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Liban - Tribune

#ImagineaSchool

« En Syrie, je n'avais vu les chiffres que dans mon livre de mathématiques. Aujourd'hui, ma tente porte le numéro 19, mon camp informel le numéro 007, ma carte des Nations unies est aussi numérotée. Je déteste les chiffres. Je ne suis qu'un numéro. Je ne suis plus un être humain. » Ce sont les mots prononcés par un enfant réfugié syrien vivant au Liban.
Mohammad n'en est qu'un autre. Ses mains boursouflées et desséchées par la poussière du ciment révèlent toute son histoire. Mohammad craint de ne jamais retourner à l'école. « L'on est censé commencer l'école à six ans, non pas à quinze », dit-il.
L'attente et l'absence de toute certitude rongent la vie des enfants syriens. Lorsqu'on demande à un enfant de quatre ans à quoi ça sert d'aller à l'école, il explique que ceci lui permettra de lire les panneaux au cas où il est enlevé et pour être capable de retrouver le chemin de son lieu de vie.
Ces mots résonnent et reflètent l'opinion de centaines de milliers de petits réfugiés syriens vivant à l'heure actuelle au Liban. Ils vivent dans des campements de fortune, des campements qui se comptent par milliers sur le territoire libanais qui accueille le plus grand nombre d'enfants réfugiés par tête d'habitant au monde.
Jouer dans la boue leur permet de faire passer le temps. Ils n'ont pas d'écoles, ils n'ont pas de crayons, ils n'ont pas de livres. Les jours ne font que se succéder. Ce n'est pas une vie digne de ces enfants, ou de n'importe quel enfant. Et pourtant, voici la triste réalité de près de 200 000 enfants syriens en âge de scolarisation dans ce pays.
L'Unicef a filmé et produit un documentaire interactif intitulé www.imagineaschool.com qui a mis en exergue une génération d'enfants privés de leur droit fondamental à l'éducation. Ce documentaire, qui a été mis en ligne aujourd'hui, offre une occasion unique de découvrir la vie de ces enfants non scolarisés. Le documentaire s'attarde sur dix-neuf entrevues avec des enfants et une collection exceptionnelle de photos de classe. Il n'a pas été tourné dans une école mais dans l'entourage blafard d'un camp de réfugiés informel.
La place d'un enfant est à l'école, dans une classe. Les écoles permettent aux enfants de donner un sens à leur vie, une structure, une routine, un sentiment de sûreté et de normalité. Seule l'éducation peut, à long terme, mettre un terme aux cycles intergénérationnels de pauvreté et de discrimination. Seule l'éducation peut prévenir l'extrémisme et le désespoir. L'éducation revêt une importance encore plus cruciale durant les conflits. Pour un enfant dont la courte vie a été marquée par la violence, la peur, la perte et le déplacement, l'éducation représente le dernier recours pour mener une vie digne d'être vécue.
Les voix des enfants dans ce documentaire nous rappellent ce qui a été perdu. Voir des enfants qui ont arrêté de parler, des enfants dont le développement a accusé des années de recul en raison du traumatisme et du choc nous fend le cœur. Nous pouvons aider ces enfants à retrouver une vie normale. Certains évoquent leurs espoirs, leurs attentes. Lorsqu'on leur demande ce qu'ils veulent devenir lorsqu'ils seront grands, beaucoup répondent qu'ils veulent être enseignants. Ces mots nous rappellent l'impact que les enseignants laissent dans l'esprit des petits.
Certes, du progrès a été réalisé. Un grand nombre d'enfants reçoivent à l'heure actuelle une éducation. Avec l'aide des organisations des Nations unies, des bailleurs de fonds et des ONG... Le système scolaire public au Liban a fait preuve en outre d'une grande hospitalité et solidité. L'abolition des frais de scolarité pour tous les enfants au Liban a certes été une grande réalisation. Mais nous pouvons faire mieux. Chaque enfant syrien dans ce pays devrait être scolarisé.
Une même trame traverse les récits de tous ces enfants; il s'agit d'une combinaison d'espoir, de détermination et de perte. Si vous avez réussi à lire jusqu'ici, c'est parce que vous avez eu assez de chance d'aller à l'école. Pour de nombreux enfants syriens, le droit fondamental à l'éducation est devenu un luxe. Les récits de Mohammad, Sidra, Assia et d'autres enfants dans le documentaire de l'Unicef (www.imagineaschool.com) sont des histoires d'enfants qui imaginent un autre avenir, un avenir à portée de main si nous réussissons à leur accorder la chance de revendiquer un simple droit dont vous et moi jouissons. Si nous les écoutons parler attentivement, nous remarquerons une lueur d'espoir transparaître dans leurs témoignages, l'espoir d'un avenir possible... si et seulement si nous choisissons de les écouter.
Leur souffrance et leur courage doivent nous pousser à agir, à ouvrir les yeux.
Si nous laissons tomber ces enfants qui avouent envier les oiseaux en raison de leurs ailes, qui reconnaissent que leur maison leur semble être une prison, ni l'histoire ni les enfants ne nous jugeront avec clémence... Ils ne devraient d'ailleurs pas le faire. Leur voix nous rappelle ce que nous pouvons gagner... ou perdre. Le temps ne joue pas en notre faveur. Nous devons agir maintenant, main dans la main ; nous devons assurer à chaque enfant la possibilité de recevoir une éducation, où qu'il soit.

*Représentante de l'Unicef au Liban

« En Syrie, je n'avais vu les chiffres que dans mon livre de mathématiques. Aujourd'hui, ma tente porte le numéro 19, mon camp informel le numéro 007, ma carte des Nations unies est aussi numérotée. Je déteste les chiffres. Je ne suis qu'un numéro. Je ne suis plus un être humain. » Ce sont les mots prononcés par un enfant réfugié syrien vivant au Liban.Mohammad n'en est...

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