouloir se rapprocher de Moscou.
D'autant que l'équipe de campagne de Donald Trump est soupçonnée d'avoir eu des contacts avec le renseignement russe l'an dernier. Ce que le président américain a vivement démenti hier, affirmant qu'il s'agissait « de fausses informations fabriquées pour compenser la défaite des démocrates » à la présidentielle.
Respect de l'accord de Minsk
Le chef de la diplomatie a davantage soufflé le froid que le chaud à Bonn. M. Tillerson a ainsi demandé à Moscou de « respecter les accords de Minsk et de contribuer à la désescalade de la violence en Ukraine ». Le conflit dans l'est de l'Ukraine entre rebelles prorusses et troupes ukrainiennes a débuté en avril 2014 et fait près de 10 000 morts. Pour tenter d'y mettre fin, l'accord de paix de Minsk a été signé en 2015. Il a permis l'instauration de plusieurs cessez-le-feu, mais les regains de violence sont fréquents.
Cette semaine, le porte-parole du président Donald Trump avait été même plus loin en demandant à la Russie de rendre la Crimée annexée à l'Ukraine pour espérer une levée des sanctions américaines. Une exigence ne figurant pas dans l'accord de Minsk. Cette demande a été vécue comme une douche froide à Moscou. M. Lavrov de son côté s'est borné à dire hier à Bonn que les deux pays devaient pouvoir « aller de l'avant » quand leurs intérêts coïncident, indiquant ne pas avoir discuté avec M. Tillerson de la question des sanctions. Sujet pourtant prioritaire pour la Russie.
Sur ce point, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a dit avoir obtenu une assurance de M. Tillerson. « J'ai demandé aux Américains de répondre clairement sur la question des sanctions concernant l'Ukraine et j'ai eu une réponse qui pour l'instant est très claire : les sanctions sont liées au non-respect des accords de Minsk », a-t-il dit. « Nous ne voulons pas entrer dans une nouvelle guerre froide, c'est un point sur lequel Londres et Washington sont totalement d'accord », a dit son homologue britannique Boris Johnson. « Mais nous ne voulons pas pour autant que l'attitude russe reste ce qu'elle est. Rex Tillerson s'est montré très clair sur ce point », a-t-il indiqué à la BBC.
Moscou perd patience
À Bruxelles, le secrétaire américain à la Défense James Mattis, tout en assurant que son pays chercherait des terrains d'« entente » avec la Russie, a prévenu qu'il n'envisageait pas « maintenant » de collaborer avec elle au plan militaire. Il l'a appelée à « se conformer au droit international ».
Côté russe, où l'on espère un réchauffement après des années de relations glaciales avec l'ancienne administration Obama, l'irritation grandit. La Russie et les États-Unis « perdent du temps » au lieu de normaliser leurs relations, a ainsi déploré hier le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a aussi haussé le ton en prévenant que toute tentative américaine de dialogue avec la Russie « fondé sur un rapport de force » mènerait à l'échec. Il réagissait à des propos tenus la veille par son homologue américain James Mattis qui a estimé que les États-Unis et l'OTAN devaient pouvoir négocier « en position de force » avec Moscou.
Dans un autre domaine, le chef de la diplomatie américaine a réaffirmé au G20 la « détermination » de son pays à défendre la Corée du Sud et le Japon, y compris avec le recours à la dissuasion nucléaire, à la suite du tir de missile nord-coréen dimanche.
(Source : AFP)