Et le gouvernement fut ! Contrairement à l'atmosphère générale des derniers jours qui semblait privilégier le report jusqu'à la nouvelle année, le premier gouvernement de l'après-élection présidentielle et l'après-désignation du Premier ministre Saad Hariri (c'est aussi le second gouvernement formé M. Hariri après celui de 2009 qui avait suivi les élections législatives) a donc vu le jour. L'annonce très attendue de la naissance a été faite au palais présidentiel, qui a soudain retrouvé ses couleurs après les ravages de l'incendie provoqué il y a une dizaine de jours par un court-circuit.
Les tractations auront donc duré 48 jours (ce qui n'est pas si long comparé aux délais de formation des gouvernements depuis 2005) et après de multiples changements, le choix final s'est fixé sur une formule élargie de 30 ministres, en principe pour regrouper le maximum de parties politiques. Mais cela n'a pas empêché le parti Kataëb d'en être exclu, après le refus de son chef d'accepter un ministère d'État. Pourtant, dans ce gouvernement né in extremis un dimanche soir, alors que nul ne s'y attendait, il y a quand même un effort de changement, notamment au niveau des ministères d'État.
Avec les fonctions qui leur sont confiées, les ministres d'État ne sont donc pas choisis pour compléter seulement le nombre, selon les équilibres confessionnels et politiques adoptés dans la composition du gouvernement. Ils ont des rôles précis qui ont déjà des titres intéressants. Nicolas Tuéni est ainsi ministre d'État pour la lutte contre la corruption, sur l'insistance du chef de l'État qui a fait de ce thème son principal cheval de bataille. Quelle sera la mission exacte de M. Tuéni et comment pourra-t-il la concrétiser ? Il est sans doute trop tôt pour répondre à ces questions. Mais le fait même d'avoir voulu créer ce ministère est une initiative positive. Il y en a d'autres, comme le ministère d'État chargé des Droits de l'homme, confié à Ayman Choucair. Les plus sceptiques pourront dire qu'il ne suffit pas de donner un titre, encore faut-il lui donner un contenu. De toute façon, un pas en avant a été accompli à ce niveau et celui des Droits de la femme, puisque le ministre d'État Jean Oghassabian a été chargé de ce dossier. Le fait remarquable dans cette information, c'est que le ministère des Droits de la femme a été confié à un homme. Pour certaines associations féminines, c'est une nouvelle preuve du fait que le dossier de la femme reste au Liban sous la coupe des hommes. Au contraire, on peut voir dans cette désignation une volonté réelle d'améliorer la présence de la femme dans tous les domaines en renforçant ses droits. D'ailleurs, dans la déclaration faite après l'annonce de la formation du gouvernement, le Premier ministre Saad Hariri a insisté sur sa volonté d'améliorer la condition de la femme en général et dans le domaine politique en particulier. Il a même promis de tout faire pour obtenir l'adoption du système de quota féminin pour les prochaines législatives.
Sur le plan des parts politiques, revenues aux différentes parties, on peut dire, dans un premier survol de la composition du gouvernement, que le chef de l'État et le CPL ont obtenu plus de ministres qu'initialement prévu, autrement dit huit sur trente (dont un sunnite, Tarek el-Khatib, qui est membre du courant aouniste). Le Premier ministre Saad Hariri en a eu 7 et le duo chiite et alliés (le courant Marada et Talal Arslane) en a eu aussi 8, alors que le bloc de Walid Joumblatt a obtenu deux portefeuilles confiés à deux druzes, le Tachnag a eu un portefeuille et les Forces libanaises ont eu trois, plus Michel Pharaon.
Même si le Premier ministre a bien précisé que la distribution des parts dans ce gouvernement ne peut pas être considérée comme une règle inamovible, ni comme un précédent qui devrait désormais être respecté, il n'en reste pas moins qu'à ce stade, le grand gagnant reste le président et sa formation. Le Premier ministre peut aussi être compté parmi les gagnants parce que, d'une part, le gouvernement est né et, d'autre part, parce qu'il a obtenu deux ministres chrétiens (Ghattas Khoury et Jean Oghassabian), tout en nommant des ministres combatifs en mesure de mener la bataille électorale qui s'annonce. Il s'agit notamment du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, mais aussi de Jamal Jarrah (Télécommunications) et de Mouïn Merhebi (chargé du dossier des déplacés syriens). Il faut d'ailleurs noter que Saad Hariri a sciemment choisi de confier le ministère des déplacés syriens à M. Merhebi, originaire du Akkar et l'une des figures les plus radicales du courant du Futur pour pouvoir mener à travers lui la bataille électorale dans cette région du Liban-Nord. Le Premier ministre a aussi choisi Mohammad Kabbara pour mener la bataille électorale à Tripoli. Dans ce contexte, on peut dire que ce gouvernement est réellement un gouvernement centré sur la préparation des prochaines législatives.
Au sujet des FL, elles ont certes eu une part importante : vice-présidence du Conseil, ministères de la Santé, de l'Information et des Affaires sociales en plus du ministre d'État chargé de la Planification, Michel Pharaon. Ce dernier devait en principe rester au Tourisme, mais il a été victime du nouveau partage des parts qui n'a pas voulu donner aux FL quatre portefeuilles et celles-ci ayant refusé de céder ceux qu'elles avaient. Finalement, les FL ont conservé la part qu'elles devaient avoir dans la formule des 24, sans parvenir à obtenir un plus avec l'élargissement à la formule des 30.
Il reste encore à signaler le fait que c'est le bloc chiite qui a désigné une femme, Inaya Ezzedine (une biologiste), la seule de ce gouvernement. Il faut espérer qu'un jour le changement puisse aussi porter sur une participation plus équilibrée de la femme dans l'exécutif.
IMPOSÉ ET RECOMPONSÉ LES MARADA QUI ONT SACCAGÉ LE LIBAN EN 75 À LA PLACE DES KATAEB, IL FAUT LE FAIRE. C'EST INPARDONNABLE.
00 h 17, le 20 décembre 2016