L'heure de la mobilisation générale contre les cyberattaques et les opérations de désinformation à des fins politiques, attribuées notamment à Moscou, a sonné dans de nombreuses capitales occidentales, avec des échéances électorales cruciales dans plusieurs pays européens. Face à un phénomène apparu, selon les experts, il y a une dizaine d'années et devenu plus aigu depuis 2015, il faut mobiliser des systèmes de défense à la hauteur de la menace et faire savoir à ceux qui seraient tentés d'utiliser l'arme cyber que des mesures de rétorsion existent et seront employées, assurent les plus hauts responsables.
Mercredi, le président français François Hollande a demandé que lui soient présentées « des mesures spécifiques de vigilance et de protection, y compris dans le domaine cyber, prises » pour la campagne présidentielle qui bat son plein en France et culminera avec la désignation du prochain président le 7 mai. « La France n'acceptera aucune ingérence dans son processus électoral, pas plus de la Russie que de tout autre État », a prévenu le même jour son ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. « Il faut faire clairement connaître les limites à ceux qui seraient tentés de porter atteinte à ce principe de non-ingérence, y compris en prenant des mesures de rétorsion quand c'est nécessaire », a ajouté M. Ayrault.
Alors qu'en Europe l'Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Norvège se préparent à différents scrutins et après les accusations de cyberingérence portées contre la Russie par les États-Unis lors de la présidentielle de 2016, les investissements dans des systèmes de cyberdéfense se multiplient. Mardi, à Londres, la reine Elizabeth II a inauguré un National Cyber Security Center (NCSC) flambant neuf, dans le cadre d'un plan doté de plus de deux milliards d'euros de budget. « Il est indiscutable qu'on assiste depuis deux ans à une augmentation des cyberattaques contre l'Occident de la part de la Russie », a affirmé à cette occasion Ciaran Martin, patron du NCSC. Le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, a accusé début février Moscou de faire de la désinformation « une arme ».
La conjonction de tentatives de piratage et d'opérations de désinformation est qualifiée par Moscou « de conflits hybrides », a déclaré fin 2016 la chancelière allemande Angela Merkel, après la plus importante cyberattaque enregistrée en Allemagne, contre Deutsche Telekom. « Cela appartient désormais au quotidien et nous devons apprendre à y répondre », a-t-elle ajouté.
Pour Julien Nocetti, chercheur associé à l'Institut des relations internationales (IFRI), « ce qui s'est passé l'été dernier aux États-Unis a été pour tout le monde un révélateur de l'acuité de la menace. Il n'y avait pas un tel niveau d'intérêt, à la fois dans la sphère privée et publique, avant l'été 2016 ». « C'est aussi rattaché au contexte stratégique : quand Trump menace de diminuer les financements de l'OTAN, cela inquiète tout le monde, car l'OTAN a construit depuis quelques années des capacités cyber, défensives et offensives, tout à fait remarquables », ajoute-t-il.
À l'automne 2015, l'Union européenne a créé un groupe baptisé East StratCom Task Force, chargé de surveiller les opérations de désinformation russes. Depuis cette date, cette cellule (une dizaine d'experts russophones) a comptabilisé 2 500 exemples, en 18 langues, « d'histoires contredisant des faits publiquement disponibles », a assuré à Bruxelles une source proche du dossier. Sa lettre bimensuelle, Disinformation review, pointe par exemple une dépêche de l'agence de presse officielle russe RIA-Novosti assurant que 700 000 Allemands ont fui l'Allemagne à cause de la politique menée par Angela Merkel.
Courant 2017, l'OTAN et l'UE ont prévu de créer en Finlande un Centre européen d'excellence de lutte contre les menaces hybrides, qui permettra à un réseau européen d'experts de s'informer mutuellement et d'informer les pays membres (de l'UE comme de l'OTAN) de nouvelles attaques ou menaces, que ce soit la désinformation russe ou les tactiques de propagande sophistiquées du groupe jihadiste État islamique.
Aux Pays-Bas, où des élections législatives sont prévues le 15 mars, les sites de plusieurs ministères et les services du Premier ministre ont été pris pour cible par des hackers, certainement russes, incitant les autorités à revenir au comptage manuel des bulletins de vote pour le scrutin, au détriment du vote électronique en vigueur depuis dix ans.
Michel MOUTOT/AFP
Moyen Orient et Monde - Internet
Cybermenaces et désinformation : les pays occidentaux se mobilisent
Avec des échéances électorales cruciales dans plusieurs pays, l'Union européenne cherche à se protéger d'attaques venant, notamment, de Russie.
OLJ / le 17 février 2017 à 00h00