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Nos Lecteurs ont la Parole - Adib Y. TOHMÉ

Douze milliards de dollars

Douze milliards pour reconstituer les réserves en devises de la Banque centrale, cinq milliards de revenus pour les banques libanaises, deux milliards six cents millions pour les recapitaliser, deux milliards et quatre cents millions de rémunérations pour les apporteurs de stocks d'argent frais en dollars, 25 % de retour sur investissement : qui dit mieux  ? Ce n'est pas une ingénierie financière, c'est un miracle. Sauf que ce miracle ne fonctionne que pour les très riches. Pour ceux qui peuvent payer un ticket d'entrée d'au moins vingt millions de dollars, vingt millions pour gagner cinq millions en trois mois, ce n'est pas mal. Mettre deux cents millions sur la table, c'est encore mieux ; les gains seront multipliés par dix. Pour les autres, il ne reste que la foi. Et ceux-ci communient dans le noir. Vendredi noir, mardi noir, lundi noir, rien n'est laissé au hasard pour faire de la fête de Noël une vulgaire foire dans laquelle une masse informe de consommateurs courent dans tous les sens pour l'achat de produits uniformisés «  made in China  ». Toutes les techniques de manipulation publicitaire et comptable passent. Même le Nouvel An est cloné, J -5, -4, -3, -2, -1, J+1, +2, les uns s'empiffrent et les autres comptent. Il faudra bien remplir les caisses de l'État pour faire durer le miracle de la multiplication de l'argent. Parce que l'argent a un coût. Quand 75 % des revenus de l'État proviennent des taxes indirectes, consommer à crédit est un acte de foi national. Mais rien ne garantit que le miracle de la multiplication de l'argent par la Banque centrale, puis par les banques commerciales à travers le crédit, permette d'éteindre la crise et de surmonter la « stagflation ». Joli mot que la stagflation. Littéralement, il s'agit d'une inflation combinée à une faible croissance de l'activité économique. Les Libanais aiment les gros chiffres. Ça les empêche de penser aux questions essentielles, comme à quoi servira l'argent créé par les banques ou comment la réalité économique va se plier aux caprices de l'augmentation de la masse monétaire. Dans quelle mesure ces innovations financières vont nous aider à rééquilibrer nos finances publiques, à retrouver notre compétitivité, à préserver nos ressources gazières et à créer un patrimoine institutionnel. De ce point de vue, l'opacité règne en maître. Le problème de demain, qui est en même temps la solution d'aujourd'hui, est que les flux annuels des revenus de production sont ridiculement bas par rapport au stock de patrimoine détenu par les Libanais, qui dépasse les quatre-vingt-douze milliards de dollars. La création de richesses passe moins par l'intensification des flux d'argent vers les banques libanaises en contrepartie de rémunérations indécentes que par un travail planifié d'accumulation de suprastructures nationales : un système d'enseignement scolaire et universitaire public performant, un niveau culturel général de la population, l'aménagement du territoire, la résolution des problèmes énergétiques ainsi que des réseaux de transport et de communication modernes. Cette transformation, il appartient par essence au politique de l'accomplir. Encore faut-il qu'il soit indépendant du pouvoir financier. C'est tout l'enjeu de l'année 2017.

Douze milliards pour reconstituer les réserves en devises de la Banque centrale, cinq milliards de revenus pour les banques libanaises, deux milliards six cents millions pour les recapitaliser, deux milliards et quatre cents millions de rémunérations pour les apporteurs de stocks d'argent frais en dollars, 25 % de retour sur investissement : qui dit mieux  ? Ce n'est pas une ingénierie...

commentaires (2)

Mr. Tohme, pourquoi, au lieu de tout ce casse tete chinois, que vous decrivez si brillamment, pourquoi ne pas considerer l' autre aspect de la question? Des le premier Janvier de l'annee le budget de la Nation est reduit "automatiquement" de plus de cinq milliards de dollats (un tiers de ce budget) pour "servir" la dette. J'adore l'expression.Durant l'annee qui s'ecoule, un autre tiers disparait entre "service" de l'electricite et "service" de l'enregistrement des bien-fonds (l'evasion des 6% de taxes d'enregistrement). Que reste-t-il apres avoir paye les salaires des 200,000 fonctionnaires?Je voudrais conclure en soulignant que le service annuel de la dette qui a excede a present les cinq milliards de dollars atteindra inexorablement quinze milliards de dollars en 2031. Bonne soiree a tous.

George Sabat

22 h 25, le 10 janvier 2017

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Commentaires (2)

  • Mr. Tohme, pourquoi, au lieu de tout ce casse tete chinois, que vous decrivez si brillamment, pourquoi ne pas considerer l' autre aspect de la question? Des le premier Janvier de l'annee le budget de la Nation est reduit "automatiquement" de plus de cinq milliards de dollats (un tiers de ce budget) pour "servir" la dette. J'adore l'expression.Durant l'annee qui s'ecoule, un autre tiers disparait entre "service" de l'electricite et "service" de l'enregistrement des bien-fonds (l'evasion des 6% de taxes d'enregistrement). Que reste-t-il apres avoir paye les salaires des 200,000 fonctionnaires?Je voudrais conclure en soulignant que le service annuel de la dette qui a excede a present les cinq milliards de dollars atteindra inexorablement quinze milliards de dollars en 2031. Bonne soiree a tous.

    George Sabat

    22 h 25, le 10 janvier 2017

  • Clair, Net et Précis.... Rien à redire. EXCELLENT !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 57, le 10 janvier 2017

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