Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Analyse

Vers une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine ?

« La Chine commence véritablement à s'inquiéter », explique Jean-Pierre Cabestan, sinologue et directeur de recherche au CNRS, interrogé par « L'Orient-Le Jour ».

Dans une interview au « Wall Street Journal », Donald Trump a averti que la politique de la Chine unique était en « négociation ». Greg Baker/AFP

Les échanges tendus entre Washington et Pékin ont repris de plus belle depuis l'investiture de Donald Trump. Dès lundi, le nouveau porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, mettait en garde la Chine sur ses intentions expansionnistes en mer de Chine méridionale. Et Pékin de lui rappeler sa résolution « à défendre ses droits » dans la zone.

Le nouveau président américain avait déjà alarmé Pékin en acceptant, le 2 décembre 2016, l'appel de félicitations de la dirigeante taïwanaise, Tsai Ing-wen, rompant avec 40 ans de tradition diplomatique. Pékin interdit en effet à tout pays avec lequel il entretient des relations diplomatiques d'en avoir simultanément avec Taïwan : c'est la politique de la Chine unique, que les États-Unis se sont engagés à respecter en 1979. Washington peut ainsi entretenir des relations officielles avec l'Empire du Milieu, et conserver des liens officieux avec Taipei (notamment dans le domaine militaire). Un numéro d'équilibriste qui permet aux États-Unis de s'implanter en Asie-Pacifique, dont les deux géants se disputent l'hégémonie.

Mais le 45e président américain ne semble pas l'entendre de cet oreille. Dans une interview au Wall Street Journal, publiée le 14 janvier, le magnat de l'immobilier a remis en question ce fragile équilibre en déclarant que « tout est en négociation, y compris une seule Chine ». La levée de boucliers du côté de la Chine ne s'est pas fait attendre : « Si Trump est déterminé à utiliser cette tactique en prenant ses fonctions, une période d'interactions féroces, dommageables, sera inévitable, parce que Pékin n'aura d'autre choix que de ne plus prendre de gants », a écrit le China Daily, quotidien chinois contrôlé par l'État.

« La Chine commence véritablement à s'inquiéter », explique Jean-Pierre Cabestan, sinologue et directeur de recherche au CNRS interrogé par L'Orient-Le Jour. Les provocations à répétition du président montrent que « les choses se confirment du côté américain : la nouvelle administration va renforcer sa relation avec Taïwan, et la rendre moins discrète », poursuit-il. « Déjà sous l'administration Obama, ces derniers mois, le niveau des contacts bilatéraux avait été relevé, notamment sur le plan militaire », rappelle à L'OLJ Françoise Mengin, directrice de recherches au CERI (Sciences Po). Mais la médiatisation du milliardaire a remis Taïwan sur le devant de la scène internationale, mettant en péril les projets chinois de réunification.

 

(Lire aussi : Le président américain peut-il être l’ennemi ?)

 

« Pas franchir cette ligne »
Réintégrer Taïwan dans son giron permettrait à Pékin de prendre le contrôle de la mer de Chine méridionale, route maritime majeure qui concentre les rivalités dans la région. La Chine y a déjà entrepris une démonstration de force symbolique : au début du mois, son unique porte-avion, le Liaoning, a navigué dans les eaux internationales du détroit de Formose, s'approchant de la ligne de démarcation des eaux taïwanaises. Un jeu dangereux car les États-Unis et le Japon menacent d'intervenir militairement si l'Armée populaire décidait de pénétrer dans la zone taïwanaise. Washington s'est engagé depuis 1979 à défendre la sécurité de l'île en cas d'agression de la Chine. Et selon l'agence de presse Kyodo, l'armée nippone a mené cette semaine, avec l'armée américaine en observateur, un exercice de simulation d'affrontement militaire entre la Chine et Taïwan. Mais « la Chine ne devrait pas franchir cette ligne », selon Mme Mengin, « car elle subirait un contrecoup très élevé sur la scène internationale ». Pékin a conscience qu'un conflit généralisé avec Washington, qui compte plus d'alliés dans la zone, porterait préjudice à son ambition de s'imposer comme puissance régionale.

 

(Lire aussi : Politique étrangère : faut-il prendre Donald Trump au mot ?)

 

Déstabilisation ?
Une nouvelle opportunité s'offre toutefois à Pékin. La décision de Donald Trump le 23 janvier de retirer les États-Unis du TTP (Traité de libre-échange transpacifique), laisse le champ libre à la Chine, qui en était exclue, en Asie-Pacifique. Elle s'est déjà dit « prête à accélérer » la mise sur pied d'accords alternatifs pour combler le vide laissé par Washington. Quoi qu'il en soit, « la Chine ne désire pas de confrontation frontale avec les États-Unis, car cela irait à l'encontre de sa politique de développement », tempère M. Cabestan. Et de son côté, « Trump ne devrait pas aller jusqu'à normaliser les relations avec Taïwan » explique-t-il, évitant ainsi le casus belli.

L'escalade verbale entre les deux géants devrait cependant se traduire par une relation beaucoup plus fraîche. Pour M. Cabestan, « on va vers une nouvelle guerre froide, d'un type particulier, car les deux sociétés et économies sont beaucoup plus intégrées qu'autrefois ». C'est tout le paradoxe de la relation sino-américaine : alors que les deux puissances sont très dépendantes économiquement, leur rivalité stratégique est de plus en plus nette. L'Asie orientale est ainsi marquée par une bipolarité croissante, puisque les pays voisins sont contraints de se positionner par rapport à ce conflit. Se gardant toutefois le droit jusqu'ici de traiter avec les deux concurrents, au gré des intérêts nationaux. Mais « si les choses s'enveniment entre la Chine et les États-Unis, on peut aller vers une déstabilisation de la région », craint M. Cabestan. « La bipolarisation va être de plus en plus nette en Asie-Pacifique, avec le risque pour certains pays de devoir prendre un parti clair, et d'en payer le prix », explique-t-il.

 

Lire aussi

Le piège de Kindleberger

« L’Amérique d’abord », puis le conflit mondial

Les échanges tendus entre Washington et Pékin ont repris de plus belle depuis l'investiture de Donald Trump. Dès lundi, le nouveau porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, mettait en garde la Chine sur ses intentions expansionnistes en mer de Chine méridionale. Et Pékin de lui rappeler sa résolution « à défendre ses droits » dans la zone.
Le nouveau président américain avait...

commentaires (2)

Il n'en a même pas besoin le Donald Duck. Il lui suffit de faire chuter le DOLLAR (qui commence déjà, n'est-ce pas?!), pour mettre cette Chine toquerie en faillite !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 18, le 28 janvier 2017

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Il n'en a même pas besoin le Donald Duck. Il lui suffit de faire chuter le DOLLAR (qui commence déjà, n'est-ce pas?!), pour mettre cette Chine toquerie en faillite !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 18, le 28 janvier 2017

  • Prions que cela reste une guerre froide . Si ca devait chauffer , les usa qui n'ont pas pu venir à bout du petit Vietnam se feront déchirer. Et rappelons qu'à l'époque le Vietnam n'avait pas d'armes atomiques ni de missiles pouvant faire mal . Alors que les américains eux , les avaient et ne leur ont servi à rien , puisqu'ils ont détalé comme des petits lapins apeurés par la lumière des phares d'une bagnole.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 42, le 28 janvier 2017

Retour en haut