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Liban - Humanitaire

Gestionnaire et homme de cœur, le président de Caritas-Internationalis en visite à Beyrouth

Le cardinal Tagle : « Laissez-moi vous dire que si la globalisation, c'est que la fortune des 8 plus riches personnes au monde soit égale à celle de 3,6 milliards des hommes et femmes les plus pauvres, alors la globalisation est quelque chose d'obscène. »

Le cardinal Luis Antonio Tagle, président de Caritas-Internationalis, entouré de Mgr Michel Aoun, évêque maronite de Jbeil (Byblos), président de la commission des affaires sociales de l’APECL (Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban), du nonce apostolique, Mgr Gabriele Caccia, et du président de Caritas-Liban, le P. Paul Karam (g. à d.).

Il y avait de l'élan, mais il y avait aussi de la lassitude parmi les membres du personnel de Caritas-Liban qui écoutait l'autre jour le cardinal philippin Luis Antonio Tagle (prononcer Taglé), archevêque de Manille, président de Caritas-Internationalis, parler de « la formation du cœur » des travailleurs sociaux de Caritas-Liban, l'organisme caritatif en charge de la pastorale sociale de l'Église catholique.

Il existe dans le monde 165 Caritas nationales, toutes autonomes, mais toutes liées organiquement à la Caritas- Internationalis, qui s'efforce elle-même d'être présente dans toutes les zones de détresse humanitaire, qu'elle soit provoquée par les guerres, la pauvreté ou les catastrophes naturelles. Caritas Internationalis parvient ainsi à toucher quelque 198 pays et territoires.

Dans la salle polyvalente située au 2e sous-sol de l'immeuble du siège central de Caritas-Liban, dans le quartier de Sin el-Fil, le cardinal Tagle, installé à une table avec le P. Paul Karam, président de Caritas-Liban, disparaissait derrière le panier à fleurs blanches placé devant lui. Mais son sourire et sa bonne humeur franchissaient cet obstacle. Avec l'aisance d'un homme habitué à s'exprimer en public – il est aussi professeur de théologie –, le prélat a longuement et bien parlé de « la formation du cœur » si nécessaire pour que Caritas-Liban ne sombre pas dans le « management », pour qu'elle ne devienne pas « une ONG parmi d'autres », mais reste « cette présence de Dieu aux hommes » qu'elle doit toujours être.

 

Népal : 3 000 morts en 3 minutes
Situation de détresse. Népal, 5 avril 2005, raconte le cardinal. Un tremblement de terre dévastateur frappe le pays. Dans un grand village à plus de 200 km de Katmandou, le sinistre avait fait 3 000 morts en quelques minutes.
Il n'y avait pas de chrétiens dans ce village, mais trois jours après la catastrophe, et au terme d'un long trajet par des routes sinueuses et étroites, Caritas était sur place. « La pauvreté y était telle que pour nous remercier, ces gens n'avaient rien à nous offrir sinon des poèmes, des danses et des guirlandes de fleurs, raconte l'évêque. Puis de l'eau et des biscuits ont été trouvés et distribués. J'ai fini par donner mes biscuits, en cachette, à un enfant dans les bras de sa mère, qui les fixait sans vergogne. Amour universel, voilà Caritas. »

Le discours et le sourire du cardinal Tagle n'ont pas effacé les rides de tous les fronts. Lui-même y fait allusion. « Pourquoi êtes-vous à Caritas, quand vous pouvez gagner plus ailleurs ? » lance-t-il à un personnel dont le travail tient aussi de la mission chrétienne. Ce discours est gracieusement accepté, mais des réticences se manifestent. Durant le temps d'échange informel qui suit son exhortation, le président de Caritas Internationalis entendra à plusieurs reprises cette remarque : la communauté d'accueil ressent profondément l'injustice d'une distribution de secours qui l'exclut, alors qu'elle est, parfois, presque au même niveau de besoin que la population qu'elle accueille. On dirait qu'indirectement, certains font ainsi entendre aussi leur propre voix.

 

(Pour mémoire : Jour de vérité pour Caritas-Liban)

 

Globalisation de l'indifférence
Pour le cardinal Tagle, la crise est macroéconomique. Le flux de migrants (et de réfugiés) vers les pays riches est « le signal d'un réveil ». « Nous parlons de globalisation depuis les années 80, dans l'espoir qu'une famille globale sera en cours de formation. Mais dernièrement, en particulier en Occident, une attitude protectionniste se développe. Des pays commencent à se protéger. Bien sûr, il est légitime de le vouloir. Mais le faire dans un monde aussi fluide que le nôtre, alors que des conflits, la pauvreté et les injustices chassent des populations entières de leur sol natal, a quelque chose de troublant. »

« Pour quelle raison une globalisation qui semblait si prometteuse est en train de produire quelque chose qui lui est tellement opposé ? poursuit le prélat. À mon avis, la question morale fondamentale est la suivante : quel genre de globalisation s'est produit au cours des dernières années ? Au cours du sommet économique de Davos, Oxfam (un collectif d'ONG qui se consacre à l'élimination des injustices à l'origine de la pauvreté) a rendu public une étude dans laquelle il est dit que la fortune des 8 personnes les plus riches au monde équivaut à celle de 3,6 milliards d'hommes et de femmes les plus pauvres. Laissez-moi vous dire que si c'est ça la globalisation, alors c'est une chose obscène ! Ce que nous voyons est aussi, peut-être, le signe d'une crise morale encore plus profonde. Jean-Paul II l'a relevé : la globalisation de l'amour et de la satisfaction des besoins essentiels, soit, mais la globalisation à laquelle nous assistons est celle qui profite à un très petit nombre. Et ceux qui se considèrent oubliés ou, pire, sacrifiés, se révoltent aujourd'hui. Malheureusement, les hommes politiques savent adroitement capitaliser sur ces sentiments de frustration. Le populisme n'est alors pas très loin. De son côté, le pape François a parlé de "la globalisation de l'indifférence". »

Sur les restrictions à l'immigration de la nouvelle administration américaine, le cardinal Tagle exprime des réserves. « Discriminer des pays et des populations comme si les migrants qui en proviennent sont des menaces potentielles tient de la généralisation ; et comme toute généralisation, celle-là peut être injuste (...). Par ailleurs, j'ai entendu dire que la priorité sera donnée aux chrétiens. Je ne pense pas que cette décision met à l'aise les chrétiens concernés. Ce n'est pas le moment d'ajouter une nouvelle discrimination à celles qui ont déjà cours dans le monde. Des déclarations de cette nature peuvent raviver des animosités et provoquer des réactions hostiles aux chrétiens de la part de musulmans. Je le redis, dans tout conflit, ce sont les innocents, chrétiens comme musulmans, qui seront affectés. C'est ce qui explique mes réserves. »
Comme antidote aux préjugés frappant les migrants et déplacés, le cardinal Tagle prescrit le contact avec « des personnes réelles, des histoires réelles ».

« Si vous ouvrez vos yeux, vos oreilles, votre cœur, vous pourriez dire : celle-ci aurait pu être ma mère ou ma sœur ; celui-ci aurait pu être mon père, enchaîne-t-il. Aux décideurs que je rencontre, je dis : de grâce, sachez que la décision que vous prenez touche la vie de personnes réelles. Si ce n'est pas la dignité humaine et le bien commun qui vous inspirent, votre action compliquera davantage le problème, au lieu de le résoudre. Vous ne pouvez pas créer des conflits, pousser des populations à l'exode, puis leur fermer la porte au nez ! »
Pourtant, c'est exactement ce qui se produit.

 

Pour mémoire

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