Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Par Daniel Georges TINAWI

Le Dubcek du pays du Cèdre

Il y un peu plus de trois mois, le Liban perdait, dans la nuit du 14 septembre, l'un des pères silencieux de notre résistance, un grand symbole, l'un de ses piliers, combien discret et digne... Ultime grâce qu'accordait l'Enfant de Bethléem à Abou Roy, qui n'aurait pu souhaiter plus grande béatitude au soir de sa vie... pour s'éteindre, après sa longue lutte contre la maladie, et rejoindre enfin la paix de ses aïeux...
Il nous quittait dans la sérénité poignante du 14 septembre, le jour de la fête de la Croix... Mais fête-t-on une croix ? En tout cas, pas à mon sens... Une croix, on la pleure, sans offense pour la Résurrection... Païens, dites-vous ! Nos traditions le sont assurément...
... Parce qu'une croix, autre que la célébrer avec force pétards et feux de joie, il nous faut, comme tout un chacun, la porter, comme la portait Abou Roy, à l'instar de son épouse Georgette – plus connue sous le nom d'Oum Roy – et de Ghazi, Alia', Fatek, Raifé et Fateh, sa fratrie, dont il était le deuxième. Fawzi portait profondément, inlassablement, la croix du Liban et de sa cause meurtrie, envers lesquelles il vouait une foi inébranlable, au point d'ignorer, sinon dénigrer, sa propre croix, qu'il taisait... Il souffrait silencieusement dans sa chair depuis des décennies.
Abou Roy était, corps et âme, un consacré du Liban et de notre cèdre biblique, particulièrement. Il suffisait de prononcer les mots sacrés pour le voir se dresser, pour que les paroles du chef vibrent, résonnent à nouveau jusqu'à hérisser tous vos sens...
Infatigable guerrier et inlassable botaniste-forestier dans sa pépinière : tel était le Dubcek du pays du Cèdre, un homme de terrain et de la terre, de 20 ans mon aîné, mon Dubcek, tel que j'aime à l'appeler, sans offense et sans amalgame. À l'instar de son alter ego tchèque, qui retrouvait sa vocation première de botaniste, après l'écrasement du Printemps de Prague par les Soviétiques, Abou Roy troqua son glaive pour la serpe, son fusil pour le lis de la Madone, comme d'aucuns adopteront la plume. Il travailla dès lors, religieusement, sa serre, tel l'ermite cultivant son micropotager, pour s'en nourrir...
Inépuisable oui... parce que dans les veines de notre forestier national coulait une puissante sève secrète, connue de lui seul, la sève du cèdre éternel, dont il était pétri...
Ce cèdre, symbole d'éternité, lui était combien cher, combien familier, combien triste aussi, puisque, pour chacun de nos martyrs, et dédié à son souvenir, nous plantions – nous plantons et planterons encore et toujours, hélas...– une pousse, légendée par une stèle posée au pied du conifère, portant le nom de chaque héros, dans Ghabet al-Chahid, la forêt du Martyr, située à Tabrieh, sur le domaine (wakf) d'un ancien couvent délaissé et ses environs, qui tenaient antérieurement de lieux de campement pour la formation milicienne...
Ghabet al-Chahid, le bébé, l'enfant adoptif d'Abou Roy, où l'âme du Liban et celle de Fawzi fusionnent, était entretenue, et superbement transformée il y a quelques années, en un haut lieu de la mémoire et du pèlerinage, un mémorial surmonté par Mar Estefane, une magnifique chapelle creusée dans le roc, bâtie par les mains nues de la vaillante équipe de Bob Haddad, qui en est ici infiniment remercié.

Il y un peu plus de trois mois, le Liban perdait, dans la nuit du 14 septembre, l'un des pères silencieux de notre résistance, un grand symbole, l'un de ses piliers, combien discret et digne... Ultime grâce qu'accordait l'Enfant de Bethléem à Abou Roy, qui n'aurait pu souhaiter plus grande béatitude au soir de sa vie... pour s'éteindre, après sa longue lutte contre la maladie, et...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut